samedi 30 janvier 2016

Colombie. La paix et l'intensification du conflit : Les défis du mouvement social


Par Itayosara Rojas Herrera 
29 janvier 2016
in Contagio Radio  

Après les annonces des engagements pris au cours des conversations de La Havane entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et la guérilla des FARC, la possibilité d'un accord général entre les deux parties semble de plus en plus proche. Cette possibilité maintenant si vraisemblable demande à être réfléchie par le mouvement social colombien et par toutes les forces qui aspirent à s'entendre sur un nouveau modèle de pays. Il est nécessaire ici de reconnaitre que le dépassement de la manifestation armée du conflit est une caractéristique sans laquelle il n'est pas possible de réussir des changements significatifs dans notre pays. Les possibilités d'un gouvernement véritablement démocratique qui garantisse la jouissance effective des droits pour toutes et tous les colombiens, passe en premier lieu par le dépassement du conflit armé.

Dit autrement, si cessait la guerre en ce moment, cela ouvrirait la possibilité à de nouvelles forces sociales de diriger le pays. Pourtant, "dépasser la manifestation armée du conflit" ne signifie pas la fin du conflit social, elle implique au contraire l'intensification de la "conflictivité" sociale. C'est à dire que nous, colombiens et colombiennes, pourrons voir plus clairement les problèmes sociaux qui semblaient auparavant s'estomper derrière le voile de la guerre. Nous pourrons peut-être mieux comprendre la complexité de ses causes et le pourquoi de sa persistance tout au long d'un demi-siècle.

Ainsi, "la solution politique et négociée au conflit colombien" a été une revendication du mouvement social qui a été présente tout au long de l'histoire de la Colombie. Chaque processus de paix qui a eu lieu dans le pays a reçu à un moment ou un autre un soutien populaire significatif et hétérogène. Le processus de La Havane n'est pas une exception et pendant son déroulement, il y a eu des journées d'action et de mobilisation sociale importantes, notamment le 9 avril.

S'il existe un soutien d'ensemble du mouvement social à la solution politique et négociée, ce dernier a laissé de coté plusieurs défis apportés par la signature de l'accord général sur la fin du conflit. Car dans cet accord, les intérêts du gouvernement national et du secteur social qu'il représente sont basiquement tournés vers les opportunités économiques que peut apporter "la paix", dans le but de maintenir et d'augmenter la confiance des investisseurs. C'est à dire que, pour le gouvernement national, "la paix" est la porte qui permet de conduire avec plus de force le projet néolibéral dans le pays. La vente de plusieurs entreprises publiques, l'augmentation des concessions minières et énergétiques, le cours de la réforme fiscale qui est en route, sont autant de symptômes du "paquet" néolibéral que le gouvernement cherche à mettre en oeuvre.

Ces réformes néolibérales ont toujours lieu au détriment de la qualité de vie des citoyens et citoyennes. Elles ont réussi à s'implanter par la force et la violence (voir le cas du Chili) et à travers un démantèlement des droits sociaux que les classes laborieuses avaient gagnés. La privatisation des secteurs de la Santé et de l'Education en sont un exemple. Ce processus de néo libéralisation a commencé à prendre forme avec force dans le pays dans les années 90. La constitution colombienne de 1991, bien qu'elle soit considérée comme une avancée des garanties en droits, fait partie de cette vague de néo libéralisation que tous les pays d'Amérique Latine ont traversée.

Quelle sera donc la réponse du mouvement social colombien ? Si la paix est bien une demande fondamentale et engendre le soutien aux accords issus des conversations de La Havane, le mouvement social doit aussi garantir l'exécution de ces accords et faire face aux réformes néolibérales que le gouvernement national cherche à mettre en place : Faire marcher la paix comme une réalité tangible et stopper le monstre néolibéral, voilà le grand défi pour les mois à venir.

Le soutien à la solution politique ne peut pas être de hocher la tête à toutes les réformes mises en oeuvre par le gouvernement national. La dispute politique pour la paix doit contempler aussi un programme anti-néolibéral, de jouissance effective des droits. La paix ne peut pas se résoudre à être un redoutable mille-feuilles de réformes néolibérales. Ce doit être au contraire un espace où la justice sociale et la jouissance effective des droits soient garanties pour tous les colombiens et colombiennes. Concrétiser cette espace dépend de l'action énergique et puissante du mouvement social, pour la paix et contre le néolibéralisme.

Source : La paz y la agudización del conflicto: Los retos del movimiento social 

Traduction : Catherine Marchais

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