samedi 30 novembre 2019

De Valparaiso à Paris : La coupable ce n’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit


Ce lundi 25 novembre dernier, dans le cadre des manifestations féministes pour la journée internationale de luttes contre les violences faites aux femmes, le collectif chilien Lastesis a présenté une intervention qui dénonce la violence de genre dans les rues de Valparaiso, Santiago et plusieurs villes du pays.

Cette chorégraphie, chantée à l'unisson par des centaines de femmes cherche à rendre visible l'inégalité de traitement et la violence constante dont les femmes sont victimes à partir du moment où elles naissent.

"Le patriarcat est un juge, qui nous juge dès la naissance. Notre punition est la violence que tu vois. C'est le féminicide, l'impunité pour mon assassin, c'est la disparition, c'est le viol" disent les premières strophes de l'intervention qui s'est rapidement popularisée dans les réseaux sociaux et qui s'est disséminée dans différentes villes du monde.

"La coupable, ce n'est pas moi, ni mes fringues, ni l'endroit" répète la chanson qui est devenue en quelques jours une icone de la lutte féministe. "Le violeur, c'est toi" engage finalement les différentes institutions qui ne prennent pas en charge le problème.

Hier soir, à Paris, des dizaines de militantes féministes réunies au Trocadéro ont répondu aux femmes chiliennes et elles ont ajouté leurs propres refrains : "A nos soeurs assassinées, de leur sang vous êtes tachés. A nos soeurs assassinées, on ne vous oubliera jamais".



lundi 25 novembre 2019

#Colombia: otro terremoto popular sacude el neoliberalismo (#PCF)


Comunicado del Partido Comunista Francés

El jueves pasado, más de un millón de colombianos respondieron a la convocatoria de un paro nacional lanzado por los sindicatos al que se unieron estudiantes, pueblos indígenas, organizaciones ambientales y sectores de la oposición, para denunciar las decisiones del gobierno de ultraderecha de #IvanDuque. Un gran "cacerolazo" cerró el día para denunciar la violencia de la policía antidisturbios.

Al proclamar "No a la guerra, defendamos la vida, ¡está prohibido rendirse!", los manifestantes pusieron en la agenda el tema de los derechos de las víctimas de los conflictos armados y la lucha contra la impunidad de los asesinos de representantes de pueblos indígenas, líderes sociales y excombatientes.

Esta movilización se produce en un clima de fuertes tensiones y movilizaciones en América Latina, donde los pueblos denuncian las lógicas devastadoras y depredadoras de un sistema económico que exacerba la complicidad entre los líderes económicos de las multinacionales y los políticos ultranacionalistas y liberales.

Ivan Duque, que sufrió graves reveses en las elecciones locales de octubre, sufre una impopularidad del 69% y trata de canalizar la protesta social criminalizándola y estigmatizándola. Utiliza, como Piñera, Bolsonaro o Añez, una salvaje represión policial que terminó este jueves con 3 muertos y 122 heridos entre los manifestantes. Represión que sus alliados "occidentales" apoyan muy calladamente.

El Partido Comunista Francés (PCF) desea expresar su solidaridad y apoyo al pueblo colombiano, a las organizaciones sociales y políticas que exigen opciones políticas que rompan con el capitalismo desenfrenado alineado con Washington.

El PCF hace un llamado al diálogo nacional para abrir el camino que permita salir de la crisis por arriba. Llama la comunidad internacional a trabajar en esta dirección a fin de evitar cualquier operación de injerencia parecida a las que ocurren demasiado amenudo en el continente latinoamericano ultimamente.

PCF - Partido comunista francés, 
París, 25 de noviembre de 2019
Source : PCF-Monde


jeudi 21 novembre 2019

Bolivie. Des cris de douleur qui s'élèvent dans tout le pays

Miguel Alandia, “Radiodifusión”, 1962, Banco Central de Bolivia, La Paz.

Par Maïté Pinero
Suite aux Reportages de Télé Sur du mercredi 20 novembre.

" Des cris de douleur " qui s'élèvent dans tout le pays accompagnent la " transition démocratique" des putschistes soutenus par l'Organisation des Etats Américains et reconnus par l'Union européenne. Des milliers de paysans venus des vingt provinces du pays ont conflué mercredi à Senkata où l'évacuation de la raffinerie, occupée par les habitants d'El Alto, a causé neuf morts. Ils ont observé une minute de silence et décidé de venir manifester à la Paz ce jeudi 21 novembre. Ils exigent le départ du gouvernement autoproclamé de Jeanine Anez, la libération de tous les emprisonnés et ont voté le maintien du blocage des routes. La pénurie s'installe à La Paz.

Nidia Cruz, la représentante de la défense du peuple, organisme officiel, a confirmé le nombre de morts, ajoutant que ce chiffre n'est pas exhaustif. Les militaires ont emporté de nombreux corps. Il y a aussi de nombreux disparus et détenus. Elle s'est adressée à Jeanne Anez : "Vous êtes femme, vous êtes mère. Les gens pleurent ici, dans la morgue, ils pleurent dans la rue. Les militaires doivent retourner aux casernes. Ces gens ont le droit de manifester pour exprimer leur opinion. Cessez la tuerie". A New York, Stephane Dujarric, le porte parole de l'Onu, dont une commission d'enquête doit arriver lundi en Bolivie, a déclaré que les nouvelles autorités allaient devoir " rendre compte" des morts et blessés.

A La Paz, la place Murillo, siège du Parlement, est encerclée par les tanks. Depuis plusieurs jours, un véritable bras de fer s'y déroule. L'OEA qui a joué un rôle déclencheur dans le coup d'état et l'Union européenne qui a reconnu les putchistes multiplient les pressions pour que de nouvelles élections soient annoncées au plus vite. Il faut donner une façade démocratique au régime fasciste et raciste. 

Dans un autre reportage, on voit le représentant de l'OEA, "ministère des colonies", comme un poisson dans l'eau parmi les putschistes et les militaires, parler de "Pacification, de Droits de l'Homme, de démocratie". Eva Cola, présidente du sénat ( Mas) explique devant la caméra que les députés et sénateurs du Mas "sont au travail pour empêcher le gouvernement Anez de mener à bien ses plans". Sonia Brito, députée du Mas, ajoute: "Ils peuvent nous menacer, nous emprisonner comme ils le font. Rien ne peut empêcher qu'une autre Bolivie soit dans la rue et disent non". Un député de l'opposition avertit en fin de vidéo que de nouvelles élections et la désignation d'un tribunal électoral seront imposés par décret, lundi, si les élus du MAS, majoritaires au Parlement,ne passent pas sous les fourches caudines fascistes, des élections à la pointe des fusils. 

Alors que les ambassadeurs occidentaux sont associés à toutes les négociations, tout comme l'Union Européenne, aucune voix ne s'est élevée en Europe, dans les assemblées pour appuyer les députés du MAS, des élus démocratiquement élus, encerclés par l'armée, soumis à toutes les pressions et qui voient leur peuple massacré. Ils font courageusement face et sont sur leurs bancs. Seule l'Assemblée nationale catalane a dénoncé le coup d'état et la tuerie en cours. Les rares journalistes sur place (ils étaient deux lors du massacre de Senkata et se cachent depuis car l'armée les recherche) signalaient hier l'arrivée de collègues. Il s'agit surtout de photographes qui diffusent les images de femmes en pleurs, de dizaines de milliers de paysans qui confluent vers El Alto, près de La Paz. Combien faudra-t-il encore de morts, de révélations sur le scénario bolivien, pour entrouvrir le rideau de fer médiatique qui participe du putsch ? Encore aujourd'hui, pas un reportage, pas une image, pas une Une sur l'horreur en Bolivie.


dimanche 17 novembre 2019

La haine de l'indien


Par Alvaro Garcia Linera
Vice-président de Bolivie en éxil
Source : CELAG

Comme un épais brouillard nocturne, les quartiers des classes moyennes urbaines traditionnelles de Bolivie sont parcourus par la haine. Leurs yeux débordent de colère. Ils ne crient pas, ils crachent. Ils ne revendiquent pas, ils imposent. Leurs chants ne sont ni d’espoir ni de fraternité, mais de mépris et de discrimination envers les Indiens. Ils conduisent leurs motos, montent dans leurs camionnettes, se rassemblent dans leurs fraternités de carnaval et leurs universités privées, et partent à la chasse à l'homme contre les Indiens debout qui ont osé leur prendre le pouvoir.

Dans le cas de Santa Cruz, ils organisent des hordes motorisées  sur des 4×4 avec des bâtons à la main pour effrayer les Indiens qu'ils appellent «collas», qui vivent dans les quartiers périphériques et les marchés. Ils chantent des slogans qui clament «tu dois tuer des collas» et si une femme en pollera  (jupe bouffante) les croise sur la route, ils la battent, la menacent et lui donnent l'ordre de quitter leur territoire. À Cochabamba, ils organisent des convois pour imposer leur suprématie raciale dans la zone sud, où vivent les classes nécessiteuses, et ils chargent - comme s'il s'agissait d'un détachement de cavalerie - des milliers de paysannes sans défense qui marchent pour la paix. Ils portent des battes de baseball, des chaînes, des grenades à gaz. Certains montrent des armes à feu. La femme est leur victime préférée. Ils attrapent une maire d'un village paysan, l'humilient, la traînent dans la rue, la ruent de coups, lui pissent dessus quand elle tombe à terre, lui coupent les cheveux, la menacent de la lyncher, et quand ils réalisent qu'ils sont filmés, ils décident de la peindre le rouge symbolisant ce qu’ils vont faire de son sang.

À La Paz, ils soupçonnent leurs employées domestiques et ne parlent pas quand elles apportent le repas à table. Au fond, ils les craignent, mais en même temps, ils les méprisent. Plus tard, ils sortent dans la rue pour crier, ils insultent Evo et, avec lui, tous ces Indiens qui ont osé construire une démocratie interculturelle dans des conditions d'égalité. Quand ils sont nombreux, ils traînent la Wiphala, le drapeau indigène, ils crachent dessus, la piétinent, la coupent, la brûlent. C'est une rage viscérale qui se déverse sur ce symbole des Indiens qu'ils voudraient éliminer de la surface de la terre avec tous ceux qui se reconnaissent en elle.

La haine raciale est le langage politique de cette classe moyenne traditionnelle. Leurs diplômes universitaires, leurs voyages et leur foi ne servent à rien car, finalement, tout est dilué face à la "vieille souche". Au fond, la souche imaginée est la plus forte et semble adhérer au langage spontané de la peau qui déteste, des gestes viscéraux et de leur morale corrompue.

Tout a explosé le dimanche 20, quand Evo Morales a remporté les élections avec plus de 10 points d'avance sur le deuxième, mais sans l'immense avantage des scrutins antérieurs, ni 51% des voix. C'était le signal qu'attendaient les forces régressives à l'affût : le candidat timoré de l'opposition libérale, les forces politiques ultraconservatrices, l'OEA et l'ineffable classe moyenne traditionnelle. Evo avait encore gagné mais n'avait plus 60% de l'électorat. Il était plus faible et on devait fondre sur lui. Le perdant n'a pas reconnu sa défaite. L'OEA a parlé "d'élections propres" mais d'une victoire réduite, elle a demandé un second tour en conseillant d'aller contre la Constitution, qui stipule que si un candidat dispose de plus de 40% des suffrages et de plus de 10% d'écart avec le deuxième, il est le candidat élu. Et la classe moyenne s'est lancée dans la chasse aux Indiens. Dans la nuit du lundi 21 octobre, 5 des 9 instances électorales ont été incendiées, y compris des bulletins de vote. La ville de Santa Cruz a décrété une grève civique qui a concerné les habitants des zones centrales de la ville, puis s'est ramifiée dans les zones résidentielles de La Paz et Cochabamba. C'est alors qu'a éclaté la terreur.

Des bandes paramilitaires ont commencé à assiéger des institutions, à incendier les sièges des syndicats, à mettre le feu aux maisons des candidats et des dirigeants politiques du parti au pouvoir. Même la maison privée du président a été saccagée. A d'autres endroits, des familles, y compris des enfants, ont été kidnappés et menacés d'être flagellés et brûlés si leur père ministre ou dirigeant syndical ne démissionnait pas de ses fonctions. Une nuit des longs couteaux, dilatée, s’était déchaînée, et le fascisme pointait son nez.

Lorsque les forces populaires mobilisées pour résister à ce coup d'État ont commencé à reprendre le contrôle territorial des villes avec la présence d'ouvriers, de travailleurs des mines, de paysans, d'indigènes et d'habitants des quartiers, alors que le bilan de la corrélation des forces s'inclinait plutôt du côté des forces populaires, la mutinerie de la police s'est déclenchée.

Les policiers avaient montré depuis des semaines une grande indolence et une protection ineficace des gens humbles, battus et persécutés par des bandes fascisantes. Mais à partir de vendredi, ignorant le commandement civil, nombre d'entre eux ont démontré une extraordinaire capacité pour attaquer, arrêter, torturer et tuer des manifestants populaires. Bien sûr, auparavant, il s'agissait de contenir les enfants de la classe moyenne et, supposément, ils n’en avaient pas les moyens. Pourtant, au moment de réprimer des indiens révoltés, le déploiement, l’arrogance et la fureur répressive ont été monumentaux.

La même chose s'est produite avec les forces armées. Tout au long de notre administration, nous n'avons jamais permis que les manifestations civiles soient réprimées, pas même lors du premier coup d'État civil de 2008. Et maintenant, en pleine convulsion et sans que nous ne leur ayons rien demander, ils ont déclaré qu'ils n'avaient pas d'éléments anti-émeutes, qu'ils avaient à peine 8 balles par agent et qu'un décret présidentiel était requis pour être présent dans la rue de manière dissuasive. Pourtant, ils n'ont pas hésité ensuite à briser l'ordre constitutionnel en demandant / imposant au président Evo sa démission. Ils se sont mis en quatre pour essayer de le kidnapper quand il se dirigeait vers le Chapare ; et quand le coup d'état fut consommé, ils sont sortis dans les rues pour tirer des milliers de balles, militariser les villes, tuer des paysans. Tout cela sans aucun décret présidentiel. Pour protéger les Indiens, un décret était nécessaire. Pour réprimer et tuer des Indiens, il suffisait d'obéir à ce que la haine raciale et la haine de classe ordonnait. Et en seulement 5 jours, plus de 18 morts et 120 blessés par balle. Bien sûr, tous indigènes.

La question à laquelle nous devons tous répondre est de savoir comment cette classe moyenne traditionnelle a été en mesure de couver tant de haine et de ressentiment envers le peuple, jusqu'à embrasser un fascisme racialisé centré sur l'indien en tant qu'ennemi. Comment a-t-elle fait pour irradier ses frustrations de classe à la police et aux forces armées ? Et être la base sociale de cette fascisation, de cette régression d'état et de cette dégénérescence morale ? 

Il y a eu le rejet de l’égalité, c’est-à-dire le rejet des fondements mêmes d’une démocratie substantielle.

Les 14 dernières années de gouvernement des mouvements sociaux ont eu pour caractéristique principale le processus de péréquation sociale, la réduction abrupte de l'extrême pauvreté (de 38 à 15%), l'extension des droits de tous (accès universel à la santé, à l’éducation et à la protection sociale), l’indianisation de l’Etat (avec plus de 50% des fonctionnaires de l’administration publique ont une identité autochtone et un nouveau récit national autour du tronc autochtone), la réduction des inégalités économiques (baisse de 130 à 45 de la différence de revenus entre les plus riches et les plus pauvres), c'est-à-dire la démocratisation systématique de la richesse, l'accès aux biens publics, aux opportunités et au pouvoir de l'État. L'économie est passée de 9 000 millions de dollars à 42 000 millions, en accroissant le marché et l'épargne interne, ce qui a permis à de nombreuses personnes d'avoir leur propre maison et d'améliorer leur activité professionnelle.

Mais cela a conduit au fait qu'en une décennie, le pourcentage de personnes dans la soi-disant "classe moyenne", mesurée en revenus, est passé de 35% à 60%, principalement dans les secteurs populaires indigènes. Il s’agit d’un processus de démocratisation des biens sociaux par la construction d’une égalité matérielle qui, inévitablement, a entraîné une dévaluation rapide des capitaux économiques, éducatifs et politiques possédés par les classes moyennes traditionnelles. Si auparavant, un nom de famille notable ou le monopole des savoirs légitimes ou l'ensemble des liens parentaux propres aux classes moyennes traditionnelles leur permettaient d'accéder à des postes dans l'administration publique, d'obtenir des crédits, des permis pour des travaux ou des bourses d'études, aujourd'hui, le nombre de personnes qui postulent pour le même poste ou la même opportunité,  n'a pas seulement doublé - réduisant de moitié les possibilités d’accès à ces biens - il se trouve que, les «arrivistas», la nouvelle classe moyenne d’origine populaire autochtone, disposent d’un ensemble de nouveaux capitaux (langues autochtones, liens syndicaux) d’une valeur plus grande et d’une plus grande reconnaissance de la part de l’État pour gagner les biens publics disponibles

C’est donc un effondrement de ce qui était une caractéristique de la société coloniale : l’ethnicité en tant que capital, c’est-à-dire le fondement imaginaire de la supériorité historique de la classe moyenne sur les classes subalternes, car ici, en Bolivie, la classe sociale est seulement compréhensible et est visible sous la forme de hiérarchies raciales. Le fait que les enfants de cette classe moyenne aient été la force de choc de l'insurrection réactionnaire est le cri violent d'une nouvelle génération qui voit comment l'héritage du nom de famille et de la peau s'efface devant la force de la démocratisation des biens. Ainsi, bien qu'ils arborent des drapeaux de la démocratie comprise autour du vote, ils se sont en réalité rebellés contre la démocratie comprise autour de l'égalisation et la distribution de la richesse. D'où le débordement de haine, la violence débridée. Parce que la suprématie raciale n’est pas quelque chose qui se rationalise, elle est vécue comme une impulsion première du corps, comme un tatouage de l’histoire coloniale sur la peau. Ainsi, le fascisme n’est pas seulement l’expression d’une révolution manquée, mais aussi, paradoxalement, dans les sociétés post-coloniales, le marque du succès d’une démocratisation matérielle. 

Par conséquent, il n’est pas surprenant que, tandis que les indiens rassemblent les corps d’une vingtaine de personnes assassinées par balles, leurs bourreaux matériels et moraux racontent qu’ils l’ont fait pour préserver la démocratie. Mais en réalité, ils savent que ce qu’ils ont fait, c'est protéger le privilège de la caste et du nom de famille.

La haine raciale ne peut que détruire. Ce n'est pas un horizon. Ce n'est rien d'autre que la revanche primitive d'une classe historiquement et moralement décadente qui démontre que, derrière chaque libéral médiocre, un putschiste accompli est à l'affût.




Le coup d'Etat en Bolivie est raciste, patriarcal, ecclésiastique et entrepreneurial

Image @Jose Nicolini
Entretien avec Adriana Guzmán
Par Claudia Korol
Source : Página 12

Adriana Guzmán est membre du mouvement "Féministes d'Abya Yala" et de "Féminisme Communautaire Anti-patriarcal de Bolivie". Elle s'est reconnue dans cette lutte avec d'autres camarades pendant la guerre du gaz en 2003, elle a l'habitude d'expliquer qu'elle a appris dans la rue ce qu'est le patriarcat et qu'elle y a découvert que le féminisme est un outil fondamental pour créer d'autres formes de vie. En ce moment-même, elle résiste à l'avancée des milices qui ont brûlé sur la place publique la Whipala, le drapeau des peuples originaires. Un geste d'une telle violence symbolique qu'il est difficile d'en parler sans que le cœur ne se brise. Dans ce dialogue, elle caractérise le coup d'état, elle appelle à y faire face et à soutenir les actions de la résistance.

- Comment caractérises-tu le coup d'état en Bolivie ?

Il y a une douleur profonde face au triomphe de ce coup d'état civil, militaire, fondamentaliste, entrepreneurial. Ces mobilisations ont commencé après les élections du 20 octobre, lorsque le processus électoral a été accusé de fraude alors que Evo Morales avait obtenu 10% de voix supplémentaires contre le second candidat, Carlos Mesa. Il y avait un mécontentement dans certains secteurs de la société pour le renouvellement de mandat d'Evo. En tant que féministes anti-patriarcales au sein de la communauté, nous faisons ici une autocritique : nous croyons que nous devrions repenser ce renouvellement de mandat d'Evo. Mais d'un autre côté, il y avait beaucoup d'impositions des autres partis. Par exemple, Carlos Mesa, génocidaire, co-responsable du Massacre du Gaz en 2003, se présentait aussi aux élections en tant que candidat. Si un génocidaire se présente aux élections, comment ne pas se présenter à nouveau même si c'est pour la troisième fois?

-Qui sont les protagonistes du coup d'État?

D'un côté, il y a une opposition dirigée par Carlos Mesa qui, en termes "démocratiques", se serait vue affectée par la prétendue fraude. Il a été vice-président de Gonzalo Sánchez de Losada, il est co-responsable du massacre du gaz, et c'est la dernière carte qu'a dû utiliser l'opposition des partis politiques, une opposition anachronique, sans proposition, sans visages, qui avait été brisée au cours des années du processus de changement. Des partis dont les sigles n'existent même plus, mais qui  se réunissent et prennent Carlos Mesa comme candidat. Ce serait "l'opposition politique". Ce sont les voix qui questionnent le MAS (Mouvement vers le socialisme).

De l'autre côté, il y a le groupe de droite fasciste dirigé par le Comité civique de Santa Cruz, dont le président est Luis Fernando Camacho. C'est une instance inventée par les chefs d'entreprise pour participer aux décisions et à l'élaboration de lois pour défendre leurs intérêts. Le Comité civique représente des hommes d’affaires, des oligarques, des propriétaires terriens et des partenaires transnationaux de l’est de la Bolivie. L’Est bolivien est occupé par les propriétaires terriens qui ont reçu leurs terres comme cadeaux de la dictature et qui y ont soumis les peuples indigènes, les migrants de La Paz et d’autres départements, des migrants Aymara et Quechua contraints à les servir, comme des pions. C'est cette opposition économique qui a conduit le coup d'Etat. Luis Fernando Camacho est également lié aux cartels de la drogue. Il est le fils d'un paramilitaire qui a été au service de la dictature. Voilà ce que représentent ceux qui ont dirigé ce coup d'état.

-Il y a des secteurs politiques qui ne parlent pas de coup d'Etat. Pourquoi le caractérisez-vous de cette façon?

Premièrement, parce que la déstabilisation sociale et politique a été recherchée, on a semé la terreur avec des groupes armés dans différents endroits. Avec des armes à feu, des casques, des boucliers. Elle s'est articulée avec des groupes universitaires, para-étatiques, para-militaires, fascistes et racistes, qui existaient déjà depuis 2008, comme l'Union de la jeunesse de Santa Cruz. Semer la terreur, déstabiliser politiquement, c'est la première caractéristique du coup d'Etat. Puis s'allier avec la police qui se mutine. Puis convoquer les militaires qui sont supposés s'unir pour défendre le peuple. Mais quel peuple ? Le peuple qui porte à sa tête Luis Fernando Camacho. Tout cela, ce sont les caractéristiques d'un coup d'état. Et finalement, nous le voyons aujourd'hui, quand ce n'est pas Carlos Mesa qui rentre dans le Palais du Gouvernement après la démission d'Evo. Mais Luis Fernando Camacho, représentant de ces hommes d’affaires, de l’Église, et du pire fondamentalisme du pays. Il impose le drapeau, la Bible et convoque une junte "civico-militaire", où siègent des militaires et des personnalités "notables", c'est à dire eux-mêmes.

Ce coup d’État a eu d’une part des caractéristiques traditionnelles, comme la présence de l’armée et de la police, mais également d'autres caractéristiques, comme de favoriser la confrontation entre voisins, ce qui a été obtenu grâce à l’approfondissement du racisme. Des voisins se sont manifestés pour dire "Marre du gouvernement des indiens, des voleurs". Nous tous, qui avons un visage indien, on nous stigmatise en tant que membres du MAS. Et particulièrement nous, les femmes d'origines autochtones. Le coup d'État est aussi un coup dur pour les femmes, pour les organisations sociales. A cause de l'intimidation, à cause de l'humiliation. C'est un double coup. Ce n’est pas seulement contre l’État et le gouvernement, c'est aussi contre les organisations sociales.

- En tant que Féministes Communautaires Antipatriarcales, quelle évaluation faites-vous du gouvernement d'Evo ?

En tant que féministes communautaires anti-patriarcales, nous avons participé à ce processus de changement, nous l'avons construit. Ce féminisme est né dans le processus de changement. Les principaux débats ont eu lieu à l'Assemblée constituante. La plurinationalité, la reconnaissance des peuples, l'exercice de notre autonomie, de notre autodétermination. Il existe aujourd'hui des autonomies autochtones, indigènes et paysannes. Avec beaucoup de limites, certes, mais elles sont en train de se construire, la route vers la reconstitution du territoire est en cours de réalisation. Ce que nous souhaitions en tant que peuples, c'est ce que dit la Constitution : l’État de base communautaire, l’économie communautaire. L'article 338 qui parle du travail non rémunéré des femmes, qui dispose que le travail domestique produit de la richesse et doit être comptabilisé dans les budgets de l'État. Ces débats ont été traduits en lois, qui se sont traduits en programmes, en possibilités, en actions concrètes.

- Pourtant, il y a aussi des critiques du gouvernement d'Evo Morales concernant l'extractivisme, n'est-ce pas ? 

C'est principalement dans le domaine économique que nous avons les critiques. La matrice capitaliste du système n'a pas été transformée. Les intérêts des entrepreneurs, des éleveurs, des propriétaires des terres et des forêts n'ont pas été affectés. C'est certain. Vrai aussi qu'il y avait des contrats de 100 ans. Aucune décision politique n'a été prise en faveur de la nationalisation, par exemple, dans le secteur minier, alors que c'était une de nos demandes. 

Mais il y a eu de nombreux succès en termes de reconnaissance des peuples autochtones, en matière de construction, de création de notre propre organisation politique, de notre propre éducation. Ce sont des changements que nous avons faits, même au-delà de l'État, et même malgré l'État.

- En tant que féministe, peut-on défendre un président qualifié de machiste?

En tant que féministes, nous avons de nombreuses critiques sur Evo Morales, sur la matrice économique, sur l'extractivisme. Nous avons interrogé son machisme. Mais nous comprenons aussi qu'avoir un président dans lequel on peut se regarder, même s'il s'agit d'un président machiste, n'est pas la même chose que d'avoir un président blanc, homme d'affaires, oligarque... comme Macri. Nous comprenons la différence. Nous la comprenons dans notre corps, pas seulement rationnellement. Pour nous, il était important qu'Evo soit président. C’était parallèle au processus que nous avons fait dans les organisations sociales de transformation quotidienne : pouvoir nous regarder dans le miroir, nous reconnaître, nous nommer. C'est contre tout cela que vient le coup d'État. De là, l'humiliation. De là, l'avertissement. De là, la whipala en flammes.

- Que signifie le racisme en tant que composante structurelle du coup d'État?

Au cours du processus, il y a eu une décolonisation de l'éducation, à travers différentes politiques publiques, au sein de l'État comme au sein des organisations. Non seulement dans la récupération des pratiques ancestrales, mais dans la récupération épistémologique du "penser d'une autre manière", du  "gérer le pouvoir d'une autre manière". Pourtant, malgré cette décolonisation, nous n'avions pas approfondi le racisme. Pourquoi ? Parce que le racisme est un exercice de privilèges. Pour mettre fin au racisme, il fallait mettre fin aux privilèges qui émanent principalement du monde économique. Les privilèges des oligarques, des propriétaires terriens, n'ont pas été affectés comme cela aurait été nécessaire.

-En outre, le racisme est transversal, il ne correspond pas à un espace ni à un parti politique ...

Il y a aussi un échantillon de ce racisme dans les pratiques de la gauche et de certains féminismes. Une gauche coloniale qui suppose que les organisations autochtones, les paysans, servent à jeter des pierres, à bloquer des routes et non à décider comment nous voulons vivre. Cela a été la lutte de l'Assemblée constituante, la lutte entre les féminismes bourgeois, blancs, de classes moyennes et les féminismes communautaires. Et par "blanc", "bourgeois", je parle spécifiquement des féministes qui interviennent à partir de leurs privilèges, de leur classe, de leur maison, de leur travail consolidé, de leur argent, de leur nom de famille. Ces féminismes ont jugé le gouvernement pas seulement pour ses erreurs politiques, mais parce qu'il est indien. À ce stade, ils se sont d'abord prononcés pour dénoncer la fraude, sans toutefois remettre en cause le fait que Carlos Mesa, l'autre candidat, est un génocidaire. Au milieu des mobilisations, ils ont présenté la dispute comme une confrontation entre machos, sans regarder le racisme. Ensuite, ils ont cherché à rendre illégitimes nos allégations de racisme, en affirmant que parler du racisme était une campagne du gouvernement. Comme si ce pays n’était pas un pays colonisé par les Espagnols, envahi et systématiquement violé. Comme si, à ce moment-là, toutes ces années de colonisation et de racisme pouvaient être effacées par un parti, le MAS, 

- Qu'est-ce que les femmes et les gens perdent avec ce coup d'état ?

Que perdons-nous avec ce coup d'Etat contre l'État plurinational qui impose la République catholique et chrétienne? Ce coup est destiné à faire la leçon au gouvernement d'un Indien et certainement à mettre en place une junte composée de militaires et de notables. Voilà le colonialisme. Supplanter l'indien par les militaires et les notables. Ce coup d'état est contre le gouvernement indigène, autochtone, accompagné d'organisations paysannes et de mouvements sociaux. Ils nous font la leçon pour qu'il ne nous vienne plus l'idée qu’il est possible de vivre en dehors du capitalisme et que le bien vivre peut être une possibilité, pour que ne nous vienne plus l'idée de l’autodétermination, l'idée que nous pouvons nous auto-gouverner, nous auto-organiser. Pour que nous acceptions ce système capitaliste, néolibéral, patriarcal, colonialiste. Voilà le message.

- Comment penses-tu que la vie des communautés autochtones indigènes peut changer? Et spécialement celle des femmes.

Il y aura un recul absolu dans tous les droits que nous avons obtenus. On dit déjà que des lois vont être abrogées, comme la loi 348 qui garantit une vie sans violence et qui reconnaît le féminicide, c'est une loi que les fascistes n'ont jamais accepté. On va aller contre les droits conquis, toutes ces réalisations symboliques et réelles. Les universités autochtones seront également attaquées. C'est dans ce processus de changement et dans aucun autre, que, grâce à la lutte des organisations sociales, nous avons des universités autochtones où vont des jeunes qui étudient ce dont a besoin leur communauté et qui, après l'avoir étudié, retournent servir leur communauté. Ce ne sont pas des universités qui produisent des chefs d'entreprise et des déclassés pour le monde, comme les universités des villes. 

Ce que nous perdons, c’est la possibilité de conduire ce processus de transformation avec l’accompagnement de l’État. Mais nous ne perdons pas espoir. Nous ne perdons pas notre conviction, nous ne perdons pas nos rêves, nous ne perdons pas le désir de construire un autre monde possible. C'est beaucoup plus difficile dans un État fasciste, mais nous toutes et tous, nous continuerons à le faire.

Quelle est la situation en ce moment, alors qu'Evo Morales est déjà hors de Bolivie?

Les putschistes sont en train de s'emparer des canaux de communication. Les radios communautaires sont prises. Dans les médias tous repris par les conspirateurs, on parle de pillages qui sèment la terreur au nom du MAS. On dit que ce sont des soeurs et des frères qui viennent des communautés, alors que ce n'est pas le cas. Ils font ces annonces pour délégitimer notre résistance. Les organisations sociales ne pillent pas, elles font partie du peuple en résistance. Ils veulent discréditer notre résistance. Les organisations sociales ont appelé au siège de La Paz, l'eau a été coupée à La Paz. Nous allons récupérer La Paz et nous allons nous réorganiser.

- De quoi le peuple en résistance a-t-il besoin de la part des peuples des autres territoires? De quoi avez-vous besoin de la part des féminismes transnationaux ?

Notre appel, sœurs et camarades d'au-delà des frontières, le voilà : nous nous connaissons, nous nous sommes reconnus. Nous vous appelons d'abord à confier dans notre parole alors que l'information qui circule dit qu'il n'y a pas de coup d'état ici et que tout va bien. La vérité, c'est qu'il y a des militaires et des policiers qui soutiennent les conspirateurs du coup d'Etat, en intimidant les organisations. C'est un coup d'état. Nous avons besoin de vous pour le dire. Nous avons besoin que vous partagiez notre indignation, notre douleur et aussi notre peur face à ce que ces groupes armés génèrent. 

Notre appel est aussi de nous interroger en tant que féministes. Cette analyse qui se réduit à penser qu'ils sont tous les mêmes, qu'Evo était pareil aux autres, ou qu'il ne s'agit que d'un différend entre hommes, ne laisse pas voir comment le patriarcat, le capitalisme, se disputent les variables économiques et coloniales du système. Cela ne nous laisse pas voir que le fascisme ne dialogue pas. Le fascisme n'écoute pas. Le fascisme ne recule pas. Le fascisme élimine. Avec des humiliations, ils essaient d'éliminer nos luttes. Nous vous appelons à dénoncer cela et à construire un féminisme communautaire, populaire, en lutte, à partir de ces territoires, un féminisme qui ne soit pas au-delà du bien et du mal et qui, finalement, ne soit pas au service de la droite.




samedi 16 novembre 2019

L'enfer et le coup d'état en Bolivie.


Par Marco Teruggi
Source : Telesur

"Tu pars et je reste dans cet enfer" a déclaré le chauffeur de taxi lorsqu'il m'a quitté à l'aéroport d'El Alto au petit matin, sous une pluie verglaçante, après avoir fait des détours dans les labyrinthes d'une ville insurgée. Ce n'est pas une métaphore : le premier jour, lundi, était apocalyptique.

C'étaient des dizaines de pâtés de maison entourés de fils barbelés, des groupes avec des bâtons à chaque coin de rue, des colonnes qui venaient de différents districts, des foules avec des barres de fer, des pierres, des frondes, des commissariats de police en flammes. De la rage, tant de rage que j'en ai rarement entendue autant dans ma vie. Et du sang, beaucoup de sang sur le sol, dans les vidéos, dans les mots.

Depuis ce lundi, les drapeaux Whipalas sont dans toutes les rues d’El Alto et descendent jour après jour vers La Paz. Chaque nuit, il y a des veillées, des incendies, une décision inébranlable : ils ont activé la mémoire historique, la mémoire aymara antique et aussi la mémoire récente du soulèvement de 2003, où soixante personnes ont été tuées. "Mesa, bâtard, Octobre n'est pas oublié" : voilà le souvenir de El Alto contre les balles et pour la démission d'un gouvernement.

Ceux qui dirigent le coup d’état ont commis une erreur si profonde qu’il n’y a plus de mise en scène conciliatrice permettant d’arrêter l’escalade qui monte des quatre coins du pays vers la ville de La Paz, centre du pouvoir politique. Plusieurs demandes croisées qui convergent vers un ennemi commun synthétisé en quatre parties: Fernando Camacho, Carlos Mesa, Jeanine Añez et la Police nationale bolivienne.

La principale exigence est la démission d'Añez, qui s'est autoproclamée. Et au vu du caractère excluant et anti-autochtone du coup d'État, les revendications se condensent avec radicalité pour dénoncer le manque de respect des Whipalas et les agressions contre les femmes qui utilisent des jupes bouffantes, c'est-à-dire les autochtones.

Ces trois slogans reviennent dans chaque mobilisation qui arrive à La Paz depuis El Alto, avec les habitants de cette ville, ceux des hauts plateaux, des tropiques, des mines et des forêts, les yungas. Ils arrivent par l'avenue El Prado jusqu'à la Plaza Murillo, le lieu où le coup d'État s'est matérialisé concrètement et symboliquement.

Les auteurs du coup d'État se sont trompés et ont déclenché une réaction à un tel niveau, que cela ne faisait pas partie de leurs plans. La première réaction à l'escalade a été celle des forces armées boliviennes (FAB) qui ont envahi les rues en installant un état de siège de facto. Des avions militaires, des hélicoptères, des chars équipés maintenant du whipala ont commencé à circuler à La Paz, à El Alto, sur les routes du pays.

Quel est le plan de ceux qui ont conduit le renversement du gouvernement ? C'est la question centrale. Il y aurait trois étapes. La première, réalisée, consistait à renverser le gouvernement dirigé par Evo Morales et Álvaro García Linera. La deuxième, partiellement consommée, à construire une fiction institutionnelle concrétisée par l'auto-proclamation d'Añez, la nomination de ministres et d'officiers supérieurs de l'armée et de la police.

Cette deuxième étape a un point non résolu : le pouvoir législatif, bicaméral, est aux mains du Mouvement pour le socialisme (MAS) qui détient la majorité des deux tiers et élit de nouvelles présidences. L'architecture du coup d'état doit résoudre ce problème : soit annuler le pouvoir législatif par un coup d'Etat consommé, soit rechercher un accord avec le MAS.

Cet accord concerne la troisième étape, l’appel aux élections. La stratégie du coup d'Etat semble avoir envisagé cette solution depuis le départ : ce n'est pas un coup d'Etat qui proclame un commandant général ou une junte pour une durée indéterminée, mais qui cherche plutôt à se présenter comme constitutionnel en promettant des élections dans un délai bref.

Cela signifie donc ouvrir la voie électorale en ayant réuni les conditions nécessaires pour cette date. Ils ont commencé à chercher à les réunir avant le renversement de Morales, avec les persécutions, les meurtres, les massacres, auxquels s'ajoutent désormais les détentions dans le cadre d'une violation de l'état de droit et une l'impunité absolue. Le ministre de l'intérieur nommé par "l'auto-proclamée" l'a dit clairement : la "chasse à l'homme" a commencé.

Plusieurs points ne sont pas encore résolus et l'évolution dépendra, entre autres facteurs, de la pression dans les rues, ainsi que de la stratégie politique et parlementaire du MAS. Une des questions est de savoir si le plan du coup d'Etat - hétérogène et en conflit interne - cherchera à interdire le MAS ou à lui permettre de se présenter aux élections tout en persécutant ses cadres et ses dirigeants.

L'autre question centrale est : quelle est la stratégie de résistance au coup d'état ? On trouve quelques réponses dans la manière dont s'est développée l'affrontement pour faire face à l'escalade golpiste. Avec un manque de clarté de commandement pour réussir à ordonner un schéma articulé, en particulier ces derniers jours. Les mobilisations massives dans la phase de l'escalade ont reporté le résultat sans pouvoir l'arrêter, tandis que les piliers intérieurs du soutien au gouvernement se sont effrités jusqu'à arriver aux Forces Armées Boliviennes (FAB).

Il y a eu des appels à la mobilisation d'Evo Morales sans effets immédiats et coordonnés, avec une perte de la rue au moment de l'assaut final. Répondre à la question implique de se demander, au delà des rythmes internes des mouvements, où en était le processus de changement à l'heure du coup d’État.

On peut en voir un exemple avec la situation à El Alto, où la principale organisation, la Fédération des Conseils de Voisins (Fejuve), s’est scindée en deux : l’une liée au gouvernement, l’autre en opposition, et avec la mairie aux mains de l’opposition. Mercredi, un conseil s'est réuni pour tenter de former une nouvelle direction unifiée - les précédentes étant fortement remises en question - mais cet objectif n'est pas encore atteint.

Il y a trois aspects centraux. D'abord, que le personnage d'Evo Morales, sa défense et son retour, n'est pas une exigence fédératrice, du moins pour le moment. Deuxièmement, que les dirigeants des mouvements subissent, dans de nombreux cas, des situations d'usures et de divisions. A El Alto, cela se traduit par une grande puissance et une forte radicalité qui manque, pour le moment, d'une ligne et d'une direction capable de conduire le mouvement.

Troisièmement, élaborer une stratégie qui articule, dans le cadre d'un plan commun, les mouvements (comme ceux qui font partie de la Coordination Nationale pour le Changement), la Centrale syndicale des travailleurs boliviens (COB) et l'espace parlementaire. C'est une tâche aussi essentielle que complexe. 

De nombreuses questions demeurent. Il s'agit de l'offensive d'un coup d'État qui a besoin de se consolider, qui mesure les réponses face à la répression et à la militarisation du pays et qui bénéficie du soutien central de la grande majorité des médias du pays. 

La censure de l'information en Bolivie est excellente, chaque personne interviewée remercie la presse internationale d'être là. Les journalistes boliviens qui ne s'alignent pas sur le coup d'État sont menacés chez eux, au téléphone et au travail. La ministre de la Communication de facto a annoncé qu'elle persécuterait les "journalistes et pseudo-journalistes" pour "sédition". Chaque dictature a besoin de moyens qui reproduisent le récit. Besoin aussi d'une chape de silence.

*** 

Vendredi après-midi: des images arrivent du massacre à Cochabamba, il y a cinq morts jusqu'à présent. 

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Nous sommes dans la phase offensive du coup d’État, où les répressions, les persécutions et les meurtres sont accélérés et massifiés. Il y a beaucoup de camarades menacé.e.s, dans des ambassades, avec un état d'exception sans autre loi que celle dont le coup d'État a besoin en ce moment central.

Son objectif est de décapiter, décimer et diviser les forces du processus de changement et d'empêcher l'unification d'un front de résistance ainsi que l'articulation d'une alternative électorale à venir.

"Vous partez, je reste dans cet enfer", je le répète, en vérifiant les dates et en me demandant ce qui va se passer samedi au Venezuela, d'où j'écris ces lignes. La droite a annoncé des mobilisations et, on le sait, l'enjeu n'est pas Juan Guaidó, mais ceux qui sont aux commandes des stratégies et des finances, au Venezuela comme en Bolivie, et à l'échelle continentale où ils sont en phase offensive.

Ce qui se passe dans le pays d'où Evo Morales a dû partir en recherche d'asile n'est pas un événement isolé, c'est un projet en développement pour plusieurs pays. L'enfer est une carte qu'ils nous ont réservée.

Traduction : CM



mardi 12 novembre 2019

Lutter, vaincre, tomber, se relever. Alvaro Garcia Linera



"Des temps difficiles s'approchent mais les temps difficiles, c'est l'air des révolutionnaires.
C'est ce dont nous vivons, les temps difficiles.
C'est ce dont nous nous alimentons, les temps difficiles.
Ne venons-nous pas d'en-bas ?
Ne sommes-nous pas les persécutés, les torturés, les marginaux des temps néolibéraux ?
La décennie d'or du continent n'était pas gratis.
Elle a été votre lutte, celle d'en-bas, des syndicats, de l'université, des quartiers,
celle qui a donné lieu au cycle révolutionnaire.
Cette première vague n'est pas tombée du ciel.
Dans nos corps, il y a les traces et les blessures des années 80 et 90.
Et si aujourd'hui, provisoirement, temporairement,
nous devons retourner à ces luttes des années 80, 90 et 2000 :
Bienvenue !
C'est fait pour ça, un révolutionnaire.
Lutter, vaincre, tomber, se relever,
lutter, vaincre, tomber, se relever.
Jusqu'à ce que se termine la vie, voilà notre destin".

Alvaro García Linera
Ex Vice-Président bolivien


"Tocan tiempos difíciles, pero para un revolucionario los tiempos difíciles es su aire.
De eso vivimos, de los tiempos difíciles,
de eso nos alimentamos, de los tiempos difíciles.
¿Acaso no venimos de abajo,
acaso no somos los perseguidos, los torturados, los marginados, de los tiempos neoliberales?
La década de oro del continente no ha sido gratis.
Ha sido la lucha de ustedes, desde abajo, desde los sindicatos, desde la universidad, de los barrios, la que ha dado lugar al ciclo revolucionario.
No ha caído del cielo esta primera oleada.
Traemos en el cuerpo las huellas y las heridas de luchas de los años 80 y 90.
Y si hoy provisionalmente, temporalmente,
tenemos que volver a esas luchas de los 80, de los 90, de los 2000,
Bienvenido.
Para eso es un revolucionario.
Luchar, vencer, caerse, levantarse,
luchar, vencer, caerse, levantarse.
Hasta que se acabe la vida, ese es nuestro destino".

Alvaro García Linera 
Ex Vice-Presidente boliviano


dimanche 10 novembre 2019

Coup d'état en Bolivie #EvoNoEstáSolo


Mobilisation mondiale pour la vie et la liberté d'Evo Morales et des militants de la justice sociale et de la souveraineté nationale en Bolivie
#EvoNoEstáSolo

Evo Morales démissionne pour préserver la paix du pays : "Nous démissionnons pour que nos frères les plus humbles cessent de recevoir des coups de pieds, nous ne voulons pas d'affrontements" a déclaré Evo Morales.

Le président bolivien, Evo Morales, a annoncé dimanche sa démission après la vague de violence perpétrée par des groupes d'opposition qui ne veulent pas reconnaître les résultats des élections du 20 octobre. Suite aux fortes violences contre les militants et les dirigeants du Mouvement pour le socialisme (MAS), l'intimidation de journalistes, l'incendie de résidences, la trahison d'alliés politiques et de membres de la police nationale, le pays traverse une grave crise politique. "J'ai décidé de démissionner de mon poste pour que Carlos Mesa et Luis Camacho, cessent de maltraiter et de blesser des milliers de frères (...) J'ai l'obligation de rechercher la paix et voir comment nous nous affrontons entre boliviens fait très mal. C'est la raison pour laquelle j'envoie ma lettre de démission à l'Assemblée plurinationale de Bolivie "a déclaré l'ancien président Evo.

Dans un communiqué, les forces armées boliviennes ont indiqué que pour rétablir la stabilité de la nation, un changement de la présidence était nécessaire. "Nous suggérons que le président démissionne de son mandat pour permettre la pacification et le maintien de la stabilité de la Bolivie" a déclaré le commandant en chef des forces armées, William Kaiman. "Nous démissionnons pour que nos humbles frères cessent de recevoir des coups de pied ... des familles pauvres, humiliées, nous ne voulons pas de confrontations. Nous avons décidé de renoncer à notre victoire électorale, pour préserver la Bolivie. Tout pour la patrie" a déclaré Morales. 

Il a également dénoncé des rumeurs divulguées par des groupes d'extrême droite sur son éventuel départ du pays: "Je n'ai pas à m'échapper, je n'ai rien volé, si quelqu'un pense que nous avons volé qu'il en présente la preuve", ajoute-t-il. De son côté, l'ancien vice-président, Álvaro García, a déclaré que le gouvernement démissionnait pour faire cesser les violences alors qu'il avait travaillé au rétablissement de la souveraineté nationale et la dignité des droits : "Nous sommes le gouvernement qui a nationalisé les hydrocarbures, le gouvernement qui a sorti de la pauvreté plus de 3 millions de citoyens".

Evo a subi l'effondrement de son cabinet après plusieurs démissions comme celles du vice-ministre du Tourisme, Marcelo Arze; la présidente du Tribunal électoral, María Eugenia Choque, la ministre de la Planification, Mariana Prado; ainsi que le sénateur élu pour le Potosí, René Joaquino; Le gouverneur Juan Carlos Cejas et le maire Williams Cervantes. Bien que l'ancien président bolivien ait appelé les organisations internationales telles que les Nations unies (ONU) et l'Organisation des États américains (OEA) à vérifier les résultats des élections et convoqué tous les secteurs sociaux à une table de dialogue, des groupes d'extrême droite se sont déployés dans les rues pour attaquer la population.

Morales laisse un pays avec des taux de développement humain élevés, qui garantit les droits fondamentaux de la population et affiche une croissance économique de 4,5%, selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL). "Ce n'est pas une trahison des mouvements sociaux, la lutte continue, nous sommes le peuple. Nous avons libéré la Bolivie, nous laissons une patrie libérée, en développement, et dont les générations ont beaucoup d'avenir", a conclu Evo.

Source : Telesur

iVOLVEREMOS!