dimanche 31 janvier 2016

15 ans du Plan Colombie


La lutte de la société colombienne pour la paix doit continuer. Soyons conscients qu'elle va à contre-courant du plan de guerre impérialiste.

Editorial N.513 / Revista Insurrección 
25 janvier 2016

Le 4 février prochain, à Washington, le président des Etats-Unis Barack Obama, le président de la Colombie Juan Manuel Santos et 2 anciens présidents colombiens Alvaro Uribe et Andrés Pastrana vont se réunir. L'objectif est de commémorer les 15 ans de mise en oeuvre du Plan Colombie et de poser les fondements de ce que pourrait être une "nouvelle formule" de ce plan, conformément à ce que l'on a coutume d'appeler le post-conflit.

L'idée du Plan Colombie avait surgi à la fin du siècle précédent, dans la perspective d'accords et de réformes requis par le pays si le processus de dialogue avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie développé dans la Zone de Distension de San Vicente del Caguán à partir du 7 janvier 1999 avait réussi.

Mais le Plan changea substantiellement d'orientation suite à l'échec de l'expérience du Caguán. Et ce fut le Général étatsunien Barry McCaffrey, tsar antidrogues, qui lui donna son nouveau sens :  L'implication de la guérilla colombienne dans le commerce des drogues illicites amena à considérer que, pour dépasser la violence qui affectait la nation sud américaine et la région, il était nécessaire de combattre la "narco-guérilla" pour atteindre la paix.

Le Plan se concrétisa le 20 octobre 1999 au Congrès nord américain, sous le nom de "Alianza Act", à l'initiative des sénateurs républicains Coverdell, Dewine et Glaseley. A ce moment-là, on envisagea une aide supplémentaire de 1.600 millions de dollars en trois ans pour la Colombie, dont 70% serait destinée à la lutte anti narcotiques, même si l'un des chapitres du Plan annonçait en anglais une "déclaration de mission" indiquant : "Mission Nationale : Assurer l'ordre, la stabilité et le respect de la loi ; garantir la souveraineté nationale sur le territoire ;  protéger l'Etat et la population civile des menaces issues des groupes insurgés et des organisations criminelles. Rompre les liens entre ces groupes et l'industrie de la drogue qui les soutient".

Dès le 20 août 2006, The New York Times souligna l'échec du Plan Colombia car après 6 ans de mise en oeuvre et avec plus de 4.7 milliards de dollars investis, le problème continuait le même. Les cultivateurs s'adaptaient en réduisant l'extension des terres cultivées et se déplaçaient dans des zones retirées pour éviter d'être détectés. Et les patrons du trafic, en évitant d'attirer l'attention, engendraient des réseaux qui empêchaient leur localisation. Tout cela sans parler des dégradations sur l'environnement et la santé publique dues au Glifosate, produit chimique utilisé pour éradiquer les cultures et dont les effets néfastes ont été démontrés.

Le Plan Colombie, comme arme de guerre, a été et est contraire à l'idée d'un pays en paix. La présence nord américaine a accompli sa mission dans la formation et la direction de l'Armée colombienne. Les bases militaires avec une présence nord américaine établies dans tout le territoire national et reconnues dans les accords de coopération, les visites des haut-gradés en provenance des guerres d'Irak et d'Afghanistan, sont des preuves publiques de tout cela : Une machinerie guerrière qui menace le continent, au rythme de l'avancée du plan global de la guerre impérialiste.

Parce que c'est une monnaie à deux faces, il faut voir le Plan Colombie comme un échec, qui fait partie de la ruineuse "guerre anti drogues" lancée par le président Nixon en 1974. Il aura fallu 4 décennies pour que les EEUU reconnaissent qu'ils ont échoué dans la voie répressive contre les drogues. Mais il faut le voir également comme une arme contre insurrectionnelle : Le Plan Colombie est considéré par l'oligarchie comme quelque chose de bon pour ses intérêts car il a produit le repli des guérillas colombiennes.

Les planificateurs stratégiques de l'impérialisme nord américain ont ajusté ce Plan, l'adaptant au nouveau temps qui s'ouvre, après les accords en voie d'être scellés avec la guérilla. Ces ajustements envisagent un rôle actif des forces armées dans l'offensive réactionnaire en cours contre les gouvernements qui ont pris leur distance par rapport aux diktats des EEUU.

La lutte de la société colombienne pour la paix doit continuer. Soyons conscients qu'elle va à contre-courant du plan de guerre impérialiste. Ce dernier ne s'arrêtera pas avant d'avoir à nouveau monopolisé la plus grande réserve de pétrole du monde, à l'est de notre pays, dans la République Bolivarienne du Venezuela. Et donc, le scénario de pacification des luttes en Colombie que recherchent Obama et l'oligarchie, est compatible avec le scénario de guerre qu'ils attisent contre le peuple frère du Venezuela. Voilà la dure réalité impliquée par la version 2.0 du Plan Colombie. Contre elle, les luttes des peuples sud américains vont continuer car comme le dit l'adage : " Il n'y a que les combats que l'on ne mène pas qui sont perdus d'avance".

Traduction : C.Marchais

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samedi 30 janvier 2016

Colombie. La paix et l'intensification du conflit : Les défis du mouvement social


Par Itayosara Rojas Herrera 
29 janvier 2016
in Contagio Radio  

Après les annonces des engagements pris au cours des conversations de La Havane entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et la guérilla des FARC, la possibilité d'un accord général entre les deux parties semble de plus en plus proche. Cette possibilité maintenant si vraisemblable demande à être réfléchie par le mouvement social colombien et par toutes les forces qui aspirent à s'entendre sur un nouveau modèle de pays. Il est nécessaire ici de reconnaitre que le dépassement de la manifestation armée du conflit est une caractéristique sans laquelle il n'est pas possible de réussir des changements significatifs dans notre pays. Les possibilités d'un gouvernement véritablement démocratique qui garantisse la jouissance effective des droits pour toutes et tous les colombiens, passe en premier lieu par le dépassement du conflit armé.

Dit autrement, si cessait la guerre en ce moment, cela ouvrirait la possibilité à de nouvelles forces sociales de diriger le pays. Pourtant, "dépasser la manifestation armée du conflit" ne signifie pas la fin du conflit social, elle implique au contraire l'intensification de la "conflictivité" sociale. C'est à dire que nous, colombiens et colombiennes, pourrons voir plus clairement les problèmes sociaux qui semblaient auparavant s'estomper derrière le voile de la guerre. Nous pourrons peut-être mieux comprendre la complexité de ses causes et le pourquoi de sa persistance tout au long d'un demi-siècle.

Ainsi, "la solution politique et négociée au conflit colombien" a été une revendication du mouvement social qui a été présente tout au long de l'histoire de la Colombie. Chaque processus de paix qui a eu lieu dans le pays a reçu à un moment ou un autre un soutien populaire significatif et hétérogène. Le processus de La Havane n'est pas une exception et pendant son déroulement, il y a eu des journées d'action et de mobilisation sociale importantes, notamment le 9 avril.

S'il existe un soutien d'ensemble du mouvement social à la solution politique et négociée, ce dernier a laissé de coté plusieurs défis apportés par la signature de l'accord général sur la fin du conflit. Car dans cet accord, les intérêts du gouvernement national et du secteur social qu'il représente sont basiquement tournés vers les opportunités économiques que peut apporter "la paix", dans le but de maintenir et d'augmenter la confiance des investisseurs. C'est à dire que, pour le gouvernement national, "la paix" est la porte qui permet de conduire avec plus de force le projet néolibéral dans le pays. La vente de plusieurs entreprises publiques, l'augmentation des concessions minières et énergétiques, le cours de la réforme fiscale qui est en route, sont autant de symptômes du "paquet" néolibéral que le gouvernement cherche à mettre en oeuvre.

Ces réformes néolibérales ont toujours lieu au détriment de la qualité de vie des citoyens et citoyennes. Elles ont réussi à s'implanter par la force et la violence (voir le cas du Chili) et à travers un démantèlement des droits sociaux que les classes laborieuses avaient gagnés. La privatisation des secteurs de la Santé et de l'Education en sont un exemple. Ce processus de néo libéralisation a commencé à prendre forme avec force dans le pays dans les années 90. La constitution colombienne de 1991, bien qu'elle soit considérée comme une avancée des garanties en droits, fait partie de cette vague de néo libéralisation que tous les pays d'Amérique Latine ont traversée.

Quelle sera donc la réponse du mouvement social colombien ? Si la paix est bien une demande fondamentale et engendre le soutien aux accords issus des conversations de La Havane, le mouvement social doit aussi garantir l'exécution de ces accords et faire face aux réformes néolibérales que le gouvernement national cherche à mettre en place : Faire marcher la paix comme une réalité tangible et stopper le monstre néolibéral, voilà le grand défi pour les mois à venir.

Le soutien à la solution politique ne peut pas être de hocher la tête à toutes les réformes mises en oeuvre par le gouvernement national. La dispute politique pour la paix doit contempler aussi un programme anti-néolibéral, de jouissance effective des droits. La paix ne peut pas se résoudre à être un redoutable mille-feuilles de réformes néolibérales. Ce doit être au contraire un espace où la justice sociale et la jouissance effective des droits soient garanties pour tous les colombiens et colombiennes. Concrétiser cette espace dépend de l'action énergique et puissante du mouvement social, pour la paix et contre le néolibéralisme.

Source : La paz y la agudización del conflicto: Los retos del movimiento social 

Traduction : Catherine Marchais

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Gauche avec identité... Un point de vue depuis la Colombie


Pour que l'unité soit, il faut commencer par l'élaboration d'un programme partagé du Front uni et de l'action populaire, programme qui puisse donner un contenu et une identité à l'objectif louable de l'unité.

Par Carlos A. Lozano Guillén.
Avocat, journaliste et directeur de l’hebdomadaire du Parti communiste colombien, le journal VOZ. Fondé en 1957, VOZ est le journal de gauche le plus ancien du pays

Les dialogues de paix de La Havane sont entrés dans une phase irréversible bien qu'il reste encore deux points difficiles et des thèmes en discussion sur lesquels les accords ne sont que partiels. Dans ce contexte, augmentent les questionnements et les attentes sur ce que sera le post-accord, une fois que sera signé le document sur la paix stable et durable : Quel sera le rôle de la gauche et particulièrement quels seront la forme et le contenu de la participation des insurgés dans la vie politique du pays, sans les armes, et dans les conditions démocratiques des accords politiques.

Certains croient que les insurgés sont nouveaux en politique et qu'ils ont beaucoup à apprendre avant de se lancer dans l'action démocratique et sociale. Pourtant, la majorité d'entre eux, au moins les cadres à tous les niveaux, ont été des dirigeants d'organisations politiques et sociales avant de prendre les armes. De plus, les guérillas sont essentiellement des organisations politico-militaires.

‘Timoleón Jiménez’, le grand chef de la guérilla des FARC, a dit récemment dans un entretien avec l'hedomadaire VOZ : "Nous, les FARC, n'allons pas commencer à faire de la politique. Nous en faisons depuis plus de cinquante ans, nous ne sommes pas novices en la matière. Ce que nous allons faire, c'est de la politique dans de nouveaux cadres démocratiques et avec des garanties qui rendent inutile l'usage des armes". Le chef des FARC ne laisse pas planer de doutes sur la volonté de paix et de participation à la vie politique, après avoir déposé les armes conformément aux accords.

Il n'y a aucun doute: la guérilla convertie en mouvement politique cherchera à rallier les secteurs démocratiques et progressistes pour travailler aux changements dont a besoin le pays. Elle sera un facteur déterminant et indispensable pour l'unité de la gauche. On ne peut ignorer le fait que l'unité et l'avancée démocratique qui s'annoncent, trouveront leur origine dans les changements qui viendront suite aux accords de La Havane.

La semaine dernière, il y a eu à Bogotá une rencontre des dirigeants de la gauche dans ses différentes versions. Il en manquait quelques uns mais ils s'intégreront peut-être plus tard. C'est un bon début, qui doit être salué par toutes les organisat
ions de la gauche dans la mesure où elle implique la rupture avec les tentations d'hégémonie et de sectarisme.

Pour que l'unité soit, il faut commencer par l'élaboration d'un programme partagé du Front uni et de l'action populaire, programme qui puisse donner un contenu et une identité à l'objectif louable de l'unité. Avec une clarté sur les objectifs stratégiques proposés, éloignés du statu quo, de la collaboration avec les gouvernements traditionnels et pour forger une possibilité de pouvoir démocratique en rupture avec le néolibéralisme, le despotisme et la corruption.

Source : Izquierda con Identidad. VOZ
Traduction : Catherine Marchais

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jeudi 21 janvier 2016

L'humain d'abord / debout...


Il y a des créativités foisonnantes, de l'ordre du jaillissement et de l'explosion. D'autres sont des sources paisibles et patientes. En ce moment, je fais plutôt dans le jaillissement explosif, la profusion, le collectif, le "Tous ensemble", le multiple, le divers, les mouvements pluriels. C'est pourquoi, quand Catherine Van den Steen nous a proposé de bricoler un personnage debout pour commencer à travailler sur l'humain en volume, dans l’esprit d’Alex Burke dont nous avons côtoyé les poupées exposées pendant trois mois à l'Espace d'art des Terrasses, j'ai pensé non pas à UN mais à DES personnages, non pas à une figure individuelle mais à un groupe.

J'ai pris des bouteilles vides de différentes formes, mis des boules à la place du bouchon pour représenter la tête, je les ai recouvertes avec des chaussettes noires et collé des autocollants récupérés pendant des manifs... Simple, efficace, les messages des autocollants ressortaient. Genre: "Quand on est de gauche, on partage bien plus que des miettes", "Egalitée", "L'humain d'abord".

Catherine Van den Steen a remarqué avec raison que mes bouteilles habillées n'étaient que le support des slogans. Elle m'a demandé pourquoi toutes les figures étaient noires et ce que signifiait l'autocollant "Egalité(e)".

"Quand on est une femme ou quand on est noir, c'est plus compliqué d'être égal(e)" : Ce fut ma première réponse mais la question a continué à résonner et elle a débouché sur la personnalisation des figures, leur individuation. J'ai donc entrepris de les coiffer, les vêtir, leur coudre des yeux et une bouche. Elles sont femmes, elles sont noires, elles n'ont pas la même taille, l'une a des cheveux de paille et un poncho latino américain, l'autre une coiffe africaine et un collier, une autre porte un bébé dans son châle de dentelle. Dans ce processus de "personnalisation", j'ai eu envie de les nommer et j'ai brodé leurs prénoms : Léopoldine, Maria-Elena, Lilah. J'ai aimé à prendre le temps patient de la broderie pour matérialiser à travers leurs noms les personnes représentées par mes bouteilles habillées. J'ai pris du plaisir à "créer de la personnalisation", à matérialiser "l'humain d'abord".

Ecouter Tracy Chapman "Talkin' about a revolution"


mercredi 20 janvier 2016

Lo humano primero / de pie...


Ciertas creatividades son abundantes, irruptivas como unos brotes o unas explosiones. Otras son fuentes tranquilas y pacientes. Ultimamente, me encuentro más en el brote explosivo, la profusión, lo colectivo, lo diverso, los movimientos plurales. Por eso siguiendo el espíritu de Alex Burke cuyos  muñecos nos acompañaron durante tres meses en el Espacio de arte de las Terrasses, cuando  Catherine Van den Steen nos propusó meternos en el bricolaje de un personaje de pie para trabajar sobre el volúmen humano, yo pensé no en UN personaje sino en UNAS, no en una figura individual sino en un grupo.

He cogido unas botellas vacias de formas diferentes, he puesto unas bolas en lugar de las tapas para representar la cabeza, las he cubierto con calcetines negras y he puesto pegatinas recuperadas en las movilizaciones políticas o sindicales... Es que queria hacer un mitín de protesta. Sencillo, eficaz, el mensaje de las pegatinas sobresalia. Tipo: "Si eres de izquierda, tienes que repartir más que migajas", "Igual(a)", "Lo humano primero".

Catherine Van den Steen señaló con razón que mis botellas vestidas no eran sino el soporte de los lemas. Me preguntó porque las figuras eran negras y lo que significaba la pegatina "Igual(a)".

"Cuando eres mujer o negro/a, es más complicada la igualdad": Esa fue mi primera respuesta pero el eco de la pregunta continuó... Y desembocó sobre la personalización de las figuras, su individuación. He empezado a peinarlas, a vestirlas, a coserles unos ojos y una boca. Ellas son mujeres, negras, no miden igual, una tiene unos pelos de rafia y una ruana de america latina, otra tiene un tocado africano y un collar, y otra lleva un bebé en su chalina de encaje. En ese proceso de "personalización", me han entrado ganas de nombrarlas y he bordado sus nombres: Léopoldine, Maria-Elena, Lilah. Me ha gustado ese tiempo paciente del bordado para materializar las personas representadas por mis botellas vestidas a través de sus nombres. Gozé "creando personalización", materializando "l'humain d'abord" (lo humano primero).


Escuchar Tracy Chapman "Talkin' about a revolution"


vendredi 15 janvier 2016

Le Diagnostic en tant que symptôme. Sur la crise de la Gauche en Amérique Latine


Par Edwin Cruz
El diagnóstico como síntoma. Sobre la crisis de la izquierda
14 janvier 2016. Bogotá
in "Palabras al margen"

Suite aux défaites électorales en Argentine et au Vénézuela, différents diagnostics ont été posés sur ce qui est perçu comme une crise de la gauche en Amérique Latine après près de trois décennies au gouvernement. Même si ce que j'ai eu l'opportunité de lire n'est sûrement pas représentatif de tout ce qui a été écrit sur le sujet, les analyses semblent se définir autour de deux perspectives opposées.

D'un côté, on souligne les problèmes de gestion des gouvernements progressistes ou populistes, avec dans ce cadre, la corruption ou l'accumulation des rentiers, mais aussi l'échec de ces gouvernements dans leur détermination à dépasser le "modèle" néolibéral et, suivant l'analyste, à avancer vers un autre modèle de développement ou même à abandonner le projet développementiste, si ce n'est le capitalisme lui-même. Ainsi, le renflouement électoral de la droite trouverait son explication dans les capacités réduites de gestion publique de la gauche qui a été incapable d'aller au delà de l'assistancialisme focalisé dans ses politiques sociales et s'est employée à approfondir un modèle économique extractiviste qui, en plus de très graves problèmes socio-économiques et environnementaux, conduit à la délégitimisation du gouvernement. Finalement, ce type d'analyse suppose que la gauche doit apprendre à gouverner, c'est à dire à orienter la société depuis l'Etat.

D'un autre côté, et partiellement en réponse à ce qui précède, on souligne les contraintes du contexte dans lequel les gouvernements progressistes ont dû agir. Dans cette perspective, la défaite électorale ne s'explique pas tant par leurs propres limites mais par les arguties de leurs adversaires. L'environnement international a changé et si l'essor de ce type de gouvernement a été possible quand les USA ont dévié quelque temps leur regard du "patio arrière", il est prévisible que leur préoccupation renouvelée pour la région latino américaine conduise à un redressement de la droite. De plus, il n'est pas très réaliste de prétendre qu'en quelques années au gouvernement, on puisse transformer les héritages coloniaux, comme la dépendance extractiviste et l'exportation des matières premières, enracinés depuis plus de deux siècles dans ces sociétés. L'échec aux élections serait, enfin, une défaite des tactiques politiques et électorales mises en oeuvre par la "défense stratégique" des processus.

Evidemment, selon les différents cas nationaux, les analyses sur la crise des gauches latino américaines sont plus complexes et riches en nuances. Pourtant, ces diagnostics ciblés invariablement sur des problèmes de gestion et de concurrence électorale, semblent paradoxalement fonctionner comme des symptômes d'une crise plus générale.  Mon hypothèse rejoint un autre point de vue : Le problème réside dans la compréhension de la politique qui a guidé les pratiques de la gauche pendant ces dernières années, aussi bien du côté des gouvernements progressistes que du côté de ceux qui les critiquent. Il s'agit d'une forme de compréhension de la politique qui, d'une certaine façon, est anachronique car elle ne répond pas aux défis de la société contemporaine.

Alors que pendant longtemps, on a reproché à certaines expressions de gauche leur "réductionnisme économiciste", on pourrait peut-être aujourd'hui sermonner toute la gauche en raillant son excès de "politicisme", palpable à travers les perspectives interprétatives évoquées ci-dessus. Ainsi, comme l'économie est fondamentale dans n'importe quel processus de transformation sociale, la politique l'est aussi mais, comme l'affirme la sagesse populaire : Trop est l'ennemi du bien. Surtout quand on use un concept restreint de la politique. En effet, la gauche semble s'être résignée à agir dans le champ étroit de la politique délimité par les conceptions de ses adversaires néolibéraux. Dans la pratique, la politique a été réduite aux élections et au gouvernement ou à la gestion publique. Ainsi, les moyens ont pu être confondus avec les fins.

Agir avec cette conception de la politique conduit la gauche à des impasses. Ou bien on accepte les normes, et donc l'alternance du pouvoir et la légitimité d'un projet de gouvernement et de société contraire, ou bien on ne l'accepte pas, et alors le présidentialisme est renforcé, on change les règles du jeu politique en détériorant les poids et les contre-poids institutionnels, et on instaure l'autoritarisme au nom du peuple. Dans les deux cas, la gauche sort perdante, sans parler de tout projet radical de transformation sociale.

Il en est de même avec cet accent contemporain sur la gestion publique, la gouvernance et l'administration. A gauche, aujourd'hui, prédomine une approche "étatocentrique" de la politique, semblable à celle qui a été dominante au milieu du XXème siècle avec l'essor des populismes, quand tout effort de transformation sociale passait nécessairement par l'Etat. Ce qui est paradoxal ici, c'est que dans les sociétés contemporaines, ni l'Etat ni la politique n'ont la centralité qu'ils avaient à l'époque. Et donc, les stratégies de la gauche pouvaient être couronnées de succès à l'époque mais pas dans le contexte présent.

La majorité des problèmes transcendants de la réalité contemporaine sont pratiquement in-gérables ou non-gérables au niveau de l'Etat car, comme l'a affirmé Zygmunt Bauman, la politique aujourd'hui -dans le cadre de l'Etat- est déliée du pouvoir qui s'exerce à des hauts niveaux, cachés et "non politiques" au sens conventionnel. Immanuel Wallerstein l'avait déjà dit. Il y a trois échelles dans le système-monde : Celle de l'expérience, qui correspond au niveau du territoire et de la vie quotidienne ; celle de l'idéologie, qui désigne l'Etat-Nation ; et celle de la réalité qui se réfère au système-monde comme totalité. Les problèmes de la sphère de l'expérience ne trouvent de solutions que dans la spère de la réalité, d'où le caractère idéologique de la gestion de l'Etat. Aujourd'hui, il est plus que jamais évident que l'Etat n'est qu'un engrenage d'un système plus complexe et que le pouvoir "réel" se trouve ailleurs. Et donc "bien" gérer l'Etat, c' est d'une certaine mesure, être fonctionnel pour le système dont il fait partie. Et cet "être fonctionnel" impose nécessairement des limitations drastiques à ce que les gouvernements peuvent ou ne peuvent pas décider et réaliser : Voir le cas grec.

Je ne voudrais pas que la formulation de ces vérités soit interprétée comme un appel à méconnaitre l'importance de la démocratie formelle, de la prise du pouvoir de l'Etat ou d'une administration transparente, efficiente et efficace par la gauche. Le climat contemporain n'est pas propice aux formules simples. La situation est si complexe que des esprits aiguisés comme Slavoj Žižek ont suggéré que l'horizon politique de la gauche est la défense, réelle et pas seulement tactique, des valeurs libérales face à l'incompétence des libéraux eux-mêmes pour les rendre effectives. Chantal Mouffe, pour sa part, a manifesté qu'aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de radicaliser la démocratie selon le projet qui avait été tracé avec Ernesto Laclau en 1985, sinon de la récupérer. Pourtant, comme l'avait également affirmé Wallerstein en examinant les contraintes que la gestion de l'Etat et les dynamiques partidaires et électorales imposent aux projets de transformation, s'il est vrai qu'il ne convient pas de mépriser le lieu de l'Etat et du gouvernement, on ne devrait pas tomber dans l'illusion qu'on peut choisir le meilleur dans les processus électoraux ou que l'exercice du gouvernement sera suffisant pour obtenir des transformations sociales. En fait, la réduction de la politique à sa conception néolibérale est à la racine de la crise actuelle des gauches.

Les défaites électorales laissent entrevoir que la forme néolibérale de compréhension et de pratique de la politique n'a pas pu se transformer et qu'au contraire, la gauche semble l'avoir entièrement faite sienne. Les grandes transformations sociales opérées dans la région pendant ces quatre dernières décennies ont apporté un bénéfice clair aux façons de faire la politique de la droite. Ces grandes transformations peuvent être synthétisées dans un processus unique : L'empire de la logique du marché, de l'échange basé sur le taux de change dans tous les domaines de la vie sociale.

Les liens sociaux d'aujourd'hui sont basés principalement sur l'utilité et le calcul qui ont fait reculer la solidarité, la fraternité et même l'amour. Les conséquences plus ou moins claires de ce fait peuvent se comprendre si on élargit un peu le sens de la privatisation comme l'a fait Bauman : la prédominance d'un individualisme excessif qui plonge les personnes dans la solitude, la peur et l'insécurité matérielle et psychologique, face à l'absence de projets et d'instances collectives et publiques portés par des logiques autres que marchandes, qui puissent pallier d'une certaine manière aux incertitudes croissantes de la vie quotidienne. Ici, la politique se réduit à une concurrence pour des voix où la rationalité des élus comme des électeurs se limite au calcul des coûts et bénéfices dans un délai immédiat. De là vient la difficulté à configurer des espaces et des intérêts publics qui ne soient pas restreints à la superposition ou à la somme des intérêts individuels, mais qui soient un produit distinct de cette somme. Et la difficulté à ce que les paris collectifs de transformation sociale survivent aux explosions éphémères des protestations et qu'ils puissent se projeter, ne serait-ce qu'à court terme.

La défaite de la gauche dans les urnes serait, alors, une défaite sur le terrain de l'adversaire qui sait exploiter les peurs, les insécurités, les incertitudes, la rationalité, en un mot, la subjectivité de l'individu qu'il s'est efforcé de construire pendant la longue période d'hégémonie néolibérale. Cela expliquerait pourquoi, après deux décennies de gouvernement de gauche, les électeurs continuent à se comporter comme des individus rationnels dont les calculs ne vont pas au delà de l'immédiat et, pour cette raison, finissent par soutenir des options pro-fascistes ou oligarchiques. Si nous nous en tenions aux résultats, il semblerait qu'au lieu d'un effort soutenu pour changer la subjectivité et le sens des relations sociales, la gauche a accepté passivement l'existence de cet individu rationnel, "court-termiste" et bardé de peurs, qui la met aujourd'hui en crise, et qu'elle s'est bornée à engendrer des stratégies de marketting politique pour attirer périodiquement des voix, stratégies qui ne diffèrent guère de celles mises en oeuvre par la droite, avec une plus grande dextérité et plus de succès.

Il serait injuste, pourtant, d'affirmer que les gouvernements de gauche n'ont rien fait pour sortir du cercle vicieux de la politique néolibérale. Les grands efforts des politiques de communication tendent précisément à combattre la subjectivité et la culture politique dominantes. Les nationalisations peuvent se concevoir comme un premier pas dans le chemin de la dé-privatisation des liens sociaux. Les processus d'intégration régionale sont une alternative pour disputer le pouvoir des "marchés" et les agents qui dominent le monde globalisé. Mais on est en attente d'un plus grand effort pour redonner du sens au concept et à la pratique de la politique. On ne peut pas reléguer à un second plan, supposément "non politique", la dispute sur tout ce qui ne se réduit pas à la concurrence dans les élections et le gouvernement : Il faudrait s'efforcer de "gagner des âmes" avant les voix. 

Le néolibéralisme ne se réduit pas à un modèle de développement économique, il s'est infiltré dans les dispositifs bigarrés de production de subjectivité en modelant les relations sociales. Et donc, la lutte contre le néolibéralisme ne peut pas se borner au terrain d'une sphère politique restreinte à la concurrence sur les voix et les charges gouvernementales. Il est nécessaire de disputer le sens même de la politique. Comprendre jusqu'à quel point la gauche s'est imprégnée de la conception et de la pratique néolibérale de la politique est peut-être un pas nécessaire pour avancer dans cette dispute.

Edwin Cruz Rodríguez est politologue de l'Université Nationale de Colombie. Il travaille sur l'interculturel, les mouvements indigènes, l'histoire politique colombienne et latino américaine.

Traduction : Catherine Marchais
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jeudi 7 janvier 2016

Le radeau de la Méduse


L'autre jour, au Louvre, je suis restée longtemps face au radeau de la Méduse, ce tableau grand format sombre et glaçant, peint par Géricault en 1819. J'ai été frappée par les paroles d'un homme qui expliquait l'histoire de l'oeuvre à son fils. Je me suis souvenue des paroles de ma mère qui était institutrice : Elle venait chaque année au Louvre avec ses élèves et chaque année elle expliquait la même histoire face au radeau. Avec quasiment quarante ans de différence, les mots de l'homme et ceux de ma mère étaient semblables... Je me suis rendue compte que, face au drame de ce naufrage, il y avait une tradition orale construite autour de questions pour attirer l'attention, pour s'approcher collectivement de la tragédie et arriver au point culminant de l'espérance minuscule.

Un très bon reportage
La Véritable histoire de la Méduse

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La Balsa de la Medusa


El otro dia en el Louvre, me quedé mucho tiempo frente a la balsa de la Medusa, este sombrio y escalofriante cuadro de gran formato pintado por Gericault en 1819. Me sobrecogió escuchar como un hombre explicaba la historia de la obra a su hijo. Me recordó las palabras de mi mamá que era maestra : cada año, venia con su clase al Louvre y cada año explicaba la misma historia frente a la balsa de la Medusa. Con casi cuarenta años de diferencia, las palabras del hombre y las de mi mamá eran casi las mismas… Me dí cuenta que, frente a ese drama del naufrago, habia una tradición oral construida con preguntas atrayendo la atención, acercandose colectivamente a la tragedia para llegar al punto álgido de la esperanza minúscula.

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mardi 5 janvier 2016

La visite au Louvre


Dimanche dernier, je suis allée au Musée du Louvre. Je l'ai fait parce qu'il pleuvait et parce que l'entrée est gratuite les premiers dimanche du mois. Je me suis souvenue de ma première visite, en famille...

Il n'y avait ni la pyramide ni ses fontaines, ni le passage souterrain entre les pavillons, ni les commerces du Carroussel mais c'était déjà le musée le plus visité au monde. C'était un espace public civilisé où, malgré sa notoriété, on pouvait encore jouir avec calme des représentations individuelles et collectives. La "démocratisation" du voyage en avion et l'accès globalisé à l'industrie du tourisme n'avaient pas encore produit ces régiments polyglottes de voyeurs qui assiègent quotidiennement les temples culturels. Là, dans ce musée d'alors, la densité humaine au mètre carré demeurait dans des limites acceptables et laissait quelque interstice pour la respiration des esprits, la surprise de la découverte et l'irruption de la délicatesse.

Depuis des siècles, la Joconde, la Vénus de Milo et la Victoire ailée de Samothrace sont des aimants symboliques, des images reconnues et remâchées qui attirent les foules sentimentales. Elles ont la vertu tranquillisante de proposer un ordre consensuel du monde, comme de s'agenouiller face à la Vierge de Guadalupe, se baigner dans le Gange ou faire des tours autour de la pierre noire de la Mecque. Quand le génie de la Révolution française a transféré dans des galeries publiques les collections privées de la monarchie, de l'aristocratie et de l'Eglise pour que l'ensemble de la société puisse en profiter, il poursuivait le même objectif que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui affirmait que "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" et il le localisait dans le champ du droit à jouir de la beauté, à s'émouvoir, à chercher le sens des choses à travers les sens. Il s'agissait - et il s'agit- d'abolir le privilège de la compréhension du monde, de diffuser le visage aimable et sensible de l'utilité publique, et de contribuer à la construction d'un miroir partagé de l'humanité.

Ce fut ainsi qu'en 1793, l'ancien palais royal fut transformé en "Muséum central des arts de la République" et qu'il s'enrichit ensuite avec les prises de guerre, les acquisitions, les donations et les découvertes archéologiques. Ce fut aussi comment on publia en 1794 "l'instruction sur la manière d'inventorier et de conserver, dans toute l'étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences, et à l'enseignement" et que l'on commença à engendrer le culte du patrimoine national, l'augmentant sans rougir par une politique de spoliation des proches voisins autant que des terres envahies les plus lointaines. Sans aucun remords, la "République impériale" fut capable de justifier ses spoliations systématiques : "il existe des morceaux de peinture et de sculpture, et autres productions du génie ; considérant que leur véritable dépôt, pour l'honneur et le progrès des arts, est dans le séjour et sous la main des hommes libres". Il en fut vaillamment ainsi et il en est toujours ainsi, maintenant et ici : "L'universalité" a piétiné et continue de piétiner "l'altérité".

La qualité reliante (ou religieuse) des images étant bien démontrée et n'ayant aucun doute sur son pouvoir de création/récréation sociale, se considérant une digne représentation citoyenne en capacité de comprendre et de sentir le monde, et absolument certaine de la légitimité de son regard universaliste, notre famille entreprit son pélerinage au Louvre.

Dehors, le soleil d'août tapait fort, les arbres du jardin des Tuileries cherchaient à se rafraichir avec le murmure de leurs feuilles et le bassin de la cour carrée regardait le ciel silencieux. Les vapeurs de la coulée d'acier liquide de la Seine submergeaient ses rives dans une torpeur collante. Le contraste avec la pénombre estivale du musée s'avéra accueillante.

Nous sommes passés très rapidement dans les départements des antiquités grecques, étrusques et romaines. Nous nous sommes attardés un peu dans le département des sculptures. Et nous avons ignoré les couloirs du département des antiquités orientales et des antiquités égyptiennes. La priorité était à la peinture, et plus concrètement, UNE peinture : Qui vient pour la première fois au Louvre veut voir la Joconde. C'est un rite, un salut cérémoniel, un passage initiatique pour accéder au monde de "ceux qui croient parce qu'ils ont vu". Avec mon frère, nous voulions la voir parce qu'on nous avait parlé de Léonard de Vinci et de sa Mona Lisa à l'école.

Nous l'avons vue.
Nous avons vu ses yeux voyageurs qui fixent celui qui la regarde, où que soit le voyeur.
Nous avons vu son sourire mi-narquois mi-satisfait.
Nous avons vu le paysage bleu et vert, transparent, déphasé entre le côté gauche et droit du portrait.
Nous avons vu ses mains reposées l'une sur l'autre, tranquilles, sereines, simples.
Nous avons vu sa présence énigmatique protégée par une vitrine de verre.

Et nous n'avons pas compris.
Nous n'avons pas compris pourquoi tout le monde la regardait elle, se prenait en photo face à elle, se bousculait, se marchait sur les pieds pour l'atteindre : elle, petit portrait de femme de 77 x 53 cm... Alors que sur le mur d'à côté, se trouve la peinture colossale des Noces de Cana, avec ses 994 cm de large et 677 cm de hauteur, avec ses 132 personnages parmi lesquels se trouvent Jésus, Marie, la troupe apostolique, Véronèse lui-même qui peignit le tableau, avec d'autres amis peintres, Le Titien et Le Tintoret, et aussi François 1er, Marie d'Angleterre et Soliman le Magnifique : soixante sept mètres carrés de couleurs vives et l'eau changée en vin.

Ce que nous avons découvert et compris, c'est la qualité de "mouton" diffusée par l'industrie culturelle... Quand nous sortîmes du musée mon frère et moi, nous avions l'épine de l'altérité bien piquée dans la conscience.

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La Visita al Louvre


El domingo pasado fui al Museo del Louvre. Lo hice porque llovia y porque el primer domingo del mes, la entrada es gratuita. Me acordé de mi primera visita, en familia... 

No estaban la pirámide ni sus fuentes, ni el paso subterráneo entre los pabellones, ni el carrusel con sus comercios, pero el palacio del Louvre ya era el museo de arte más visitado del mundo. Era un espacio público civilizado donde todavia, a pesar de su notoriedad, se podia gozar con calma de las representaciones humanas individuales y colectivas. La "democratización" del viaje en avión y el acceso globalizado a la industria del turismo no habian producido aún esos regimentos políglotas de mirones que asedian cotidianamente los templos culturales. Allí pues, en ese museo de entonces, la densidad humana por metro cuadrado se quedada en unos límites aceptables, dejando algun insterticio para la respiración de las mentes, la sorpresa del descubrimiento y la irrupción de la delicadeza.

Hace siglos que la Gioconda, la Venus de Miló y la Victoria alada de Samotracia, son unos imanes simbólicos, unas imágenes reconocidas e hipermasticadas que atraen muchedumbres sentimentales.  Tienen la virtud tranquilizadora de proporcionar un orden consensuado del mundo, como dar vueltas alrededor de la piedra negra de La Mecca, bañarse en el rio Ganges o arrodillarse frente a la virgen de Guadalupe. Cuando el genio de la revolución francesa traspasó las colecciones privadas de la monarquia, de la aristocracia y de la Iglesia a unas galerias públicas para que el conjunto de la sociedad disfrute, persiguió el mismo objetivo que la Declaración de los Derechos del Hombre y del Ciudadano al afirmar que "Los hombres nacen y permanecen libres e iguales en cuanto a sus derechos", y lo localizó en el campo del derecho a gozar de la belleza, a conmoverse, a buscar el sentido de las cosas a traves de los sentidos. Se trataba - y se trata - de abolir el privilegio de la comprensión del mundo, de difundir una cara amable y sensible de la utilidad pública, y de contribuir a la construcción de un espejo compartido de la humanidad.

Así fue como en 1793, el antiguo palacio real fue transformado en "Museum central de los artes de la República" y se enriqueció luego con las presas de guerra, las adquisiciones, las donaciones y los descubrimientos arqueológicos. Así fue tambien como se publicó en 1794 la "Instrucción sobre la manera de inventariar y conservar en todo el ámbito de la República, todos los objetos que pueden servir a los artes, a las sciencias y a la enseñanza" y se comenzó a generar el culto al patrimonio nacional, ampliandolo sin ruborizarse con una política de despojo tanto de los vecinos como de las tierras invadidas más lejanas. Sin ningun remordimiento, la "República imperial" fue capaz de justificar sus expoliaciones sistemáticas: "Hay piezas de pintura y escultura, y otras producciones geniales: su depósito verdadero, por el honor y el avance de las artes, tiene que encontrarse en la residencia y en la mano de los hombres libres". Gallardemente. Así fue entonces y así es aquí y ahora: la "universalidad" pisoteó y sigue pisoteando la "alteridad".

Siendo bien demostrada la calidad religadora (o religiosa) de las imágenes y no quedando ninguna duda sobre su poder de creación/recreación social, considerandose una digna representación ciudadana empoderada para comprender y sentir el mundo, y no teniendo ninguna duda sobre la legitimidad de su mirada universalista, nuestra familia emprendió su peregrinación al Louvre.

A fuera el sol de agosto picaba fuerte, los árboles del jardin de las Tullerias intentaban refrescarse con el susurro de sus hojas y el estanque del patio cuadrado miraba el cielo callado. Los vapores de la colada de acero líquido del rio Sena submergian sus riberas en un torpor pegajoso. El contraste con la penumbra veraniega del museo resultó acogedora.

Pasamos muy rápidamente en los departamentos de las antiguedades griegas, etruscas y romanas.  Nos demoramos un poco en el departamento de las esculturas. Y pasamos de largo frente a los pasillos del departamento de las antiguedades orientales y el de las antiguedades egipcias, Es que la prioridad estaba en la pintura, y más concretamente, en UNA pintura: quien viene por primera vez al Louvre quiere ver la Gioconda. Es un rito, un saludo ceremonial, un paso iniciático para acceder al mundo de "los que creen porque han visto". Con mi hermano, queriamos verla porque nos habian hablado de Leonardo da Vinci y de su Mona Lisa en la escuela.

La vimos.
Vimos sus ojos viajeros que se fijan en quien la mira, este donde este el mirón.
Vimos su sonrisa medio burlona y medio satisfecha.
Vimos el paisaje azul y verde, transparente, desfasado entre los lados izquierdo y derecho del retrato.
Vimos sus manos descansando la una sobre la otra, tranquilas, serenas, sencillas.
Vimos su presencia enigmática protegida por una vitrina de cristal.

Y no entendimos.
No entendimos porque todo el mundo la miraba a ella, se tomaba fotos frente a ella, se amontonaba, se pisaba para alcanzarla: ella, pequeña mujer chiquita retratada en una tabla de 77 por 53 cm... Cuando en la pared de al lado, se encuentra la colosal pintura de las Bodas de Cana con sus 994 cm de largo y 677 cm de alto, con sus 132 personajes entre los cuales se encuentran Jesús, Maria, la tropa apostólica, el mismo Veronese que pintó el cuadro, con otros amigos pintores, el Tiziano y el Tintoretto así como Francisco I de Francia, María de Inglaterra y Solimán el Magnífico: sesenta y siete metros cuadrados de colores vivos y el agua cambiado en vino.

Lo que si descubrimos y entendímos es la calidad de borrego difundida por la indústria cultural... Cuando salimos del museo, teniamos la espina de la alteridad bien colocada en nuestra consciencia.


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lundi 4 janvier 2016

Mi partido, el PCF, les desea un feliz año 2016


I
Conozco todos los lugares donde se alberga la paloma
Y el más natural es la cabeza humana.

XVI
Decir que el humano le ha dado miedo tanto tiempo al humano
Y a los pájaros que llevaba en su cabeza: miedo.

XXVII
Abre tus alas bello rostro
Impone al mundo el ser sabio
Ya que nos volvemos reales.

El rostro de la paz - Paul Eluard - 1951

iQue 2016 abra la via de una nueva esperanza!
Pierre Laurent, secretario nacional del PCF
y Isabelle De Almeida, presidenta del Consejo Nacional del PCF
Les envian sus mejores deseos para el año 2016...
... iYo tambien!

Que 2016 ouvre la voie d'un nouvel espoir!
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
et Isabelle De Almeida, présidente du Conseil National du PCF
Vous présentent leurs meilleurs voeux pour l'année 2016
... Moi aussi !



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La gauche du futur : Une sociologie des émergences

31/12/2015

Le futur de la gauche n’est pas plus difficile à prévoir qu’un autre fait social. La meilleure manière de l’aborder, c’est avec ce que j’appelle une « sociologie des émergences ». Elle consiste à porter une attention particulière à certains signes du présent pour voir en eux des tendances, des embryons de ce qui sera peut-être décisif dans le futur. Dans ce texte, je porte une attention particulière à un fait, inhabituel, qui peut signaler quelque chose de nouveau et d’important : Je me réfère aux pactes entre différents partis de gauche.

Les pactes

La famille des gauches n’a pas une forte tradition de pactes.  Certaines branches de cette famille ont même plutôt tendance à pacter avec la droite qu’avec d’autres branches de la famille. On dirait que les divergences internes dans la famille des gauches font partie de son code génétique,  tant elles ont été constantes tout au long des deux cents dernières années. Pour des raisons évidentes, les divergences ont été plus grandes et plus notables dans la démocratie. Quelques fois, la polarisation est telle qu’elle en arrive au point qu’une branche ne reconnaît même pas que l’autre appartient à la même famille. Par contre, pendant les périodes de dictature, les ententes ont été fréquentes, même si elles se terminent une fois la période dictatoriale terminée.

A la lumière de cette histoire, le fait que nous assistions ces derniers temps à un mouvement de pactes entre différentes branches des gauches dans les pays démocratiques mérite réflexion.  Le sud de l’Europe en est un bon exemple : l’unité autour de Syriza en Grèce, malgré toutes les vicissitudes et les difficultés ; le gouvernement dirigé par le Parti Socialiste au Portugal avec l’appui du Parti Communiste et du Bloco de Esquerda suite aux élections du 4 octobre 2015 ; certains gouvernements autonomiques sortis des élections régionales de 2015 en Espagne et, au moment où j’écris, la discussion sur la possibilité d’un pacte à l’échelle nationale entre le PSOE, Podemos et d’autres partis de gauche suite aux résultats des élections générales de décembre. Dans d’autres régions d’Europe et d’Amérique Latine, certains indices permettent de penser que des pactes similaires pourraient surgir dans un futur proche. Deux questions s’imposent : Pourquoi cette impulsion du pacte en période démocratique ? Quelle est sa viabilité ? 

La première question a une réponse plausible. Dans le cas du sud de l’Europe, l’agressivité de la droite au pouvoir ces cinq dernières années (nationale ou revêtue de l’habit des « institutions européennes ») a été si dévastatrice pour les droits des citoyens et pour la crédibilité du régime démocratique que les forces de gauche commencent à être convaincues que les nouvelles dictatures du XXIè siècle surgiront sous la forme de démocraties de basse intensité. Ce seront des dictatures présentées comme dictamolles ou démocradures, comme gouvernance possible face à l’imminence d’un chaos supposé dans les temps difficiles que nous vivons, résultat technique des impératifs du marché et de la crise qui explique tout sans avoir besoin d’être expliquée. Le pacte est le résultat d’une lecture politique qui considère que l’enjeu, c’est la survie d’une démocratie digne de ce nom et que les divergences sur ce que cela signifie maintenant, sont moins urgentes que de sauver ce que la droite n’a pas encore réussi à détruire.

Répondre à la deuxième question est plus difficile. Comme le disait Spinoza, les personnes (et j’ajoute, les sociétés) sont conduites par deux émotions fondamentales : La peur et l’espérance. L’équilibre entre les deux est complexe mais sans l’une de ces deux émotions, nous ne survivrions pas. La peur domine quand les perspectives de futur sont négatives (« c’est moche mais le futur pourrait être encore pire ») ; d’un autre côté, l’espérance domine quand les perspectives sont positives ou quand, au moins, la non-acceptation de la supposée fatalité des perspectives négatives est largement  partagée. 

Trente ans après l’assaut global contre les droits des travailleurs, la promotion de l’inégalité sociale et de l’égoïsme comme vertus sociales majeures, le pillage sans précédents des ressources naturelles, l’expulsion de populations entières hors de leurs territoires et la destruction environnementale que cela signifie, la promotion de la guerre et du terrorisme pour créer des Etats déliquescents et éliminer les défenses des sociétés face à la spoliation, l’imposition plus ou moins négociée des traités de libre échange totalement contrôlés par les intérêts des entreprises multinationales, la suprématie totale du capital financier sur le capital productif et sur la vie des personnes et des communautés, avec la défense hypocrite de la démocratie libérale ajoutée à tout cela, on conclura aisément que le néo-libéralisme est une immense machine à produire des perspectives négatives pour que les classes populaires ne sachent pas les véritables raisons de leur souffrance, se conforment avec le peu qu’elles ont encore et soient paralysées par la peur de tout perdre.

Le mouvement « pactiste » au sein des gauches est le produit d’un temps, le nôtre, celui de la prédominance absolue de la peur sur l’espérance. Cela signifiera-t-il que les gouvernements issus des pactes seront victimes de leur succès ? Le succès des gouvernements pactés par les gauches se traduira par une atténuation de la peur, par le retour d’une certaine espérance dans les classes populaires en montrant à travers une gestion gouvernementale pragmatique et intelligente, que le droit à avoir des droits est une conquête civilisatrice irréversible. Au moment où brillera à nouveau l’espérance : les divergences referont-elles surface et les pactes seront-ils jetés à la poubelle ? Si cela arrivait, ce serait fatal pour les classes populaires, qui retourneraient rapidement au découragement silencieux face à ce fatalisme cruel, si violent pour les grandes majorités et si bienveillant pour les toutes petites minorités. Mais cela serait aussi fatal pour l’ensemble des gauches, car il serait démontré pour plusieurs décennies que les gauches sont bonnes à corriger le passé mais pas à construire le futur. Pour que cela n’arrive pas, deux types de mesures doivent être mises en œuvre pendant la durée des pactes. Deux mesures qui ne sont pas imposées par l’urgence du gouvernement courant et qui, pour cette raison, doivent résulter d’une volonté politique bien déterminée. Je nomme ces deux mesures Constitution et Hégémonie.

Constitution et Hégémonie

La Constitution est l’ensemble des réformes constitutionnelles ou infra-constitutionnelles qui restructurent le système politique et les institutions afin de les préparer à affronter la dictamolle et le projet de démocratie d’hyper basse intensité qu’elle implique. Selon les pays, les réformes seront différentes, les mécanismes utilisés seront eux aussi différents. Si dans certains cas, il est possible de réformer la Constitution à travers les Parlements, dans d’autres, il sera nécessaire de convoquer des Assemblées Constituantes sui-generis, vu que les Parlements seront l’obstacle majeur contre toute réforme constitutionnelle. 

Il peut également arriver que, dans un contexte déterminé, la « réforme » la plus importante soit la défense active de la Constitution existante, à travers une pédagogie constitutionnelle renouvelée dans tous les secteurs du gouvernement. Mais il y aura quelque chose de commun à toutes les réformes : Revenir au système électoral le plus représentatif et le plus transparent possible, renforcer la démocratie représentative par la démocratie participative. Les théories libérales les plus influentes de la démocratie représentative ont reconnu (et recommandé) la coexistence ambigüe entre deux idées (contradictoires) qui assurent la stabilité démocratique : D’un côté, la foi des citoyens dans leur capacité et leur compétence à intervenir et participer activement en politique ; de l’autre côté, un exercice passif de cette compétence et de cette capacité à travers la confiance dans les élites au pouvoir. 

Ces derniers temps, comme l’ont démontré les manifestations qui ont secoué de nombreux pays depuis 2011, la confiance dans les élites s’est détériorée sans que, pourtant, le système politique (tel qu’il est conçu ou tel qu’il est pratiqué) permette aux citoyens de récupérer leur capacité et leur compétence pour intervenir activement dans la vie politique. Les systèmes électoraux asymétriques, l’organisation des partis, la corruption, les crises financières manipulées : Voici quelques raisons de la double crise de représentation (« ils ne nous représentent pas ») et de participation (« pas la peine de voter, ils sont tous pareils et aucun ne fait ce qu’il a promis »). Les réformes constitutionnelles obéiront à un double objectif : Rendre la démocratie représentative plus représentative, compléter la démocratie représentative par la démocratie participative. Ces réformes auront pour résultat que la formation de l’agenda politique et le contrôle de la mise en œuvre des politiques publiques cesseront d’être un monopole des partis et devront être partagés entre les partis et les citoyens indépendants organisés démocratiquement dans ce but.

Le deuxième ensemble de réformes est ce que j’appelle l’hégémonie. L’hégémonie est l’ensemble des idées sur la société, des interprétations du monde et de la vie qui, parce qu’elles sont largement partagées, même par des groupes sociaux qu’elles lèsent, permettent aux élites politiques de gouverner plus par consensus que par coercition en faisant appel à elles, même quand ils gouvernent contre les intérêts objectifs des groupes sociaux majoritaires. L’idée que les pauvres sont pauvres à cause de leur propre faute est hégémonique quand elle est défendue non seulement pas les riches, mais aussi par les pauvres et les classes populaires en général. Dans ce cas, par exemple, les coûts politiques des mesures tendant à éliminer ou à réduire drastiquement le RMI sont bien moindres. La lutte pour l’hégémonie des idées de société qui soutiennent le pacte entre les gauches est fondamentale pour la survie et la consistance de ce pacte. Cette lutte a lieu dans l’éducation formelle et dans la promotion de l’éducation populaire, dans les médias, dans le soutien aux médias alternatifs, la recherche scientifique, la transformation des parcours dans les universités, dans les réseaux sociaux, l’activité culturelle, les organisations et les mouvements sociaux, dans l’opinion publique et dans l’opinion publiée. C’est à travers elle que se construisent de nouveaux sens et de nouveaux critères d’évaluation de la vie sociale et de l’action politique – l’immoralité du privilège, de la concentration de la richesse et de la discrimination raciale et sexuelle ; la promotion de la solidarité, des biens communs et de la diversité culturelle, sociale et économique ; la défense de la souveraineté et de la cohérence des alliances politiques ; la protection de la nature – critères qui rendent plus difficile la contre-réforme des branches réactionnaires de la droite qui sont les premières à surgir au moment de la fragilité du pacte. Pour que cette lutte ait du succès, il est nécessaire de promouvoir des politiques qui, à première vue, sont moins urgentes et gratifiantes. Si cela n’est pas, l’espérance ne survivra pas à la peur.

Des apprentissages globaux

S’il est possible d’affirmer une chose avec quelque certitude à propos des difficultés que rencontrent les forces progressistes en Amérique Latine, c’est que ces difficultés sont dues au fait que leurs gouvernements n’ont affronté ni la question de la Constitution, ni celle de l’hégémonie. Dans le cas du Brésil, c’est particulièrement dramatique et cela explique en partie pourquoi les énormes avancées sociales des gouvernements de l’époque Lula sont maintenant si facilement considérées comme de simples rouages populistes et opportunistes, même par leurs bénéficiaires. Cela explique également pourquoi les nombreuses erreurs commises – d’abord, avoir renoncé à la réforme politique et à la réforme de régulation des médias, mais aussi d’autres erreurs qui laissent des blessures ouvertes dans des groupes sociaux importants et aussi divers que les paysans sans terre ni réforme agraire, les jeunes noirs victimes du racisme, les peuples indigènes illégalement expulsés de leurs territoires ancestraux, les peuples indigènes et les quilombos dont les réserves sont homologuées mais non décrétées, les périphéries des grandes villes militarisées, les populations rurales empoisonnées par les agro-toxiques, etc…– ne sont pas considérées comme des erreurs mais omises et même converties en vertus politiques, ou acceptées a minima comme des conséquences inévitables d’un gouvernement réaliste et développementiste.
Les tâches non accomplies de la Constitution et de l’hégémonie expliquent aussi que la condamnation de la tentation capitaliste par les gouvernements de gauche soit centrée sur la corruption et donc sur l’immoralité et l’illégalité du capitalisme, et non sur l’injustice systématique d’un système de domination qui peut se réaliser en respectant parfaitement la légalité et la morale capitaliste.

L’analyse des conséquences de la non-résolution des questions de la Constitution et de l’Hégémonie est essentiel pour prévoir et prévenir ce qui peut arriver dans les prochaines décennies, pas seulement en Amérique Latine, mais aussi en Europe et dans d’autres régions du monde. Entre les gauches latino-américaines et celles d’Europe du Sud, se sont établis ces vingt dernières années d’importants canaux de communication qui doivent encore être analysés dans toutes leurs dimensions. Depuis le début du budget participatif à Porto Alegre (1989), plusieurs organisations de gauche en Europe, au Canada et en Inde (parmi celles que je connais) ont commencé à faire attention aux innovations politiques qui surgissaient dans le champ des gauches de plusieurs pays d’Amérique Latine. 

A partir de la fin des années 1990, avec l’intensification des luttes sociales, la montée au pouvoir de gouvernements progressistes et les luttes pour les Assemblées Constituantes, surtout en Equateur et en Bolivie, il est apparu clairement qu’une profonde rénovation de la gauche était en cours, dont on avait beaucoup à apprendre. Les traits principaux de cette rénovation étaient les suivants : Une démocratie participative articulée à la démocratie représentative, articulation d’où les deux sortaient renforcées ; le rôle essentiel des mouvements sociaux, dont le Forum Social Mondial de 2001 a été une preuve éloquente ; une nouvelle relation entre les partis politiques et les mouvements sociaux ; l’entrée remarquable dans la vie politique de groupes sociaux considérés marginaux jusque là, comme les paysans sans terre, les peuples indigènes et les peuples afro-descendants ; la célébration de la diversité culturelle, la reconnaissance du caractère plurinational des pays et l’objectif d’affronter les héritages coloniaux insidieux toujours présents. Cette liste est suffisante pour mettre en évidence comment les deux luttes auxquelles je me suis référé (la Constitution et l’hégémonie) ont été présentes dans ce vaste mouvement qui paraissait refonder pour toujours la pensée et la pratique de gauche, pas seulement en Amérique Latine, mais dans le monde entier. 

La crise financière et politique, surtout à partir de 2011, et le mouvement des indignés, ont été les détonateurs de nouvelles émergences politiques de gauche dans le sud de l’Europe. Les leçons de l’Amérique Latine y ont été très présentes, particulièrement la nouvelle relation parti-mouvement, la nouvelle articulation entre démocratie représentative et démocratie participative, la réforme constitutionnelle et, dans le cas de l’Espagne, les questions de la pluri-nationalité. Mieux que n’importe quel autre, le parti espagnol Podemos représente ces apprentissages, alors que ses dirigeants ont, dès le début, été conscients des différences substantielles des contextes politiques et géopolitiques européen et latino-américain.

La forme que prendront ces apprentissages dans le nouveau cycle politique qui émerge en Europe du Sud est, pour le moment, inconnue. Mais, on peut d’ores et déjà émettre l’hypothèse suivante : S’il est vrai que les gauches européennes ont appris des nombreuses innovations des gauches latino-américaines, il n’en est pas moins vrai (et tragique) que ces dernières ont « oublié » leurs propres innovations et que, sous une forme ou sous une autre, elles sont tombées dans les pièges de la vieille politique, où les forces de droite montrent facilement leur supériorité vu leur longue expérience historique accumulée.

Si les canaux de communication se maintiennent aujourd’hui, et toujours en préservant la différence de contextes, il serait peut-être temps que les gauches latino-américaines apprennent aussi des innovations qui surgissent dans les gauches du Sud de l’Europe. Parmi elles, je souligne : maintenir vivante la démocratie participative au sein même des partis de gauche eux-mêmes, comme condition préalable à leur adoption dans le système politique national en lien avec la démocratie représentative ; des pactes entre forces de gauche (pas nécessairement seulement entre partis) et jamais avec des forces de droite ; des pactes pragmatiques ni clientélistes (ce ne sont pas des personnes ou des postes dont on discute, mais des politiques publiques et des mesures du Gouvernement), ni de reddition (en articulant les lignes rouges qui ne peuvent pas être dépassées  avec la notion de priorités ou, comme on disait auparavant, en distinguant les luttes premières des luttes secondaires) ; insistance dans la réforme constitutionnelle pour blinder les droits sociaux et rendre le système politique plus transparent, plus proche et plus dépendant des décisions citoyennes, sans devoir attendre les élections périodiques (renforcement du référendum) ; et dans le cas espagnol, traiter démocratiquement la question de la pluri-nationalité.

La machine fatale du néolibéralisme continue à produire de la peur à grande échelle, et à chaque fois qu’elle manque de matière première, elle fait dérailler l’espérance qu’elle peut trouver dans les coins les plus cachés de la vie politique et sociale des classes populaires, elle la triture, elle la mouline et la transforme en peur. Les gauches sont le sable qui peut enrayer cet engrenage spectaculaire afin d’ouvrir les brèches par où la sociologie des émergences fera son travail de formulation et d’amplification des tendances, ces « pas encore », qui font poindre un futur digne pour les grandes majorités. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire que les gauches sachent avoir peur sans avoir peur de la peur. Qu’elles sachent soustraire des semences d’espérance à la broyeuse néolibérale et qu’elles les plantent dans des terrains fertiles où chaque fois plus, les citoyens sentent qu’ils peuvent vivre bien, protégés, aussi bien de l’enfer du chaos imminent, que du paradis des sirènes de la consommation obsessive. Pour qu’il en soit ainsi, la condition minimale est que les gauches soient fermes dans deux luttes fondamentales : La Constitution et l’hégémonie.

Traduction : C.Marchais
Sources : 

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dimanche 3 janvier 2016

Réinterpréter le cri


Dans son journal intime (en 1892), Edvard Munch avait ainsi décrit les origines de son oeuvre :

Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout d’un coup le ciel devint rouge sang – je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis continuèrent, et je restai là, tremblant d’anxiété – je sentis un cri infini traverser la nature. 

En surfant sur Internet, j'ai trouvé 2 vidéos géniales du réalisateur roumain, Sebastian Cosor, qui réinterprètent LE CRI de E.Munch.

Dans le premier film, le tableau prend vie dans un court-métrage d'animation où deux personnages devisent sur la peur de la mort avec “The Great Gig In The Sky” en fond sonore. Le métissage de l'animation, des couleurs de Munch et du son de Pink Floyd font vibrer d'angoisse le personnage hurlant.


Et dans le deuxième film, Sebastian Cosor reprend la même structure mais en la couvrant de neige et en ajoutant une SURPRISE qui m'a fait éclater de rire... Ca fait du bien de rire de la peur !

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Reinterpretar el grito


En su diario íntimo (en 1892), Edvard Munch habia descrito así el orígen de su obra:

"Paseaba por un sendero con dos amigos. El sol se puso. De repente el cielo se tiñó de rojo sangre, me detuve y me apoyé en una valla, muerto de cansancio. Sangre y lenguas de fuego acechaban sobre el azul oscuro del fiordo y de la ciudad - mis amigos continuaron y yo me quedé quieto, temblando de ansiedad. Sentí un grito infinito que atravesaba la naturaleza".

Navegando en Internet, he encontrado 2 videos geniales del cineasta rumano Sebastian Cosor. Reinterpretan EL GRITO de E.Munch.

En el primer cortometraje, el cuadro recobra vida con una cinta de animación donde dos personajes plactican sobre el miedo a la muerte con "The Great Gig In The Sky" como fondo musical. La mezcla de los colores animados de Munch y del sonido de Pink Floyd hacen vibrar de angustia el personaje aullador.



En el segundo corto, Sebastian Cosor recoge la misma estructura pero la cubre de nieve y añade una SORPRESA que me ha partido de la risa... iQue bueno reirse del miedo!



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