lundi 14 août 2017

Colombie. Défendre l'approche genrée

@Gustavo Torrijos. Colombia 2020

Par Renata Cabrales

"Bien sur, cela sera très difficile que ces instances représentent toutes les femmes, mais c'est une victoire que l'instance soit là, comme garantie de l'approche genrée dans les accords de paix".

Au cours de sa dernière visite en Colombie, Lorena Peña, la présidente de la FDIM (Fédération Démocratique Internationale des Femmes) a souligné que la mise en oeuvre des accords de paix était une de leurs priorités et que, pour la Fédération des Femmes, il est très important que les conditions de vie et les droits des femmes soient dûment soulignés dans chaque point des accords. Il importe qu'ils ne soient pas généralisés, aussi bien dans les programmes de réinsertion à la vie civile que dans les programmes de distribution des terres ou dans ceux sur la participation politique. Elle a par ailleurs affirmé qu'il y a un axe thématique qui est celui sur les femmes victimes de violence sexuelle pendant la guerre.

Afin d'assurer un suivi de la mise en oeuvre des accords de paix, une délégation du Forum de Sao Paulo a visité la Zone de regroupement des FARC "Mariana Paéz" à Mesetas. La situation des femmes enceintes y a été examinée de près et la délégation est arrivée à la conclusion que le gouvernement ne fait pas son devoir envers ces femmes puisqu'il ne répond pas à leurs besoins de mères et aux besoins basiques de leurs enfants.

Pour que l'approche genrée soit respectée dans les accords de paix, la CSIVI (Commission de Suivi, d'Initiative, de Vérification et d'Implémentation du processus de paix) a lancé un appel à candidatures afin d'élargir l'Instance Spéciale chargée de garantir l'approche genrée dans la mise en oeuvre de l'Accord Final entre le Gouvernement et les FARC. Environ 830 organisations de défense des droits humains des femmes ont répondu à l'appel. Il y a eu des assemblées régionales et des candidatures nationales. La tâche de la CSIVI n'a pas été facile car il ne fallait sélectionner que six candidatures alors qu'elle avait reçu un nombre important de profils excellents. "En fait, il y a très peu de femmes pour représenter toutes les femmes du pays et toutes les organisations... Bien sur, cela sera très difficile que ces instances représentent toutes les femmes, mais c'est une victoire que l'instance soit là, comme garantie de l'approche genrée dans les accords de paix" affirme Magda Alberto, membre de Mujeres por la Paz (Femmes pour la Paix), élue pour faire partie de l'Instance.

Dans une conversation avec VOZ, Magda Alberto nous parle du rôle de suivi de l'approche genrée de la Haute Instance.

Pour la CSIVI, quelles sont les fonctions de la Haute Instance ?

Le communiqué n°18 de la CSIVI a lancé l'appel à candidatures pour former l'Instance et a détaillé quelles sont ses fonctions : Présenter des rapports, suggérer des orientations et faire des recommandations à la CSIVI afin de garantir l'approche genrée dans le cadre de la mise en oeuvre des accords, ainsi que faire le suivi de l'approche de genre dans les plans-cadre. Il s'agit d'entretenir des canaux de communication avec les femmes, c'est un des défis les plus importants : Que nous ne soyons que sept et que nous maintenions pourtant un dialogue permanent avec les femmes. En tant que représentantes, il faut que nous soyons les porte-paroles des femmes dans les territoires et que nous écoutions leurs besoins et leurs propositions pour que les droits de toutes les femmes deviennent une réalité dans la mise en oeuvre des accords.

Pourquoi un suivi de l'approche genrée est-il nécessaire ? Existe-t-il un danger que cela ne soit pas respecté ?

Pendant la campagne électorale du référendum où le Non a gagné, un des arguments de ceux qui étaient contre la paix, était le thème des droits des femmes et de la population LGTBI. Ils ont affirmé qu'ils évinceraient des accords la population LGTBI et les femmes. C'est pourquoi nous avons fait une campagne qui disait "On ne nous vire pas des accords" (#DelAcuerdoNoNosSacan). Suite à la négociation qui a eu lieu après le Non, on a réussi à ce que reste dans l'accord pour garantir l'approche genrée une instance spéciale formée par 6 représentantes des organisations de femmes colombiennes nationales et internationales qui auraient un dialogue permanent avec la CSIVI. Et on y est arrivé dans le cadre de l'accord, après le Non. Tout cela pour que soient garantis les droits des femmes et de la population LGTBI dans la mise en oeuvre, et que cela n'aille pas se perdre dans l'accord final. C'est la raison pour laquelle, cette année, la CSIVI a lancé l'appel à candidatures en vue de la participation des différentes organisations. Pour cette élection, il a été décidé qu'il n'y aurait pas que six élues mais qu'il y aurait aussi une représentante de la population LGTBI. Il y a donc trois candidatures territoriales, une territoriale en représentation des victimes et deux représentantes des organisations nationales.

Comment a eu lieu l'élection ?

Dans ce processus, l'élection n'a pas été facile, il y a eu de longues discussions de la CSIVI pour se mettre d'accord sur qui pouvait être les meilleures représentantes. Je crois que finalement, on est arrivé à une diversité des voix, avec une présence de celles qui ne sont pas traditionnellement dans ce genre d'espaces, et qui portons les positions revendicatives des femmes populaires, des comités de base, des indigènes, des paysannes, des jeunes femmes dans les territoires, des victimes. Il faut dire que, lamentablement, il n'y a pas de femme afro-descendante dans cette instance et que les femmes afros sont désolées, ou tout au moins, surprises de ne pas être présentes dans l'instance. Mais nous l'avons déjà dit, c'est un espace très réduit et c'était très difficile que nous nous sentions toutes représentées. L'important maintenant, c'est de faire un travail en commun pour établir le dialogue avec elles et avec beaucoup d'autres femmes qui n'ont pas réussi à être là. Parce que finalement, nous avons été 830 organisations à nous présenter, c'est à dire que nous étions 830 femmes à vouloir y être : L'important, c'est de pouvoir dialoguer avec les femmes et de porter leurs voix dans cette instance.

Qui sont les élues ?

Les femmes élues viennent d'organisations populaires, organisations de base, indigènes, territoriales, de victimes. Elles vont porter des voix de femmes qui ont été historiquement exclues, violentées, exploitées. Cela fait partie de l'élargissement démocratique que le pays en train de vivre et c'est l'échantillon d'une instance dans laquelle nous les femmes, avons des voix et une représentation propre, des voix de femmes qui sont là maintenant, depuis les territoires, depuis le travail sur le terrain, alors qu'elles n'avaient jamais été présentes dans ce genre d'espace.

C'est un vrai défi pour nous qui serons là, le défi de veiller à ce que les accords se mettent en oeuvre. Il s'agit là d'une tâche très intéressante et le défi c'est de réussir l'articulation avec les femmes. Il ne faut pas faire une représentation entre nous mais une représentation liée aux femmes des territoires, en pensant que c'est une paix territoriale et qu'elle doit inclure les territoires de manière réelle.

Les femmes élues sont :
Marcela Sánchez, directrice de Colombia Diversa; Mayerlis Angarita de Narrar para Vivir (Raconter pour Vivre) ; Victoria Neuta, de la Commission des Femmes Indigènes; Magda Alberto de Mujeres por la Paz (Femmes pour la Paix) ; et dans les organisations territoriales : Rocío Pineda (Antioquia), Francisca Aidee Castillo (Association de Femmes Travailleuses de l'Arauca) y Yuly Artunduaga, de Mujeres Andinoamazónicas (Putumayo).

Source : Semanario VOZ





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