dimanche 1 décembre 2019

Pepe Mujica : "Finalement, les formes fachisantes sont les plus corrompues"


Par María Emilio Rebollo
Uruguay. Montevideo
Source : Ambito.com

«Toutes les victoires sont transitoires, toutes les défaites sont passagères» explique José «Pepe» Mujica depuis son refuge, sa ferme dans la banlieue de Montevideo. Quelques mois après avoir démissionné de son siège au Parlement uruguayen à cause de "la fatigue du voyage", l'ancien président et ministre de l'élevage est entré dans la campagne électorale en tant que candidat au sénat - sa liste a été la plus votée - et il a été placé à la tête de la campagne du Frente Amplio (le Front Elargi). L'un des politiciens les plus aimés, mais en même temps les plus critiqués, a reconnu les "erreurs humaines et les erreurs de communication" du bloc au pouvoir sortant. Entouré de livres et de cadeaux que d'autres dirigeants lui ont donnés, Mujica a mis en garde contre les mouvements "fascistoïdes" qui se présentent en Amérique latine "avec un haut degré de pureté anti-corruption et qui finissent par être les plus corrompus". Voici les principaux extraits de l'entretien accordé à Ambito.com.

Vous avez une longue histoire en démocratie. Vous avez été député, sénateur, ministre et président. Comment abordez-vous votre nouveau rôle au Parlement et sur quels projets vous concentrerez-vous?

José Mujica: C'est compliqué. Pour l'instant, je fais office de tête d'affiche. C'est à dire que la vie passe, celle de l’individu, comme celle des générations. Mais les causes demeurent, et nous devons donc penser aux nouvelles générations qui élèvent de vieux drapeaux dans de nouveaux moments. Ici, c'est un pays socialement très conservateur. En politique, il arrive ce dont tout le monde parle et qui s'appelle renouveau, mais s'il n'y a pas un vieux qui met sa tronche en avant, il n'y a pas de place pour la jeune garde. C'est comme si le rôle qui nous restait était celui du brise-glace qui ouvre le chemin. D'un côté, c'est ce que je fais, et de l'autre côté, j'ai des idées qui valent la peine d'être semées et défendues. Je pense que le monde vit ce qu'on pourrait appeler du néo-colonialisme d'entreprises. Ce ne sont plus les pays qui conquièrent un territoire, ce sont désormais les noyaux de capitaux qui concentrent leurs efforts sur des points géographiques rentables, comme l’Amérique latine.

Le Parlement uruguayen a une majorité conservatrice et plusieurs de ses représentants ont envisagé la possibilité de revenir sur certains des projets approuvés pendant votre mandat comme la légalisation de l'avortement et celle de la marijuana. Qu'en pensez-vous ?

J.M: Tout cela peut arriver. Il n'y a jamais de triomphe définitif dans la vie. Je ne partage pas la définition de la gauche et de la droite traditionnelles issues de la Révolution française. Pour moi, l'histoire humaine est un duel permanent entre une jambe conservatrice et une jambe de changement progressiste. En tant que tel, toutes les victoires et toutes les défaites sont transitoires. Nous, qui pouvons nous appeler progressistes, nous devons contribuer aux avancées de notre civilisation. Parfois, certaines marches de l'escalier sont brisées et nous devons reconstruire. Mais nous n’arrivons jamais au bout des escaliers ni à un monde utopique parfait.

Au cours des quinze années de gouvernement du Frente Amplio, la croissance a été soutenue, le revenu par habitant s'est amélioré, l'économie est restée stable en dépit des turbulences étrangères et les droits de l'homme ont progressé. Pourtant, le parti au pouvoir a perdu un important nombre de voix dans ce processus. A quoi l'attribuez-vous?

J.M.: Une chose est d'améliorer l'économie et d'avoir de meilleurs consommateurs. Autre chose est d'accroître le volume de citoyenneté et de conscience. Je suis sûr que beaucoup de gens considèrent ce qu'ils ont comme le produit de leurs efforts personnels ou de Dieu, mais ils ne le relient pas à des décisions politiques. Et cela fait partie de notre impuissance. Ou peut-être que c'est le succès de la culture subliminale de notre époque, qui confond le bonheur avec l'achat permanent. Et nous transforme en acheteurs voraces. Comme on le dit en créole, le pou ressuscité est insupportable.

Quelle autocritique convient au Frente Amplio ?

J.M: Je ne nie pas le déclin de l'électorat. Il y a sûrement eu des erreurs de communication et de conduites humaines. Mais je n'entrerai pas là dedans. Je ne le ferai que dans un an parce que, tout simplement, ce n'est pas dans les moments de défaite qu'on dresse des bilans. Cela ne sert qu'à se piquer le nombril. J'ai quelques idées, mais si nous commençons à passer des factures, la gauche se divise et la droite se regroupe par intérêt.

Lula da Silva a déclaré qu'Evo Morales n'aurait pas dû se présenter et qu'il aurait dû nommer un successeur. Pourquoi les dirigeants de la gauche latino-américaine ont-ils tant de mal à trouver qui les remplace ?

J.M : Evo a été obligé de se présenter parce que ceux du MAS ne pouvaient pas se mettre d'accord sur un successeur. Mon ami Lula a déclaré qu'Evo avait commis une erreur en postulant pour un quatrième mandat à la présidence. L'erreur ne vient pas d'Evo, mais de la discipline de son parti. Malheureusement, c'est difficile de trouver un chef. Le malheur est que la Bolivie a du lithium. Comment la culture occidentale allait-elle permettre qu'un Indien gère le carburant de l'avenir de l'humanité ? Il avait présenté un projet de gestion de ces dépôts et s'était arrangé avec les Allemands, les Chinois. Regardez l'utopie d'Evo: il voulait que la Bolivie fabrique les batteries. Comment les chrétiens occidentaux allaient-ils permettre une telle révolution indigène?

La présidente de facto en Bolivie, Jeanine Áñez, a assumé et posé pour des photos avec une Bible...

J.M : C'est une traîtresse indigène. Regardez à quoi elle ressemble. Elle a une tête de barbare indienne, teinte en blonde, occidentalisée.

Comme ce qui est arrivé avec Áñez, il y a une montée des secteurs politiques évangéliques en Amérique latine, dont l'image la plus forte est celle de Jair Bolsonaro au Brésil. Etes-vous inquiet de la croissance de leur influence ?

J.M : Je ne m'inquiète pas de l'avancée évangélique, mais du paquet qui y est associé. Je ne suis pas croyant, mais je suis un ami du pape. Pour moi, c'est un homme et pas l'envoyé de Dieu. Je respecte toutes les religions. Mais quand ils dépassent ou utilisent leurs croyances pour organiser le monde, là il y a une divergence.

L'une des surprises du premier tour a été les 11 points obtenus par l'ancien chef de l'armée, Guido Manini Ríos...

J.M : Ce sont des choses qui apparaissent comme des restaurations. Nous allons devoir faire face à cette réalité. Je milite depuis 71 ans, aurais-je perdu ? L'impossible en demande un peu plus.

Soutenez-vous l'idée qu'il existe une pratique de la loi dirigée par la droite contre les dirigeants de la gauche latino-américaine?

J.M : Tout est fait pour politiser la justice. Cela fait partie des symptômes conservateurs. Au nom de la pureté, les positions ne sont pas conservatrices, mais plus réactionnaires. Je veux séparer ces deux idées. Le conservatisme remplit une fonction humaine. Vous ne pouvez pas tout changer tous les jours parce que, sinon, c'est fou. Il y a un quota de rationalité. Mais les réactionnaires, c'est autre chose. Lorsqu'ils se renferment, ils transforment le non-changement en mythologie. Puis apparaissent des catégories : en revenir à la Patrie, à la famille, à Dieu. Toutes les formes fascistoïdes sont présentées avec un degré de pureté anti-corruption et finissent par être la chose la plus corrompue qui puisse être et attaquer la justice. Il y a alors une persécution. Cela devient une chose grandiloquente et des sauveurs apparaissent. J'ai vécu pris au piège dans les entrailles de l'armée et je connais leurs vanités. C'est l'avantage de connaître le monstre de l'intérieur.

samedi 30 novembre 2019

De Valparaiso à Paris : La coupable ce n’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit


Ce lundi 25 novembre dernier, dans le cadre des manifestations féministes pour la journée internationale de luttes contre les violences faites aux femmes, le collectif chilien Lastesis a présenté une intervention qui dénonce la violence de genre dans les rues de Valparaiso, Santiago et plusieurs villes du pays.

Cette chorégraphie, chantée à l'unisson par des centaines de femmes cherche à rendre visible l'inégalité de traitement et la violence constante dont les femmes sont victimes à partir du moment où elles naissent.

"Le patriarcat est un juge, qui nous juge dès la naissance. Notre punition est la violence que tu vois. C'est le féminicide, l'impunité pour mon assassin, c'est la disparition, c'est le viol" disent les premières strophes de l'intervention qui s'est rapidement popularisée dans les réseaux sociaux et qui s'est disséminée dans différentes villes du monde.

"La coupable, ce n'est pas moi, ni mes fringues, ni l'endroit" répète la chanson qui est devenue en quelques jours une icone de la lutte féministe. "Le violeur, c'est toi" engage finalement les différentes institutions qui ne prennent pas en charge le problème.

Hier soir, à Paris, des dizaines de militantes féministes réunies au Trocadéro ont répondu aux femmes chiliennes et elles ont ajouté leurs propres refrains : "A nos soeurs assassinées, de leur sang vous êtes tachés. A nos soeurs assassinées, on ne vous oubliera jamais".



lundi 25 novembre 2019

#Colombia: otro terremoto popular sacude el neoliberalismo (#PCF)


Comunicado del Partido Comunista Francés

El jueves pasado, más de un millón de colombianos respondieron a la convocatoria de un paro nacional lanzado por los sindicatos al que se unieron estudiantes, pueblos indígenas, organizaciones ambientales y sectores de la oposición, para denunciar las decisiones del gobierno de ultraderecha de #IvanDuque. Un gran "cacerolazo" cerró el día para denunciar la violencia de la policía antidisturbios.

Al proclamar "No a la guerra, defendamos la vida, ¡está prohibido rendirse!", los manifestantes pusieron en la agenda el tema de los derechos de las víctimas de los conflictos armados y la lucha contra la impunidad de los asesinos de representantes de pueblos indígenas, líderes sociales y excombatientes.

Esta movilización se produce en un clima de fuertes tensiones y movilizaciones en América Latina, donde los pueblos denuncian las lógicas devastadoras y depredadoras de un sistema económico que exacerba la complicidad entre los líderes económicos de las multinacionales y los políticos ultranacionalistas y liberales.

Ivan Duque, que sufrió graves reveses en las elecciones locales de octubre, sufre una impopularidad del 69% y trata de canalizar la protesta social criminalizándola y estigmatizándola. Utiliza, como Piñera, Bolsonaro o Añez, una salvaje represión policial que terminó este jueves con 3 muertos y 122 heridos entre los manifestantes. Represión que sus alliados "occidentales" apoyan muy calladamente.

El Partido Comunista Francés (PCF) desea expresar su solidaridad y apoyo al pueblo colombiano, a las organizaciones sociales y políticas que exigen opciones políticas que rompan con el capitalismo desenfrenado alineado con Washington.

El PCF hace un llamado al diálogo nacional para abrir el camino que permita salir de la crisis por arriba. Llama la comunidad internacional a trabajar en esta dirección a fin de evitar cualquier operación de injerencia parecida a las que ocurren demasiado amenudo en el continente latinoamericano ultimamente.

PCF - Partido comunista francés, 
París, 25 de noviembre de 2019
Source : PCF-Monde


jeudi 21 novembre 2019

Bolivie. Des cris de douleur qui s'élèvent dans tout le pays

Miguel Alandia, “Radiodifusión”, 1962, Banco Central de Bolivia, La Paz.

Par Maïté Pinero
Suite aux Reportages de Télé Sur du mercredi 20 novembre.

" Des cris de douleur " qui s'élèvent dans tout le pays accompagnent la " transition démocratique" des putschistes soutenus par l'Organisation des Etats Américains et reconnus par l'Union européenne. Des milliers de paysans venus des vingt provinces du pays ont conflué mercredi à Senkata où l'évacuation de la raffinerie, occupée par les habitants d'El Alto, a causé neuf morts. Ils ont observé une minute de silence et décidé de venir manifester à la Paz ce jeudi 21 novembre. Ils exigent le départ du gouvernement autoproclamé de Jeanine Anez, la libération de tous les emprisonnés et ont voté le maintien du blocage des routes. La pénurie s'installe à La Paz.

Nidia Cruz, la représentante de la défense du peuple, organisme officiel, a confirmé le nombre de morts, ajoutant que ce chiffre n'est pas exhaustif. Les militaires ont emporté de nombreux corps. Il y a aussi de nombreux disparus et détenus. Elle s'est adressée à Jeanne Anez : "Vous êtes femme, vous êtes mère. Les gens pleurent ici, dans la morgue, ils pleurent dans la rue. Les militaires doivent retourner aux casernes. Ces gens ont le droit de manifester pour exprimer leur opinion. Cessez la tuerie". A New York, Stephane Dujarric, le porte parole de l'Onu, dont une commission d'enquête doit arriver lundi en Bolivie, a déclaré que les nouvelles autorités allaient devoir " rendre compte" des morts et blessés.

A La Paz, la place Murillo, siège du Parlement, est encerclée par les tanks. Depuis plusieurs jours, un véritable bras de fer s'y déroule. L'OEA qui a joué un rôle déclencheur dans le coup d'état et l'Union européenne qui a reconnu les putchistes multiplient les pressions pour que de nouvelles élections soient annoncées au plus vite. Il faut donner une façade démocratique au régime fasciste et raciste. 

Dans un autre reportage, on voit le représentant de l'OEA, "ministère des colonies", comme un poisson dans l'eau parmi les putschistes et les militaires, parler de "Pacification, de Droits de l'Homme, de démocratie". Eva Cola, présidente du sénat ( Mas) explique devant la caméra que les députés et sénateurs du Mas "sont au travail pour empêcher le gouvernement Anez de mener à bien ses plans". Sonia Brito, députée du Mas, ajoute: "Ils peuvent nous menacer, nous emprisonner comme ils le font. Rien ne peut empêcher qu'une autre Bolivie soit dans la rue et disent non". Un député de l'opposition avertit en fin de vidéo que de nouvelles élections et la désignation d'un tribunal électoral seront imposés par décret, lundi, si les élus du MAS, majoritaires au Parlement,ne passent pas sous les fourches caudines fascistes, des élections à la pointe des fusils. 

Alors que les ambassadeurs occidentaux sont associés à toutes les négociations, tout comme l'Union Européenne, aucune voix ne s'est élevée en Europe, dans les assemblées pour appuyer les députés du MAS, des élus démocratiquement élus, encerclés par l'armée, soumis à toutes les pressions et qui voient leur peuple massacré. Ils font courageusement face et sont sur leurs bancs. Seule l'Assemblée nationale catalane a dénoncé le coup d'état et la tuerie en cours. Les rares journalistes sur place (ils étaient deux lors du massacre de Senkata et se cachent depuis car l'armée les recherche) signalaient hier l'arrivée de collègues. Il s'agit surtout de photographes qui diffusent les images de femmes en pleurs, de dizaines de milliers de paysans qui confluent vers El Alto, près de La Paz. Combien faudra-t-il encore de morts, de révélations sur le scénario bolivien, pour entrouvrir le rideau de fer médiatique qui participe du putsch ? Encore aujourd'hui, pas un reportage, pas une image, pas une Une sur l'horreur en Bolivie.


dimanche 17 novembre 2019

La haine de l'indien


Par Alvaro Garcia Linera
Vice-président de Bolivie en éxil
Source : CELAG

Comme un épais brouillard nocturne, les quartiers des classes moyennes urbaines traditionnelles de Bolivie sont parcourus par la haine. Leurs yeux débordent de colère. Ils ne crient pas, ils crachent. Ils ne revendiquent pas, ils imposent. Leurs chants ne sont ni d’espoir ni de fraternité, mais de mépris et de discrimination envers les Indiens. Ils conduisent leurs motos, montent dans leurs camionnettes, se rassemblent dans leurs fraternités de carnaval et leurs universités privées, et partent à la chasse à l'homme contre les Indiens debout qui ont osé leur prendre le pouvoir.

Dans le cas de Santa Cruz, ils organisent des hordes motorisées  sur des 4×4 avec des bâtons à la main pour effrayer les Indiens qu'ils appellent «collas», qui vivent dans les quartiers périphériques et les marchés. Ils chantent des slogans qui clament «tu dois tuer des collas» et si une femme en pollera  (jupe bouffante) les croise sur la route, ils la battent, la menacent et lui donnent l'ordre de quitter leur territoire. À Cochabamba, ils organisent des convois pour imposer leur suprématie raciale dans la zone sud, où vivent les classes nécessiteuses, et ils chargent - comme s'il s'agissait d'un détachement de cavalerie - des milliers de paysannes sans défense qui marchent pour la paix. Ils portent des battes de baseball, des chaînes, des grenades à gaz. Certains montrent des armes à feu. La femme est leur victime préférée. Ils attrapent une maire d'un village paysan, l'humilient, la traînent dans la rue, la ruent de coups, lui pissent dessus quand elle tombe à terre, lui coupent les cheveux, la menacent de la lyncher, et quand ils réalisent qu'ils sont filmés, ils décident de la peindre le rouge symbolisant ce qu’ils vont faire de son sang.

À La Paz, ils soupçonnent leurs employées domestiques et ne parlent pas quand elles apportent le repas à table. Au fond, ils les craignent, mais en même temps, ils les méprisent. Plus tard, ils sortent dans la rue pour crier, ils insultent Evo et, avec lui, tous ces Indiens qui ont osé construire une démocratie interculturelle dans des conditions d'égalité. Quand ils sont nombreux, ils traînent la Wiphala, le drapeau indigène, ils crachent dessus, la piétinent, la coupent, la brûlent. C'est une rage viscérale qui se déverse sur ce symbole des Indiens qu'ils voudraient éliminer de la surface de la terre avec tous ceux qui se reconnaissent en elle.

La haine raciale est le langage politique de cette classe moyenne traditionnelle. Leurs diplômes universitaires, leurs voyages et leur foi ne servent à rien car, finalement, tout est dilué face à la "vieille souche". Au fond, la souche imaginée est la plus forte et semble adhérer au langage spontané de la peau qui déteste, des gestes viscéraux et de leur morale corrompue.

Tout a explosé le dimanche 20, quand Evo Morales a remporté les élections avec plus de 10 points d'avance sur le deuxième, mais sans l'immense avantage des scrutins antérieurs, ni 51% des voix. C'était le signal qu'attendaient les forces régressives à l'affût : le candidat timoré de l'opposition libérale, les forces politiques ultraconservatrices, l'OEA et l'ineffable classe moyenne traditionnelle. Evo avait encore gagné mais n'avait plus 60% de l'électorat. Il était plus faible et on devait fondre sur lui. Le perdant n'a pas reconnu sa défaite. L'OEA a parlé "d'élections propres" mais d'une victoire réduite, elle a demandé un second tour en conseillant d'aller contre la Constitution, qui stipule que si un candidat dispose de plus de 40% des suffrages et de plus de 10% d'écart avec le deuxième, il est le candidat élu. Et la classe moyenne s'est lancée dans la chasse aux Indiens. Dans la nuit du lundi 21 octobre, 5 des 9 instances électorales ont été incendiées, y compris des bulletins de vote. La ville de Santa Cruz a décrété une grève civique qui a concerné les habitants des zones centrales de la ville, puis s'est ramifiée dans les zones résidentielles de La Paz et Cochabamba. C'est alors qu'a éclaté la terreur.

Des bandes paramilitaires ont commencé à assiéger des institutions, à incendier les sièges des syndicats, à mettre le feu aux maisons des candidats et des dirigeants politiques du parti au pouvoir. Même la maison privée du président a été saccagée. A d'autres endroits, des familles, y compris des enfants, ont été kidnappés et menacés d'être flagellés et brûlés si leur père ministre ou dirigeant syndical ne démissionnait pas de ses fonctions. Une nuit des longs couteaux, dilatée, s’était déchaînée, et le fascisme pointait son nez.

Lorsque les forces populaires mobilisées pour résister à ce coup d'État ont commencé à reprendre le contrôle territorial des villes avec la présence d'ouvriers, de travailleurs des mines, de paysans, d'indigènes et d'habitants des quartiers, alors que le bilan de la corrélation des forces s'inclinait plutôt du côté des forces populaires, la mutinerie de la police s'est déclenchée.

Les policiers avaient montré depuis des semaines une grande indolence et une protection ineficace des gens humbles, battus et persécutés par des bandes fascisantes. Mais à partir de vendredi, ignorant le commandement civil, nombre d'entre eux ont démontré une extraordinaire capacité pour attaquer, arrêter, torturer et tuer des manifestants populaires. Bien sûr, auparavant, il s'agissait de contenir les enfants de la classe moyenne et, supposément, ils n’en avaient pas les moyens. Pourtant, au moment de réprimer des indiens révoltés, le déploiement, l’arrogance et la fureur répressive ont été monumentaux.

La même chose s'est produite avec les forces armées. Tout au long de notre administration, nous n'avons jamais permis que les manifestations civiles soient réprimées, pas même lors du premier coup d'État civil de 2008. Et maintenant, en pleine convulsion et sans que nous ne leur ayons rien demander, ils ont déclaré qu'ils n'avaient pas d'éléments anti-émeutes, qu'ils avaient à peine 8 balles par agent et qu'un décret présidentiel était requis pour être présent dans la rue de manière dissuasive. Pourtant, ils n'ont pas hésité ensuite à briser l'ordre constitutionnel en demandant / imposant au président Evo sa démission. Ils se sont mis en quatre pour essayer de le kidnapper quand il se dirigeait vers le Chapare ; et quand le coup d'état fut consommé, ils sont sortis dans les rues pour tirer des milliers de balles, militariser les villes, tuer des paysans. Tout cela sans aucun décret présidentiel. Pour protéger les Indiens, un décret était nécessaire. Pour réprimer et tuer des Indiens, il suffisait d'obéir à ce que la haine raciale et la haine de classe ordonnait. Et en seulement 5 jours, plus de 18 morts et 120 blessés par balle. Bien sûr, tous indigènes.

La question à laquelle nous devons tous répondre est de savoir comment cette classe moyenne traditionnelle a été en mesure de couver tant de haine et de ressentiment envers le peuple, jusqu'à embrasser un fascisme racialisé centré sur l'indien en tant qu'ennemi. Comment a-t-elle fait pour irradier ses frustrations de classe à la police et aux forces armées ? Et être la base sociale de cette fascisation, de cette régression d'état et de cette dégénérescence morale ? 

Il y a eu le rejet de l’égalité, c’est-à-dire le rejet des fondements mêmes d’une démocratie substantielle.

Les 14 dernières années de gouvernement des mouvements sociaux ont eu pour caractéristique principale le processus de péréquation sociale, la réduction abrupte de l'extrême pauvreté (de 38 à 15%), l'extension des droits de tous (accès universel à la santé, à l’éducation et à la protection sociale), l’indianisation de l’Etat (avec plus de 50% des fonctionnaires de l’administration publique ont une identité autochtone et un nouveau récit national autour du tronc autochtone), la réduction des inégalités économiques (baisse de 130 à 45 de la différence de revenus entre les plus riches et les plus pauvres), c'est-à-dire la démocratisation systématique de la richesse, l'accès aux biens publics, aux opportunités et au pouvoir de l'État. L'économie est passée de 9 000 millions de dollars à 42 000 millions, en accroissant le marché et l'épargne interne, ce qui a permis à de nombreuses personnes d'avoir leur propre maison et d'améliorer leur activité professionnelle.

Mais cela a conduit au fait qu'en une décennie, le pourcentage de personnes dans la soi-disant "classe moyenne", mesurée en revenus, est passé de 35% à 60%, principalement dans les secteurs populaires indigènes. Il s’agit d’un processus de démocratisation des biens sociaux par la construction d’une égalité matérielle qui, inévitablement, a entraîné une dévaluation rapide des capitaux économiques, éducatifs et politiques possédés par les classes moyennes traditionnelles. Si auparavant, un nom de famille notable ou le monopole des savoirs légitimes ou l'ensemble des liens parentaux propres aux classes moyennes traditionnelles leur permettaient d'accéder à des postes dans l'administration publique, d'obtenir des crédits, des permis pour des travaux ou des bourses d'études, aujourd'hui, le nombre de personnes qui postulent pour le même poste ou la même opportunité,  n'a pas seulement doublé - réduisant de moitié les possibilités d’accès à ces biens - il se trouve que, les «arrivistas», la nouvelle classe moyenne d’origine populaire autochtone, disposent d’un ensemble de nouveaux capitaux (langues autochtones, liens syndicaux) d’une valeur plus grande et d’une plus grande reconnaissance de la part de l’État pour gagner les biens publics disponibles

C’est donc un effondrement de ce qui était une caractéristique de la société coloniale : l’ethnicité en tant que capital, c’est-à-dire le fondement imaginaire de la supériorité historique de la classe moyenne sur les classes subalternes, car ici, en Bolivie, la classe sociale est seulement compréhensible et est visible sous la forme de hiérarchies raciales. Le fait que les enfants de cette classe moyenne aient été la force de choc de l'insurrection réactionnaire est le cri violent d'une nouvelle génération qui voit comment l'héritage du nom de famille et de la peau s'efface devant la force de la démocratisation des biens. Ainsi, bien qu'ils arborent des drapeaux de la démocratie comprise autour du vote, ils se sont en réalité rebellés contre la démocratie comprise autour de l'égalisation et la distribution de la richesse. D'où le débordement de haine, la violence débridée. Parce que la suprématie raciale n’est pas quelque chose qui se rationalise, elle est vécue comme une impulsion première du corps, comme un tatouage de l’histoire coloniale sur la peau. Ainsi, le fascisme n’est pas seulement l’expression d’une révolution manquée, mais aussi, paradoxalement, dans les sociétés post-coloniales, le marque du succès d’une démocratisation matérielle. 

Par conséquent, il n’est pas surprenant que, tandis que les indiens rassemblent les corps d’une vingtaine de personnes assassinées par balles, leurs bourreaux matériels et moraux racontent qu’ils l’ont fait pour préserver la démocratie. Mais en réalité, ils savent que ce qu’ils ont fait, c'est protéger le privilège de la caste et du nom de famille.

La haine raciale ne peut que détruire. Ce n'est pas un horizon. Ce n'est rien d'autre que la revanche primitive d'une classe historiquement et moralement décadente qui démontre que, derrière chaque libéral médiocre, un putschiste accompli est à l'affût.




Le coup d'Etat en Bolivie est raciste, patriarcal, ecclésiastique et entrepreneurial

Image @Jose Nicolini
Entretien avec Adriana Guzmán
Par Claudia Korol
Source : Página 12

Adriana Guzmán est membre du mouvement "Féministes d'Abya Yala" et de "Féminisme Communautaire Anti-patriarcal de Bolivie". Elle s'est reconnue dans cette lutte avec d'autres camarades pendant la guerre du gaz en 2003, elle a l'habitude d'expliquer qu'elle a appris dans la rue ce qu'est le patriarcat et qu'elle y a découvert que le féminisme est un outil fondamental pour créer d'autres formes de vie. En ce moment-même, elle résiste à l'avancée des milices qui ont brûlé sur la place publique la Whipala, le drapeau des peuples originaires. Un geste d'une telle violence symbolique qu'il est difficile d'en parler sans que le cœur ne se brise. Dans ce dialogue, elle caractérise le coup d'état, elle appelle à y faire face et à soutenir les actions de la résistance.

- Comment caractérises-tu le coup d'état en Bolivie ?

Il y a une douleur profonde face au triomphe de ce coup d'état civil, militaire, fondamentaliste, entrepreneurial. Ces mobilisations ont commencé après les élections du 20 octobre, lorsque le processus électoral a été accusé de fraude alors que Evo Morales avait obtenu 10% de voix supplémentaires contre le second candidat, Carlos Mesa. Il y avait un mécontentement dans certains secteurs de la société pour le renouvellement de mandat d'Evo. En tant que féministes anti-patriarcales au sein de la communauté, nous faisons ici une autocritique : nous croyons que nous devrions repenser ce renouvellement de mandat d'Evo. Mais d'un autre côté, il y avait beaucoup d'impositions des autres partis. Par exemple, Carlos Mesa, génocidaire, co-responsable du Massacre du Gaz en 2003, se présentait aussi aux élections en tant que candidat. Si un génocidaire se présente aux élections, comment ne pas se présenter à nouveau même si c'est pour la troisième fois?

-Qui sont les protagonistes du coup d'État?

D'un côté, il y a une opposition dirigée par Carlos Mesa qui, en termes "démocratiques", se serait vue affectée par la prétendue fraude. Il a été vice-président de Gonzalo Sánchez de Losada, il est co-responsable du massacre du gaz, et c'est la dernière carte qu'a dû utiliser l'opposition des partis politiques, une opposition anachronique, sans proposition, sans visages, qui avait été brisée au cours des années du processus de changement. Des partis dont les sigles n'existent même plus, mais qui  se réunissent et prennent Carlos Mesa comme candidat. Ce serait "l'opposition politique". Ce sont les voix qui questionnent le MAS (Mouvement vers le socialisme).

De l'autre côté, il y a le groupe de droite fasciste dirigé par le Comité civique de Santa Cruz, dont le président est Luis Fernando Camacho. C'est une instance inventée par les chefs d'entreprise pour participer aux décisions et à l'élaboration de lois pour défendre leurs intérêts. Le Comité civique représente des hommes d’affaires, des oligarques, des propriétaires terriens et des partenaires transnationaux de l’est de la Bolivie. L’Est bolivien est occupé par les propriétaires terriens qui ont reçu leurs terres comme cadeaux de la dictature et qui y ont soumis les peuples indigènes, les migrants de La Paz et d’autres départements, des migrants Aymara et Quechua contraints à les servir, comme des pions. C'est cette opposition économique qui a conduit le coup d'Etat. Luis Fernando Camacho est également lié aux cartels de la drogue. Il est le fils d'un paramilitaire qui a été au service de la dictature. Voilà ce que représentent ceux qui ont dirigé ce coup d'état.

-Il y a des secteurs politiques qui ne parlent pas de coup d'Etat. Pourquoi le caractérisez-vous de cette façon?

Premièrement, parce que la déstabilisation sociale et politique a été recherchée, on a semé la terreur avec des groupes armés dans différents endroits. Avec des armes à feu, des casques, des boucliers. Elle s'est articulée avec des groupes universitaires, para-étatiques, para-militaires, fascistes et racistes, qui existaient déjà depuis 2008, comme l'Union de la jeunesse de Santa Cruz. Semer la terreur, déstabiliser politiquement, c'est la première caractéristique du coup d'Etat. Puis s'allier avec la police qui se mutine. Puis convoquer les militaires qui sont supposés s'unir pour défendre le peuple. Mais quel peuple ? Le peuple qui porte à sa tête Luis Fernando Camacho. Tout cela, ce sont les caractéristiques d'un coup d'état. Et finalement, nous le voyons aujourd'hui, quand ce n'est pas Carlos Mesa qui rentre dans le Palais du Gouvernement après la démission d'Evo. Mais Luis Fernando Camacho, représentant de ces hommes d’affaires, de l’Église, et du pire fondamentalisme du pays. Il impose le drapeau, la Bible et convoque une junte "civico-militaire", où siègent des militaires et des personnalités "notables", c'est à dire eux-mêmes.

Ce coup d’État a eu d’une part des caractéristiques traditionnelles, comme la présence de l’armée et de la police, mais également d'autres caractéristiques, comme de favoriser la confrontation entre voisins, ce qui a été obtenu grâce à l’approfondissement du racisme. Des voisins se sont manifestés pour dire "Marre du gouvernement des indiens, des voleurs". Nous tous, qui avons un visage indien, on nous stigmatise en tant que membres du MAS. Et particulièrement nous, les femmes d'origines autochtones. Le coup d'État est aussi un coup dur pour les femmes, pour les organisations sociales. A cause de l'intimidation, à cause de l'humiliation. C'est un double coup. Ce n’est pas seulement contre l’État et le gouvernement, c'est aussi contre les organisations sociales.

- En tant que Féministes Communautaires Antipatriarcales, quelle évaluation faites-vous du gouvernement d'Evo ?

En tant que féministes communautaires anti-patriarcales, nous avons participé à ce processus de changement, nous l'avons construit. Ce féminisme est né dans le processus de changement. Les principaux débats ont eu lieu à l'Assemblée constituante. La plurinationalité, la reconnaissance des peuples, l'exercice de notre autonomie, de notre autodétermination. Il existe aujourd'hui des autonomies autochtones, indigènes et paysannes. Avec beaucoup de limites, certes, mais elles sont en train de se construire, la route vers la reconstitution du territoire est en cours de réalisation. Ce que nous souhaitions en tant que peuples, c'est ce que dit la Constitution : l’État de base communautaire, l’économie communautaire. L'article 338 qui parle du travail non rémunéré des femmes, qui dispose que le travail domestique produit de la richesse et doit être comptabilisé dans les budgets de l'État. Ces débats ont été traduits en lois, qui se sont traduits en programmes, en possibilités, en actions concrètes.

- Pourtant, il y a aussi des critiques du gouvernement d'Evo Morales concernant l'extractivisme, n'est-ce pas ? 

C'est principalement dans le domaine économique que nous avons les critiques. La matrice capitaliste du système n'a pas été transformée. Les intérêts des entrepreneurs, des éleveurs, des propriétaires des terres et des forêts n'ont pas été affectés. C'est certain. Vrai aussi qu'il y avait des contrats de 100 ans. Aucune décision politique n'a été prise en faveur de la nationalisation, par exemple, dans le secteur minier, alors que c'était une de nos demandes. 

Mais il y a eu de nombreux succès en termes de reconnaissance des peuples autochtones, en matière de construction, de création de notre propre organisation politique, de notre propre éducation. Ce sont des changements que nous avons faits, même au-delà de l'État, et même malgré l'État.

- En tant que féministe, peut-on défendre un président qualifié de machiste?

En tant que féministes, nous avons de nombreuses critiques sur Evo Morales, sur la matrice économique, sur l'extractivisme. Nous avons interrogé son machisme. Mais nous comprenons aussi qu'avoir un président dans lequel on peut se regarder, même s'il s'agit d'un président machiste, n'est pas la même chose que d'avoir un président blanc, homme d'affaires, oligarque... comme Macri. Nous comprenons la différence. Nous la comprenons dans notre corps, pas seulement rationnellement. Pour nous, il était important qu'Evo soit président. C’était parallèle au processus que nous avons fait dans les organisations sociales de transformation quotidienne : pouvoir nous regarder dans le miroir, nous reconnaître, nous nommer. C'est contre tout cela que vient le coup d'État. De là, l'humiliation. De là, l'avertissement. De là, la whipala en flammes.

- Que signifie le racisme en tant que composante structurelle du coup d'État?

Au cours du processus, il y a eu une décolonisation de l'éducation, à travers différentes politiques publiques, au sein de l'État comme au sein des organisations. Non seulement dans la récupération des pratiques ancestrales, mais dans la récupération épistémologique du "penser d'une autre manière", du  "gérer le pouvoir d'une autre manière". Pourtant, malgré cette décolonisation, nous n'avions pas approfondi le racisme. Pourquoi ? Parce que le racisme est un exercice de privilèges. Pour mettre fin au racisme, il fallait mettre fin aux privilèges qui émanent principalement du monde économique. Les privilèges des oligarques, des propriétaires terriens, n'ont pas été affectés comme cela aurait été nécessaire.

-En outre, le racisme est transversal, il ne correspond pas à un espace ni à un parti politique ...

Il y a aussi un échantillon de ce racisme dans les pratiques de la gauche et de certains féminismes. Une gauche coloniale qui suppose que les organisations autochtones, les paysans, servent à jeter des pierres, à bloquer des routes et non à décider comment nous voulons vivre. Cela a été la lutte de l'Assemblée constituante, la lutte entre les féminismes bourgeois, blancs, de classes moyennes et les féminismes communautaires. Et par "blanc", "bourgeois", je parle spécifiquement des féministes qui interviennent à partir de leurs privilèges, de leur classe, de leur maison, de leur travail consolidé, de leur argent, de leur nom de famille. Ces féminismes ont jugé le gouvernement pas seulement pour ses erreurs politiques, mais parce qu'il est indien. À ce stade, ils se sont d'abord prononcés pour dénoncer la fraude, sans toutefois remettre en cause le fait que Carlos Mesa, l'autre candidat, est un génocidaire. Au milieu des mobilisations, ils ont présenté la dispute comme une confrontation entre machos, sans regarder le racisme. Ensuite, ils ont cherché à rendre illégitimes nos allégations de racisme, en affirmant que parler du racisme était une campagne du gouvernement. Comme si ce pays n’était pas un pays colonisé par les Espagnols, envahi et systématiquement violé. Comme si, à ce moment-là, toutes ces années de colonisation et de racisme pouvaient être effacées par un parti, le MAS, 

- Qu'est-ce que les femmes et les gens perdent avec ce coup d'état ?

Que perdons-nous avec ce coup d'Etat contre l'État plurinational qui impose la République catholique et chrétienne? Ce coup est destiné à faire la leçon au gouvernement d'un Indien et certainement à mettre en place une junte composée de militaires et de notables. Voilà le colonialisme. Supplanter l'indien par les militaires et les notables. Ce coup d'état est contre le gouvernement indigène, autochtone, accompagné d'organisations paysannes et de mouvements sociaux. Ils nous font la leçon pour qu'il ne nous vienne plus l'idée qu’il est possible de vivre en dehors du capitalisme et que le bien vivre peut être une possibilité, pour que ne nous vienne plus l'idée de l’autodétermination, l'idée que nous pouvons nous auto-gouverner, nous auto-organiser. Pour que nous acceptions ce système capitaliste, néolibéral, patriarcal, colonialiste. Voilà le message.

- Comment penses-tu que la vie des communautés autochtones indigènes peut changer? Et spécialement celle des femmes.

Il y aura un recul absolu dans tous les droits que nous avons obtenus. On dit déjà que des lois vont être abrogées, comme la loi 348 qui garantit une vie sans violence et qui reconnaît le féminicide, c'est une loi que les fascistes n'ont jamais accepté. On va aller contre les droits conquis, toutes ces réalisations symboliques et réelles. Les universités autochtones seront également attaquées. C'est dans ce processus de changement et dans aucun autre, que, grâce à la lutte des organisations sociales, nous avons des universités autochtones où vont des jeunes qui étudient ce dont a besoin leur communauté et qui, après l'avoir étudié, retournent servir leur communauté. Ce ne sont pas des universités qui produisent des chefs d'entreprise et des déclassés pour le monde, comme les universités des villes. 

Ce que nous perdons, c’est la possibilité de conduire ce processus de transformation avec l’accompagnement de l’État. Mais nous ne perdons pas espoir. Nous ne perdons pas notre conviction, nous ne perdons pas nos rêves, nous ne perdons pas le désir de construire un autre monde possible. C'est beaucoup plus difficile dans un État fasciste, mais nous toutes et tous, nous continuerons à le faire.

Quelle est la situation en ce moment, alors qu'Evo Morales est déjà hors de Bolivie?

Les putschistes sont en train de s'emparer des canaux de communication. Les radios communautaires sont prises. Dans les médias tous repris par les conspirateurs, on parle de pillages qui sèment la terreur au nom du MAS. On dit que ce sont des soeurs et des frères qui viennent des communautés, alors que ce n'est pas le cas. Ils font ces annonces pour délégitimer notre résistance. Les organisations sociales ne pillent pas, elles font partie du peuple en résistance. Ils veulent discréditer notre résistance. Les organisations sociales ont appelé au siège de La Paz, l'eau a été coupée à La Paz. Nous allons récupérer La Paz et nous allons nous réorganiser.

- De quoi le peuple en résistance a-t-il besoin de la part des peuples des autres territoires? De quoi avez-vous besoin de la part des féminismes transnationaux ?

Notre appel, sœurs et camarades d'au-delà des frontières, le voilà : nous nous connaissons, nous nous sommes reconnus. Nous vous appelons d'abord à confier dans notre parole alors que l'information qui circule dit qu'il n'y a pas de coup d'état ici et que tout va bien. La vérité, c'est qu'il y a des militaires et des policiers qui soutiennent les conspirateurs du coup d'Etat, en intimidant les organisations. C'est un coup d'état. Nous avons besoin de vous pour le dire. Nous avons besoin que vous partagiez notre indignation, notre douleur et aussi notre peur face à ce que ces groupes armés génèrent. 

Notre appel est aussi de nous interroger en tant que féministes. Cette analyse qui se réduit à penser qu'ils sont tous les mêmes, qu'Evo était pareil aux autres, ou qu'il ne s'agit que d'un différend entre hommes, ne laisse pas voir comment le patriarcat, le capitalisme, se disputent les variables économiques et coloniales du système. Cela ne nous laisse pas voir que le fascisme ne dialogue pas. Le fascisme n'écoute pas. Le fascisme ne recule pas. Le fascisme élimine. Avec des humiliations, ils essaient d'éliminer nos luttes. Nous vous appelons à dénoncer cela et à construire un féminisme communautaire, populaire, en lutte, à partir de ces territoires, un féminisme qui ne soit pas au-delà du bien et du mal et qui, finalement, ne soit pas au service de la droite.




samedi 16 novembre 2019

L'enfer et le coup d'état en Bolivie.


Par Marco Teruggi
Source : Telesur

"Tu pars et je reste dans cet enfer" a déclaré le chauffeur de taxi lorsqu'il m'a quitté à l'aéroport d'El Alto au petit matin, sous une pluie verglaçante, après avoir fait des détours dans les labyrinthes d'une ville insurgée. Ce n'est pas une métaphore : le premier jour, lundi, était apocalyptique.

C'étaient des dizaines de pâtés de maison entourés de fils barbelés, des groupes avec des bâtons à chaque coin de rue, des colonnes qui venaient de différents districts, des foules avec des barres de fer, des pierres, des frondes, des commissariats de police en flammes. De la rage, tant de rage que j'en ai rarement entendue autant dans ma vie. Et du sang, beaucoup de sang sur le sol, dans les vidéos, dans les mots.

Depuis ce lundi, les drapeaux Whipalas sont dans toutes les rues d’El Alto et descendent jour après jour vers La Paz. Chaque nuit, il y a des veillées, des incendies, une décision inébranlable : ils ont activé la mémoire historique, la mémoire aymara antique et aussi la mémoire récente du soulèvement de 2003, où soixante personnes ont été tuées. "Mesa, bâtard, Octobre n'est pas oublié" : voilà le souvenir de El Alto contre les balles et pour la démission d'un gouvernement.

Ceux qui dirigent le coup d’état ont commis une erreur si profonde qu’il n’y a plus de mise en scène conciliatrice permettant d’arrêter l’escalade qui monte des quatre coins du pays vers la ville de La Paz, centre du pouvoir politique. Plusieurs demandes croisées qui convergent vers un ennemi commun synthétisé en quatre parties: Fernando Camacho, Carlos Mesa, Jeanine Añez et la Police nationale bolivienne.

La principale exigence est la démission d'Añez, qui s'est autoproclamée. Et au vu du caractère excluant et anti-autochtone du coup d'État, les revendications se condensent avec radicalité pour dénoncer le manque de respect des Whipalas et les agressions contre les femmes qui utilisent des jupes bouffantes, c'est-à-dire les autochtones.

Ces trois slogans reviennent dans chaque mobilisation qui arrive à La Paz depuis El Alto, avec les habitants de cette ville, ceux des hauts plateaux, des tropiques, des mines et des forêts, les yungas. Ils arrivent par l'avenue El Prado jusqu'à la Plaza Murillo, le lieu où le coup d'État s'est matérialisé concrètement et symboliquement.

Les auteurs du coup d'État se sont trompés et ont déclenché une réaction à un tel niveau, que cela ne faisait pas partie de leurs plans. La première réaction à l'escalade a été celle des forces armées boliviennes (FAB) qui ont envahi les rues en installant un état de siège de facto. Des avions militaires, des hélicoptères, des chars équipés maintenant du whipala ont commencé à circuler à La Paz, à El Alto, sur les routes du pays.

Quel est le plan de ceux qui ont conduit le renversement du gouvernement ? C'est la question centrale. Il y aurait trois étapes. La première, réalisée, consistait à renverser le gouvernement dirigé par Evo Morales et Álvaro García Linera. La deuxième, partiellement consommée, à construire une fiction institutionnelle concrétisée par l'auto-proclamation d'Añez, la nomination de ministres et d'officiers supérieurs de l'armée et de la police.

Cette deuxième étape a un point non résolu : le pouvoir législatif, bicaméral, est aux mains du Mouvement pour le socialisme (MAS) qui détient la majorité des deux tiers et élit de nouvelles présidences. L'architecture du coup d'état doit résoudre ce problème : soit annuler le pouvoir législatif par un coup d'Etat consommé, soit rechercher un accord avec le MAS.

Cet accord concerne la troisième étape, l’appel aux élections. La stratégie du coup d'Etat semble avoir envisagé cette solution depuis le départ : ce n'est pas un coup d'Etat qui proclame un commandant général ou une junte pour une durée indéterminée, mais qui cherche plutôt à se présenter comme constitutionnel en promettant des élections dans un délai bref.

Cela signifie donc ouvrir la voie électorale en ayant réuni les conditions nécessaires pour cette date. Ils ont commencé à chercher à les réunir avant le renversement de Morales, avec les persécutions, les meurtres, les massacres, auxquels s'ajoutent désormais les détentions dans le cadre d'une violation de l'état de droit et une l'impunité absolue. Le ministre de l'intérieur nommé par "l'auto-proclamée" l'a dit clairement : la "chasse à l'homme" a commencé.

Plusieurs points ne sont pas encore résolus et l'évolution dépendra, entre autres facteurs, de la pression dans les rues, ainsi que de la stratégie politique et parlementaire du MAS. Une des questions est de savoir si le plan du coup d'Etat - hétérogène et en conflit interne - cherchera à interdire le MAS ou à lui permettre de se présenter aux élections tout en persécutant ses cadres et ses dirigeants.

L'autre question centrale est : quelle est la stratégie de résistance au coup d'état ? On trouve quelques réponses dans la manière dont s'est développée l'affrontement pour faire face à l'escalade golpiste. Avec un manque de clarté de commandement pour réussir à ordonner un schéma articulé, en particulier ces derniers jours. Les mobilisations massives dans la phase de l'escalade ont reporté le résultat sans pouvoir l'arrêter, tandis que les piliers intérieurs du soutien au gouvernement se sont effrités jusqu'à arriver aux Forces Armées Boliviennes (FAB).

Il y a eu des appels à la mobilisation d'Evo Morales sans effets immédiats et coordonnés, avec une perte de la rue au moment de l'assaut final. Répondre à la question implique de se demander, au delà des rythmes internes des mouvements, où en était le processus de changement à l'heure du coup d’État.

On peut en voir un exemple avec la situation à El Alto, où la principale organisation, la Fédération des Conseils de Voisins (Fejuve), s’est scindée en deux : l’une liée au gouvernement, l’autre en opposition, et avec la mairie aux mains de l’opposition. Mercredi, un conseil s'est réuni pour tenter de former une nouvelle direction unifiée - les précédentes étant fortement remises en question - mais cet objectif n'est pas encore atteint.

Il y a trois aspects centraux. D'abord, que le personnage d'Evo Morales, sa défense et son retour, n'est pas une exigence fédératrice, du moins pour le moment. Deuxièmement, que les dirigeants des mouvements subissent, dans de nombreux cas, des situations d'usures et de divisions. A El Alto, cela se traduit par une grande puissance et une forte radicalité qui manque, pour le moment, d'une ligne et d'une direction capable de conduire le mouvement.

Troisièmement, élaborer une stratégie qui articule, dans le cadre d'un plan commun, les mouvements (comme ceux qui font partie de la Coordination Nationale pour le Changement), la Centrale syndicale des travailleurs boliviens (COB) et l'espace parlementaire. C'est une tâche aussi essentielle que complexe. 

De nombreuses questions demeurent. Il s'agit de l'offensive d'un coup d'État qui a besoin de se consolider, qui mesure les réponses face à la répression et à la militarisation du pays et qui bénéficie du soutien central de la grande majorité des médias du pays. 

La censure de l'information en Bolivie est excellente, chaque personne interviewée remercie la presse internationale d'être là. Les journalistes boliviens qui ne s'alignent pas sur le coup d'État sont menacés chez eux, au téléphone et au travail. La ministre de la Communication de facto a annoncé qu'elle persécuterait les "journalistes et pseudo-journalistes" pour "sédition". Chaque dictature a besoin de moyens qui reproduisent le récit. Besoin aussi d'une chape de silence.

*** 

Vendredi après-midi: des images arrivent du massacre à Cochabamba, il y a cinq morts jusqu'à présent. 

***

Nous sommes dans la phase offensive du coup d’État, où les répressions, les persécutions et les meurtres sont accélérés et massifiés. Il y a beaucoup de camarades menacé.e.s, dans des ambassades, avec un état d'exception sans autre loi que celle dont le coup d'État a besoin en ce moment central.

Son objectif est de décapiter, décimer et diviser les forces du processus de changement et d'empêcher l'unification d'un front de résistance ainsi que l'articulation d'une alternative électorale à venir.

"Vous partez, je reste dans cet enfer", je le répète, en vérifiant les dates et en me demandant ce qui va se passer samedi au Venezuela, d'où j'écris ces lignes. La droite a annoncé des mobilisations et, on le sait, l'enjeu n'est pas Juan Guaidó, mais ceux qui sont aux commandes des stratégies et des finances, au Venezuela comme en Bolivie, et à l'échelle continentale où ils sont en phase offensive.

Ce qui se passe dans le pays d'où Evo Morales a dû partir en recherche d'asile n'est pas un événement isolé, c'est un projet en développement pour plusieurs pays. L'enfer est une carte qu'ils nous ont réservée.

Traduction : CM



mardi 12 novembre 2019

Lutter, vaincre, tomber, se relever. Alvaro Garcia Linera



"Des temps difficiles s'approchent mais les temps difficiles, c'est l'air des révolutionnaires.
C'est ce dont nous vivons, les temps difficiles.
C'est ce dont nous nous alimentons, les temps difficiles.
Ne venons-nous pas d'en-bas ?
Ne sommes-nous pas les persécutés, les torturés, les marginaux des temps néolibéraux ?
La décennie d'or du continent n'était pas gratis.
Elle a été votre lutte, celle d'en-bas, des syndicats, de l'université, des quartiers,
celle qui a donné lieu au cycle révolutionnaire.
Cette première vague n'est pas tombée du ciel.
Dans nos corps, il y a les traces et les blessures des années 80 et 90.
Et si aujourd'hui, provisoirement, temporairement,
nous devons retourner à ces luttes des années 80, 90 et 2000 :
Bienvenue !
C'est fait pour ça, un révolutionnaire.
Lutter, vaincre, tomber, se relever,
lutter, vaincre, tomber, se relever.
Jusqu'à ce que se termine la vie, voilà notre destin".

Alvaro García Linera
Ex Vice-Président bolivien


"Tocan tiempos difíciles, pero para un revolucionario los tiempos difíciles es su aire.
De eso vivimos, de los tiempos difíciles,
de eso nos alimentamos, de los tiempos difíciles.
¿Acaso no venimos de abajo,
acaso no somos los perseguidos, los torturados, los marginados, de los tiempos neoliberales?
La década de oro del continente no ha sido gratis.
Ha sido la lucha de ustedes, desde abajo, desde los sindicatos, desde la universidad, de los barrios, la que ha dado lugar al ciclo revolucionario.
No ha caído del cielo esta primera oleada.
Traemos en el cuerpo las huellas y las heridas de luchas de los años 80 y 90.
Y si hoy provisionalmente, temporalmente,
tenemos que volver a esas luchas de los 80, de los 90, de los 2000,
Bienvenido.
Para eso es un revolucionario.
Luchar, vencer, caerse, levantarse,
luchar, vencer, caerse, levantarse.
Hasta que se acabe la vida, ese es nuestro destino".

Alvaro García Linera 
Ex Vice-Presidente boliviano


dimanche 10 novembre 2019

Coup d'état en Bolivie #EvoNoEstáSolo


Mobilisation mondiale pour la vie et la liberté d'Evo Morales et des militants de la justice sociale et de la souveraineté nationale en Bolivie
#EvoNoEstáSolo

Evo Morales démissionne pour préserver la paix du pays : "Nous démissionnons pour que nos frères les plus humbles cessent de recevoir des coups de pieds, nous ne voulons pas d'affrontements" a déclaré Evo Morales.

Le président bolivien, Evo Morales, a annoncé dimanche sa démission après la vague de violence perpétrée par des groupes d'opposition qui ne veulent pas reconnaître les résultats des élections du 20 octobre. Suite aux fortes violences contre les militants et les dirigeants du Mouvement pour le socialisme (MAS), l'intimidation de journalistes, l'incendie de résidences, la trahison d'alliés politiques et de membres de la police nationale, le pays traverse une grave crise politique. "J'ai décidé de démissionner de mon poste pour que Carlos Mesa et Luis Camacho, cessent de maltraiter et de blesser des milliers de frères (...) J'ai l'obligation de rechercher la paix et voir comment nous nous affrontons entre boliviens fait très mal. C'est la raison pour laquelle j'envoie ma lettre de démission à l'Assemblée plurinationale de Bolivie "a déclaré l'ancien président Evo.

Dans un communiqué, les forces armées boliviennes ont indiqué que pour rétablir la stabilité de la nation, un changement de la présidence était nécessaire. "Nous suggérons que le président démissionne de son mandat pour permettre la pacification et le maintien de la stabilité de la Bolivie" a déclaré le commandant en chef des forces armées, William Kaiman. "Nous démissionnons pour que nos humbles frères cessent de recevoir des coups de pied ... des familles pauvres, humiliées, nous ne voulons pas de confrontations. Nous avons décidé de renoncer à notre victoire électorale, pour préserver la Bolivie. Tout pour la patrie" a déclaré Morales. 

Il a également dénoncé des rumeurs divulguées par des groupes d'extrême droite sur son éventuel départ du pays: "Je n'ai pas à m'échapper, je n'ai rien volé, si quelqu'un pense que nous avons volé qu'il en présente la preuve", ajoute-t-il. De son côté, l'ancien vice-président, Álvaro García, a déclaré que le gouvernement démissionnait pour faire cesser les violences alors qu'il avait travaillé au rétablissement de la souveraineté nationale et la dignité des droits : "Nous sommes le gouvernement qui a nationalisé les hydrocarbures, le gouvernement qui a sorti de la pauvreté plus de 3 millions de citoyens".

Evo a subi l'effondrement de son cabinet après plusieurs démissions comme celles du vice-ministre du Tourisme, Marcelo Arze; la présidente du Tribunal électoral, María Eugenia Choque, la ministre de la Planification, Mariana Prado; ainsi que le sénateur élu pour le Potosí, René Joaquino; Le gouverneur Juan Carlos Cejas et le maire Williams Cervantes. Bien que l'ancien président bolivien ait appelé les organisations internationales telles que les Nations unies (ONU) et l'Organisation des États américains (OEA) à vérifier les résultats des élections et convoqué tous les secteurs sociaux à une table de dialogue, des groupes d'extrême droite se sont déployés dans les rues pour attaquer la population.

Morales laisse un pays avec des taux de développement humain élevés, qui garantit les droits fondamentaux de la population et affiche une croissance économique de 4,5%, selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL). "Ce n'est pas une trahison des mouvements sociaux, la lutte continue, nous sommes le peuple. Nous avons libéré la Bolivie, nous laissons une patrie libérée, en développement, et dont les générations ont beaucoup d'avenir", a conclu Evo.

Source : Telesur

iVOLVEREMOS!



vendredi 18 octobre 2019

Le bonheur, c'est de garantir du temps pour cultiver ses amours


José "Pepe" Mujica a participé la semaine dernière à une rencontre organisée par le centre des étudiants du Collège National de Buenos Aires. "Etre militant c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité" a-t-il affirmé face à des centaines de jeunes. Voici la traduction du discours complet de l'ex-président uruguayen

Source : Nuestras Voces

Ici, la majorité d'entre vous pourraient être mes petits-enfants, mais à votre âge, c'est naturel que les être humains fassent germer des utopies, qu'ils aient des rêves de monde meilleur. Le défi que vous allez devoir affronter tout au long de votre vie, c'est d'arriver à maintenir le feu sacré alors que la peau se ride, que les jambes ralentissent, que la vie se remplit de responsabilités et de défis, quand il faut payer les factures en fin de mois, quand tu fais des œdèmes en travaillant pour une multinationale et que tu regardes comment s'effilochent tes rêves au long de ta vie. Parce que l'histoire humaine est un cimetière d'utopies, mais que grâce à ça, nous avançons. Parce que nous avons toujours une bien plus grande capacité de rêver que de capacité à concrétiser. Mais comment vivre sans rêves ? Comment ce serait que d'être une brique, une pierre et de ne pas avoir de sentiments, d'émotions et d'engagements ?

Eh oui, les enfants, l'unique miracle qu'il y a sur cette terre pour chacun d'entre vous, c'est d'être né, c'est quelque chose de si quotidien pour chacun qu'on ne s'en rend pas compte. Il y avait quarante millions de probabilités que ça tombe sur quelqu'un d'autre et c'est tombé sur toi. Mais la vie s'en va plus vite que ce qu'il n'y parait. Et cette particularité n'est pas simplement humaine, c'est commun au monde vivant. Le monde vivant a quelque chose de différent du monde inerte, il a des sentiments et des émotions. Parce qu'une tortue qui pond des oeufs a des émotions, comme la poule qui prend soin de ses poussins. Et l'herbe qui se reproduit, avant de mourir, se fait graine pour se semer. C'est sa manière de sentir. La différence humaine, c'est que nous sommes conscients. En plus de vivre, nous pouvons nous refléter dans une conscience. Et puisque naître t'est tombé dessus, la question est : Que fais-tu de ta vie ? Ta vie sera-t-elle celle d'un sujet débiteur de comptes, qui confond être et avoir et à qui le marché finit par organiser le coeur, les relations humaines et tout le reste ? Ou bien, ta vie, tu seras capable de lui donner un contenu et d'être en partie auteur de sa trajectoire ?

Nous sommes ici par la solidarité des générations qui ont fait possible une accumulation de connaissances, transmises de génération en génération. D'autres viendront et vous, vous allez avoir d'autres défis, des grands défis. Nous sommes en train d'organiser dans ce monde une gigantesque marmite pour frire les choses vivantes et vous, vous allez devoir vous battre contre cet égoïsme qui nous menace d'un holocauste écologique. Vous êtes d'abord argentins, mais vous êtes aussi latino-américains, et frères de tous les peuples pauvres qui sont en Amérique. Vous avez la vie devant vous, ne trahissez pas cette belle étape de votre vie. Appliquez ou transformez consciemment les moments, et prolongez ce bel âge qui vous est donné de vivre. Et ça, ça ne dépendra que d'une chose qui s'appelle la volonté.

La vie militante, ce n'est pas une récompense, c'est une aventure. C'est avoir une raison de vivre et pas seulement vivre parce qu'on est né. Etre militant, c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Ce qui est passionnant et très important, le fond de la question, c'est de poursuivre cette aventure tout au long de la vie.

Nous sommes plongés, nous vivons dans un système qui engendre une culture qui a besoin de faire de nous des acheteurs compulsifs. Parce que sinon, tout se bloque. Alors nous avons tendance à confondre le bonheur avec le fait d'avoir des objets neufs, et quelquefois, nous abandonnons les choses les plus sacrées, ce peu de choses qui sont toujours les mêmes et qui nous entourent. Ou bien tu apprends à être heureux avec les choses élémentaires de la vie, ou tu ne seras jamais heureux.

Qu'est ce que ça a à voir avec tout ça ? Je sais bien que mon discours est un peu celui d'un vieux rat. Mais enfin, les gamins, le défi que vous allez affronter est précisément la spirale de la culture engendrée par notre temps. Et il faut bien comprendre que ce qui peut s'appeler bonheur, c'est de se garantir du temps pour cultiver les amours, cette différence de la vie et des sentiments. Travailler, bien sur il faut travailler, parce que si tu ne travailles pas, tu vis au crochet de quelqu'un qui le fait. On ne doit pas être un parasite. Mais la vie, ce n'est pas seulement travailler : il faut se garantir du temps pour les relations humaines, les enfants, l'amour, pour celles et ceux qui viendront, parce que la vie s'en va. Ne vous laissez pas voler la liberté, parce que tu es libre seulement quand tu passes le temps de ta vie à ces choses qui te motivent sans emmerder l'autre. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité.

Les enfants, je ne sais pas la voie que va prendre l'Argentine, je sais qu'elle va sortir de son angoisse, elle en est sortie mille fois. C'est un pays richissime et c'est peut-être là qu'est son malheur, dans son excès de richesses. Vous êtes responsables de ce qui va venir, consacrez votre existence à la cause humaine, n'oubliez pas celles et ceux qui ne peuvent pas venir à l'université, celles et ceux qui sont toujours courbés dans la solitude des champs et des montagnes, dans les galeries des mines. Etre universitaire n'est pas un privilège, c'est une exigence, celle de servir son peuple et de ne pas l'opprimer. Voilà. Bonne chance et à bientôt.



vendredi 30 août 2019

Le futur de la Colombie ne peut pas être la guerre



Bogotá, 29 août 2019
Communiqué PCC-UP
Source : Pacocol

L'annonce faite aujourd'hui par un groupe d'ex-dirigeants des FARC-EP de leur persistance dans la clandestinité et la lutte armée constitue un fait politique avec de graves conséquences pour le processus de mise en œuvre de l'accord de paix et pour la perspective de lutte démocratique dans le pays.

Il est évident et indiscutable que des aspects substantiels de l'accord signé ne sont pas respectés, que les intentions réelles de l'extrême droite, du gouvernement actuel et des secteurs de la classe dominante sont de le détruire et de revenir à la politique de la guerre et de la peur pour justifier leur orientation réactionnaire et empêcher toute réforme et ouverture démocratique. Mais c'est par une stratégie politique qui appelle et mobilise la participation la plus large et l'intervention citoyenne dans les villes et les campagnes de Colombie que cela doit être dépassé. L'attitude du gouvernement qui relie la décision des ex-dirigeants au Venezuela est infâme.

Conformément à la tradition politique du Parti Communiste Colombien et de l'Union Patriotique qui ont toujours défendu la solution politique négociée, nous appelons tous les secteurs engagés pour la paix, le mouvement social et la communauté internationale à défendre l'Accord de Paix et sa pleine mise en œuvre, à protéger la vie des leaders socio-politiques et des ex-combattants en processus de réincorporation civile, et à ne pas renoncer à la conquête de la paix avec justice sociale.

Parti Communiste Colombien - Union Patriotique


lundi 12 août 2019

Colombie. Assassinats des leaders sociaux = Crise humanitaire


Le Gouvernement de Colombie refuse d'admettre que les assassinats des leaders sociaux, continuels et systématiques, engendrent une crise humanitaire : "Le discours officiel minimise les assassinats en Colombie. Il y a une méconnaissance profonde, ils ne voient pas que ce qui est en train de se passer avec les leaders sociaux, c'est une crise humanitaire. Alors que chaque semaine, nous voyons comment les gens sont assassinés, le gouvernement refuse d'agir efficacement" dit Shirley Muñoz, membre de l'Association Minga, coordinatrice de la communication du Programme Somos Defensores. 

Entre la signature de l'Accord de Paix en novembre 2016 par l'Etat et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et le 20 juillet dernier, 627 leaders sociaux et défenseurs des Droits Humains ont été assassinés, selon un rapport publié ce 26 juillet 2019 par INDEPAZ, Institut pour le Développement et la Paix (non gouvernemental). Annuellement, cela correspond à 21 assassinats en 2016, 208 en 2017, 282 en 2018 et 116 depuis le début de l'année 2019. Parmi les victimes, 92 étaient des femmes et 535 étaient des hommes. En ce qui concerne leur origine, 142 étaient indigènes, 55 afro-descendants et 245 étaient des paysans défenseurs de l'environnement,  coordinateurs communaux ou acteurs du Plan National Intégral de Substitution des cultures illicites. Le rapport d'INDEPAZ indique que, en plus, 138 ex-guérilleros des FARC qui avaient adhéré au processus de paix ont été assassinés pendant ce laps de temps.

Un rapport du Défenseur du Peuple indique que 196 leaders sociaux ont été assassinés entre mars 2018 et mai 2019 et que, pendant cette période, 1608 conduites qui portent atteinte aux droits humains des activistes ont été enregistrées dont 1351 menaces et 44 attentats.

"Il se produit un génocide continu et systématique contre toutes les communautés. Tous les acteurs légaux ou illégaux ont quelque chose à voir dans les assassinats. Bien que nous soyons supposément en temps de paix, il n'y a pas de garanties réelles pour protéger la population" a expliqué à Sputnik le politologue Oscar Montero, kankuamo assesseur de l'ONIC Organisation Nationale Indigène de Colombie.


Le discours officiel

Le président de la Colombie, Iván Duque, a affirmé ce 3 août qu'il y a eu "une réduction de 35% de ces assassinats comparé à la période antérieure immédiate" et que la Justice "a éclairci près de 56% de ces assassinats".

Mais Shirley Muñoz et Oscar Montero expliquent que le discours gouvernemental cherche constamment à "dissimuler la gravité" de ce qui se passe. Les autorités attribuent la responsabilité de ces crimes à la guérilla de l'ELN (Armée de Libération Nationale), aux paramilitaires du Clan du Golf, les Caparros, Pachenca et Pachelly, ainsi qu'aux dissidents de la FARC. Mais alors que les services du Procureur Général de la Nation affirment qu'ils avancent dans leurs enquêtes, la militante S.Muñoz rétorque que "ce n'est pas vrai". Et elle insiste : "Nous avons constaté une impunité supérieure à 90% dans les assassinats des leaders sociaux. Le Ministère Public dit que non, qu'ils ont eu un taux d'élucidation beaucoup plus haut, d'environ 50%, mais nous voyons bien que cela ne correspond pas à la réalité".

Pour sa part, Oscar Montero dit que le Gouvernement "minimise les assassinats" et agit comme si c'était "une farce".  Il ajoute : "Nous, les peuples indigènes de Colombie, nous savons mieux que personne que dans ce pays, les assassinats n'ont pas diminué. Après la signature de l'accord de paix, il y a eu 158 compagnons indigènes assassinés, et dans le seul cadre du Gouvernement de Iván Duque, 94 compagnons indigènes ont été assassinés. Les chiffres sont en augmentation et il n'y a pas de réponse officielle". Selon lui, les autorités cherchent à "rendre invisibles les victimes" et à lier les morts à des vengeances, des problèmes personnels ou des crimes passionnels.

S.Muñoz lamente que le Gouvernement n'applique pas l'accord de paix et ajoute : "Reconnaître ce qui se passe dans les territoires, ce serait reconnaître l'existence du conflit armé. Face à la communauté internationale, on veut donner une image d'efficacité, faire croire qu'on se préoccupe des gens".


Des assassins et des intérêts

Selon elle, "les morts violentes mettent en lumière les conflits dans les territoires et principalement celui de l'accès à la terre".  Pour les deux militants, dans ces disputes, les forces armées jouent un rôle "important", de même que les projets miniers et énergétiques. La majorité des leaders assassinés vivent dans des zones rurales et jouent un rôle dans la défense de la terre et des ressources naturelles.  Et elle argumente : "Nous ne pouvons pas dire que dans les lieux où il y a des méga-projets, les responsables (des assassinats) sont directement les entreprises ou les personnes liées à ces projets, il y a toujours des acteurs armés qui apparaissent comme responsables. Mais quand on analyse où se trouvent les zones de risque, cela coïncide souvent avec les intérêts de ces entreprises".

Elle explique que dans la majorité des cas, les responsables sont les groupes paramilitaires, il y a également des acteurs inconnus, des dissidents des FARC, la force publique et la guérilla de l'ELN. Ces faits ont lieu dans le contexte de vide de pouvoir lié au fait que, quand les FARC ont signé la paix, ils ont petit à petit abandonné les territoires qu'ils avaient contrôlé pendant des décennies. Elle explique : "Ils apparaissaient comme l'acteur dominant, ils étaient presque un Gouvernement pour beaucoup de gens. Là où il n'y avait pas de présence de l'Etat, la guérilla jouait ce rôle. C'était un acteur armé qui agissait par la force mais qui établissait aussi un certain ordre dans le territoire. Quand ils sont sortis de ces territoires, c'est resté vide parce que l'Etat n'est pas arrivé jusque là". En l'absence d'Etat, les paramilitaires sont arrivés, ainsi que des bandes résiduelles d'ex-FARC et des groupes liés au narcotrafic, qui exploitent la possibilité de contrôler des zones "stratégiques" pour le transport des drogues ou les plants de cultures illicites.

Selon O.Montero, "Il y a un réarrangement des groupes armés légaux et illégaux dans le pays. Là où il y avait les FARC, il y a maintenant l'armée et les groupes paramilitaires qui veulent se positionner dans les lieux stratégiques. Cela engendre une confrontation armée sanglante pour la poursuite du commerce de l'exploitation minière et du narcotrafic".

Il affirme qu'il y a également une responsabilité des "forces de l'Etat Colombien, notamment les polices et l'armée. Il est évident pour nous avec ce genre d'assassinats dans les communautés indigènes, que quand l'armée est proche, cela se traduit ensuite par de l'exploitation illégale des ressources minières. Et donc, il se pourrait qu'ils coopèrent avec des intérêts privés et des entreprises multinationales. Il est évident qu'ils cherchent à exploiter les ressources naturelles du pays sur le dos des communautés". 

Le programme Somos Defensores a dénoncé que 2018 a été "une des pires années" en matière de droits humains des militant.e.s et leaders sociaux : Les agressions ont augmenté de 43.7% par rapport à 2017, 805 agressions ont été comptabilisées dont 155 assassinats. Au premier trimestre 2019, 245 agressions ont été enregistrées, ce qui représente une augmentation de 66% par rapport à la même période en 2018.

Source : Sputnik
Traduction : CM

dimanche 24 février 2019

Nouvelle victoire stratégique du Vénézuéla Bolivarien en ce 23 février


Par Carlos Aznarez in Resumen Latinoamericano

Et voici qu'est arrivé ce jour que beaucoup appelaient le "jour J". Certains se pourléchaient déjà les babines, à Cúcuta ou à Miami, en pensant qu'allait arriver le "grand moment" où entrerait "l'aide humanitaire" et oú le "dictateur" et sa Révolution Bolivarienne s'effondrerait comme un jeu de cartes. Cela ressemble au vulgaire scénar d'un film de troisième catégorie mais le pire est que pour beaucoup de gens dans le monde entier, pour toute cette partie de la population qui croit religieusement ce que racontent les médias hégémoniques : le truc avait marché et ils s'imaginaient qu'au Venezuela, ce n'était qu'une question d'heures pour que la marionnette infâme appelée Juan Guaidó arrive avec tous les honneurs au Palais de Miraflores. Et finalement, est arrivé ce qui arrive à l'empire et à ses alliés dans toutes ses dernières batailles avec le chavisme, batailles diplomatiques ou diatribes d'un bellicisme verbal plus qu'irritant : elles échouent. Ils n'ont pas gagné, ni contre le peuple, ni contre le gouvernement légitime dirigé par Nicolás Maduro. Ni dans la zone de la frontière avec la Colombie, ni dans celle qui longe le Brésil et encore moins par la route maritime. Ils n'ont pas réussi non plus à mobiliser ces 600 000 personnes annoncées par Guaidó, qui sont devenues ce samedi 23 février, un petit groupe agressif de brigands mercenaires qui ont monté quelques violentes guarimbas et plusieurs fakes.

Au cours de la journée, la farce allait se répéter, en essayant de faire entrer quelques camions avec la fameuse "aide". Soudain, sur le pont, deux camions ont été incendiés par un groupe de guarimberos qui ont arrosé les véhicules d'essence, en étant filmés et photographiés par de nombreux reporters. Mais comme les médias hégémoniques sont la pointe de lance de l'intoxication massive, ils ont inventé un autre tableau mensonger en accusant le chavisme d'avoir causé cet incendie. Et plus encore : ils ont raconté que les coupables de cette piteuse action étaient les membres de la Garde Nationale Bolivarienne, qui se trouvaient pourtant placés très loin des faits. Il en a été de même, avec le vol de deux petits tanks sur le pont qui mène à Cucutá et qui s'est soldé par la désertion d'un groupe infime de gardes qui, non contents de passer à l'ennemi, se sont révélés des criminels : ces lâches ont renversé violemment des dizaines de barrières qui protégeaient le lieu, en blessant une vidéaste chilienne et une policière bolivarienne loyale. De l'autre côté du pont, on a pu observer la complicité des policiers d'Ivan Duque qui les aidaient ostensiblement. Pendant ce temps-là, deux des chefaillons des guarimbas de ce samedi, le député de droite José Antonio Olivares et un de ses comparses nommé Vilca Fernández célébraient "l'exploit".

Ce qu'ils n'ont pas dit, c'est que les brigands "engagés" par l'opposition affiliée à Guaidó et protégés par la police colombienne (voir les preuves vidéos qui tournent sur les réseaux), se sont grandement offusqués parce que les choses ne s'étaient pas bien passées et qu'on ne leur avait pas versé les "honoraires" négociés. C'est ainsi qu'une bande de malfrats, cagoulés ou à visage découvert, a mis une bonne raclée aux "entrepreneurs". Voilà comment le député Olivares a reçu des bonnes baffes aux cris de "voleurs, payez ce que vous avez promis".

Les médias ne racontent pas non plus la vérité sur ce qui est arrivé à l'extrême inverse du côté colombien du pont Simón Bolivar, là où s'étaient concentrés des milliers de patriotes bolivariens pour défendre avec leurs corps la souveraineté de leur pays face à toute tentative d'invasion étrangère. Ils ont reçu des coktails molotov, des grosses pierres et des tirs d'arme à feu. Certains de ceux qui ont été attaqués font partie de la liste des 42 blessés, deux par balles et trois gravement brûlés à cause des bombes incendiaires. Il y a aussi des policiers vénézuéliens dans la liste qui, comme pendant ces mois difficiles où on élisait la Constituante, se sont complètement investis pour que la meute d'Ivan Duque et l'opposition fascisante présidée par Guaidó ne mettent pas les pieds sur le territoire vénézuélien.

Un autre incident a eu lieu quand des opposants qui ont traversé la frontière à partir du Brésil, ont attaqué et brûlé une camionnette militaire bolivarienne sur le poste frontière de Pacaraima. A chacun de ces faits violents, se réduit ce qui pour Donald Trump, Marco Rubio, Elliot Adams, John Bolton et Luis Almagro, devait être la "solution finale" de ce qu'ils appellent la "dictature" socialiste.

Ils n'ont pas pu et ils ne pourront pas. Cela s'est clairement vu pendant cette journée. Ils ont été à nouveau vaincus par un peuple qui a des idées et qui est convaincu de lutter pour son présent, qui garde mémoire de ce que fut son passé et qui se prépare au jour le jour à forger un futur de progrès social. Cet esprit à la fois noble et guerrier, celui de Bolívar, celui qui a nourri Fabricio Ojeda, qui a été hérité par le Commandant Chavez et qui est aujourd'hui porté avec dignité par Nicolás Maduro s'est vu aussi défiler par les rues de Caracas, à l'heure même où ne se produisait pas l'invasion "humanitaire" annoncée. La marée rouge a de nouveau couvert l'avenue Urdaneta de bout en bout et a montré au monde qu'au Venezuela qui vit normalement et paisiblement, ils et elles sont des millions celles et ceux qui construisent le bouclier qui protège cet énorme processus libérateur.

Ils ont marché avec ferveur et avec beaucoup de joie, il n'y avait pas de rage dans leurs gestes. Bien au contraire, ils ont dansé, chanté, scandé les slogans anti-impérialistes de toujours, depuis le "Yanquis Go Home" jusqu'au "No pasarán" des luttes anti-fascistes des peuples. Ils étaient ouvriers, étudiants, habitants des quartiers populaires, des femmes en mouvement et des milliers de jeunes qui ont grandi avec la panacée d'accéder aux Universités populaires et aux plans de santé des Misiones. Ils sont sortis à la rue, avec la décision de montrer à ceux qui doutent encore de ce processus libérateur, qu'ils sont eux, disposés à le défendre. Il y avait là aussi cette délégation animée des mouvements sociaux du monde, qui inaugurent ce dimanche la rencontre de l'Assemblée Internationale des Peuples, instance d'organisation qui veut se construire pas à pas au nom de la Révolution Internationale. Parmi eux et elles, on a pu voir des sud-africains du Syndicat métallurgique Numsa qui ont dansé leurs danses typiques en l'honneur du Vénézuela, à côté des brésiliens qui clamaient "Lula Libre", des argentins qui conspuaient Macri et même des jeunes basques et catalanes avec les drapeaux de leurs nations. A travers toutes leur voix, "l'épée de Bolivar" continue à cheminer, comme le fait le socialisme, à travers l'Amérique Latine. Et leur agitation militante a reçu en retour les "saluts solidaires et révolutionnaires" des masses chavistes. Une fête du peuple, qui portait la victoire obtenue face à la nouvelle tentative de l'empire le plus terroriste qu'a connu l'humanité.

Ensuite, le président du peuple a parlé, celui élu en mai par des millions de citoyens, et non ce pantin autoproclamé qui devra maintenant rester vivre à Cúcuta ou à Bogotá, ou qui terminera en prison avec les autres terroristes de son acabit. L'écouter en cette occasion, s'adressant à celles et ceux qui font la Révolution au quotidien, a permis de se souvenir de gestes similaires de son maître Hugo Chavez, à qui Maduro ne rend pas seulement hommage mais qui, dans la pratique, fait honneur à son héritage.

Voilà, ce 23 février, la Révolution Bolivarienne a marqué un autre point, celui de la paix avec justice sociale face à la guerre impérialiste. Mais on ne peut pas être triomphaliste avec l'ennemi que l'on affronte aujourd'hui. Ils vont insister, ils sont féroces, impitoyables. Ils l'ont déjà montré et ils utilisent tout ce qu'ils ont entre leurs mains pour attaquer les peuples. C'est pourquoi il ne faut pas baisser la garde. Guaidó a d'ores et déjà demandé à ses complices de mettre pratiquement en route le recours de l'intervention armée. Trump, qui se rend sûrement compte du caractère inutile de ses "muchachos", va imaginer de nouvelles attaques. Il faut donc continuer à veiller, tout en évaluant à sa juste valeur ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Ils n'ont pas pu gagner face au courage de ce peuple. Ils ne pourront pas.