mardi 1 septembre 2015

Emancipation

EMANCIPATION : Voilà le mot que j'ai reçu en partage à l'université d'été des Communistes de cette fin août 2015. Il a attiré mon attention dès l'ouverture de la session, lors de la présentation de "La France en Commun", texte d'invitation au débat proposé pour la Convention nationale du projet du PCF qui se tiendra au printemps 2016.

Alors que j'ai adhéré au printemps 2012, c'était ma première participation à l'université d'été d'un parti. J'arrivai fatiguée et remplie de doutes en me demandant comment retrouver un peu d'espérance pour regarder le monde. Très marquée par la crise grecque perçue comme une déception de plus, je ressentai (et je continue à ressentir...) le poids idéologique de plomb qui pèse sur les gens d'ici, la violence du quartier de Nanterre où je vis et travaille, le cantonnement des solidaires et des partageux dans le camp des vaincus. Il me semblait (et il me semble...) que la vieille Europe a mal partout, que ses os sont rongés, avec le sang sucré au diabète gras, le cerveau mité par alzheimer et les articulations bloquées. Ses yeux sont secs, ils n'ont plus de larmes. Elle n'a de toute façon plus conscience de l'iniquité et de l'innommable barbarie qu'elle engendre. Le pire est la sensation poisseuse que cette nuit longue et froide ne fait que commencer. Serait-ce une des raisons qui me fait chercher des chemins dans l'écriture ?

Attirée par l'idée du bonheur, je choisissai de commencer par découvrir Roger Vailland. Besoin de s'aérer les neurones, de goûter les mots. La lecture de Franck Delorieux m'a plu et donné envie de lire : A la librairie, j'ai pris Le grand jeu et 325 000 francs. Je chercherai le reste à la Bibliothèque.

J'ai poursuivi avec la question : Quelle réponse culturelle à la crise de sens ?? écouté avec intérêt la parole de Alain Hayot et Elsa Faucillon, retrouvé l'émancipation et le "grand récit émancipateur". Du coup, je suis retournée à la librairie pour acheter "Emancipation, les métamorphoses de la critique sociale". En sortant, je me suis dit que si j'achetai un bouquin après chaque atelier, le budget "Université d'été" allait complètement dévisser. J'ai décidé d'arrêter les frais : Les bibliothèques publiques ne sont pas faites pour téter les yeux des canards.

Dans la soirée, la performance de Bintou Dembélé m'a scotchée. Le corps noir maltraité, enfermé, violenté de la danseuse m'a rappelé le corps noir du gars assassiné dans le quartier début août. Choc traumatique réactivé que j'ai pu élaborer dans le demi-sommeil de la nuit.
Oh. Quelle nécessité de crier la violence du quartier !
Big up, ma soeur.


Samedi matin, 
le roi, la reine et le p'tit prince sont venus chez moi pour me serrer la pince.

Dès 9 heures, Lidia Samarkakhsh dresse en trois coups de cuillère à pot des repères sur la politique internationaliste du PCF. Clair, carré, précis. Vu les enjeux, ça vaut mieux : Bataille d'idée sur l'analyse du monde, Batailles sur les choix de la politique extérieure de la France, Bataille qui prend la forme de solidarités concrètes avec les peuples en lutte pour leur émancipation.
Moi qui suis habituée aux focus, prendre un grand angle dans la caboche : ça fait du bien.

Deuxième atelier de la matinée. COP 21: Quelles alternatives pour sortir de la spirale du réchauffement climatique ?
Où l'on affirme que ce n'est pas le climat qu'il faut changer mais le système,
où l'on va voir ce qui se passe au Sénégal avec Ibrahim Sene et en Bolivie avec Jean-Paul Guévara,
où l'on retient que le Sénégal vient à la COP pour demander à la France de "payer sa dette écologique" et refuser que les interventions militaires entrent dans le décompte du fond d'aide au développement,
où l'on comprend que la Bolivie appelle à Vivre Bien en équilibre et en harmonie avec la terre pour que l'autre ne vive pas pire.


Après déjeuner, le concept gramscien d'hégémonie a eu du mal à se frayer un chemin à travers mes synapses. 2 hypothèses d'explication :
1/. La digestion dans une salle chauffée par le soleil du début d'après-midi a provoqué un besoin de sieste très prononcé.
2/. L'intervenant parlait trop vite. Jeune et intelligent, il se rendra compte un jour que les capacités de réception des auditeurs sont bien moindre que ses capacités d'élocution.

En milieu d'après-midi, le thème de la lutte des classes au XXIème siècle avec Patrick Cohen-Seat, ouvrait de nouvelles perspectives sur la question clef de la fabrication de l'unité : Construire du commun à partir de la diversité, réinventer les espaces pour que "le Peuple" redevienne une force puissante en convergeant vers un projet commun. Là, pas de problème de transmission de la bande passante mais l'impression d'un discours qui tourne en boucle en pédalant dans la semoule.

En fin d'après-midi, j'ai apprécié l'affirmation de solidarité avec le peuple grec : Unis contre l'austérité. Après tous les événements de l'été, écouter Anne Sabourdin du PGE et Vangélis Goulas (ex représentant de Syriza-France)  alors que je les avais entendus à plusieurs reprises pendant la période d'euphorie, m'a permis de mettre des mots sur la confusion que je ressentais après la défaite. Je m'associe à l'idée qu'il ne s'agit pas d'une capitulation ou d'un ralliement de Syriza, et que la défaite du gouvernement Tsipras est notre défaite : Le peuple et le gouvernement grec ont poussé très haut le niveau du rapport de forces mais leur isolement en Europe a poussé à la décision d'éviter un effondrement du pays. Notre erreur a été de sous-estimer la volonté de détruire et la violence de la méthode européenne.
Reste à continuer et à riposter.
Reste à élever le niveau de nos forces en Europe. Venceremos.

Dimanche matin, 
le roi, la reine et le p'tit prince sont venus chez moi pour me serrer la pince.

Le débat intitulé Le numérique : Une révolution anthropologique et culturelle amène à penser qu'il y a plus de questions que de réponses. Mon attention est attirée par la présentation de l'idée des communs dans la bouche d'un geek de SavoirsCom1. Les questions de la gouvernance d'Internet, des plateformes du domaine public, de la nécessité d'un outil pour construire le commun obligent à être connectés avec le politique.


Finalement, pour le dernier créneau de débat, je choisis d'aller éclairer mes amours quotidiennes autour de l'Amérique Latine : ouverture d'un cycle nouveau ? avec Lydia Samarkakhsh et
Jean-Paul Guévara. Je retiens le risque réel de retour du néo-libéralisme dans le continent avec un cycle nouveau des forces libérales et une offensive des droites contre les gouvernements progressistes et parallèlement, un cycle de consolidation des processus progressistes qui continuent à porter des politiques de changement malgré les difficultés. J-P. Guevara affirme : "C'est possible de gagner la guerre contre le néo-libéralisme".

Pour le discours de clôture, Pierre Laurent a une parole de combat sur fonds d'élections régionales bien accueillie par les militants. Après applaudissements et Internationale chantée au poing levé, j'arrive avec une demie-heure de retard au RV du car de Paris... qui m'a laissée tomber comme une vieille chaussette. Bon. "L'heure, c'est l'heure" chez les camarades de Paris, même si le discours du Secrétaire Général explose le planning. Conclusion : Vive la solidarité des camarades du Val de Marne ! Il leur restait de la place dans le car et sont plus cools au niveau des rythmes...

Alors EMANCIPATION ???
Oui, pendant ces trois jours, une action de libération de la contrainte du désespoir a eu lieu dans ma tête. Et ça ne demande qu'à continuer...