Estética del poder @essoalvarez
Mieux vaut ne pas jouer avec le feu quand on a un cadavre dans le placard comme les anciens et nouveaux gouvernants de Colombie.
Par Yezid Arteta Dávila in Semana
1. La propagande
Depuis l'occupation de l'Irak en 2003, il n'y a pas eu de guerre médiatique à grande échelle comme celle qui a lieu ces derniers jours autour du Venezuela. L'Irak avait été la cible d'une grande tromperie car Saddam Hussein, on l'a prouvé et ce fut reconnu ensuite par l'ex-premier ministre britannique Tony Blair, ne détenait pas d'armes de destruction massive comme l'affirmaient les puissances occidentales et le diffusaient leurs grandes chaînes d'information. Et aujourd'hui, l'Irak est réduit en cendres, on l'a vu dans les récentes images de Mossoul présentées par ces mêmes chaines d'infos qui s'étaient fait l'écho de la grande tromperie.
Ces jours-ci, l'Arabie Saoudite prépare la décapitation de 14 personnes qui ont été condamnées par le Tribunal Suprême de la Monarchie en raison de leur participation à ce qu'on a appelé le "Printemps Arabe" - parmi elles se trouve un étudiant de l'Université du Michigan. On les accuse d' "Incitation au chaos" et d'emploi de cocktails molotov pendant les manifestations. Mais en dehors d'Amnesty International et de certains sites alternatifs, ces sentences n'ont pas été condamnées par les leaders occidentaux et n'ont pas éveillé l'intérêt des agences internationales d'information. Ainsi, quand une femme saoudienne est condamnée à recevoir des coups de fouet pour avoir conduit une voiture ou lapidée pour une affaire sentimentale, l'Occident regarde d'un autre côté.
Vers le Venezuela, par exemple.
Vers le Venezuela, par exemple.
Dans une avenue du secteur d'Altamira - où réside la population la plus riche de Caracas - un engin explosif éclate au passage d'une patrouille motorisée de la Garde Nationale Bolivarienne et il en résulte sept soldats blessés. Quelques semaines auparavant, un militaire lunatique prend le contrôle d'un hélicoptère de la Police scientifique et lance une attaque à la grenade sur le Tribunal Suprême de Justice du Venezuela. Ces deux faits, qui selon les barèmes actuels correspondent à la catégorie de "terrorisme", sont largement relayés par la presse occidentale. En fait, pour l'Occident, contrairement à la Monarchie saoudienne, le gouvernement du Venezuela est un ennemi géopolitique à abattre, d'autant plus que la patrie de Bolívar possède les plus grandes réserves de pétrole de la planète, mais aussi du gaz, de l'or, de l'uranium, du coltan, du thorium et l'eau qui se trouve dans son territoire. Tout est bon pour assurer le robinet du pétrole : une guerre, un coup d'Etat, une occupation militaire, un blocus économique. L'Irak et la Lybie ont été détruits mais le brut n'a pas cessé de couler.
2. La démocratie
En vue de la bataille électorale de 2018, les dirigeants politiques traditionnels de Colombie ont converti le Venezuela en circonscription électorale additionnelle en plus des 32 qui existent déjà dans le pays. Ils mettent le nez dans les affaires internes du Venezuela pour obtenir des bénéfices en Colombie, portent la situation du Venezuela à la sauce colombienne. Je ne sais pas jusqu'où ces éternels opérateurs politiques colombiens auront la conscience tranquille ou les mains propres pour faire de grands laïus sur la démocratie et les Droits Humains. Mieux vaut ne pas jouer avec le feu quand on a un cadavre dans le placard comme les anciens et nouveaux gouvernants de Colombie.
Revenons à vol d'oiseau sur l'histoire récente de la Colombie.
- Cinq candidats à la Présidence assassinés par balle : Gaitán, Gómez Hurtado, Pardo Leal, Galán, Pizarro.
- Quarante-quatre parlementaires condamnés de 2006 à 2010 en raison de leur appartenance à des organisations criminelles responsables de centaines d'assassinats.
- Le jugement des civils par des cours martiales pendant le gouvernement libéral-conservateur de Turbay Ayala.
- Des centaines de jeunes des quartiers populaires assassinés à tour de bras - les faux positifs - présentés ensuite comme des rebelles morts au combat.
- Les dossiers sur des officiers des Forces Armées et des politiques condamnés pour narcotrafic par des tribunaux aux Etats-Unis.
- Des centaines de hauts fonctionnaires publics qui purgent des peines parce qu'ils se sont appropriés de l'argent public.
- La suppression de l'opposition politique par le biais des assassinats comme ce qui est arrivé avec l'Union Patriotique.
- Des centaines de journalistes assassinés parce qu'ils racontent la réalité.
- L'appareil d'espionnage de l'Etat - le DAS - contrôlé par des organisations criminelles.
Mieux vaut se taire quand on a un tel casier judiciaire.
3. Prendre position
Matador - qui est à mon goût le meilleur caricaturiste colombien - a fait un dessin sur lequel apparaissent quelques uns des dirigeants les plus connus de la gauche du pays, passant sur la pointe des pieds sur l'affaire du Venezuela. C'est un classique en Colombie : Faire profil bas ou ne rien dire sur les thèmes épineux du genre de ce qui arrive au Venezuela. D'autres par contre, naviguent dans les eaux politiques à partir du moment où le vent vient en poupe. Rien n'est plus horrible qu'un personnage public qui fait de l'arrivisme une tactique pour maintenir sa ligne de flottaison politique.
Gustavo Petro, je dois le reconnaître, a été le politicien colombien le plus équilibré sur la question vénézuélienne. Ses paroles ne correspondent pas au positionnement idéologique classique qui ne perçoit la réalité qu'en deux couleurs. Petro, avec la Constitution Politique de la Colombie entre les mains, défend l'autodétermination du Venezuela sur la base de l'article 9 de notre Carta Magna et appelle les gouvernants de Bogotá à respecter la loi, tout en construisant l'intégration de l'Amérique Latine et des Caraïbes. Alors que Petro appelle au dialogue entre les parties pour arriver à un accord, la majorité des aspirants présidentiels se chargent de lancer de l'huile sur le feu et attisent les flambées de violence qui engendrent des victimes dans les rues.
4. La Conclusion
Le Venezuela est le théâtre d'une lutte politique interne acharnée. C'est l'ABC de la politique. Mais cette lutte interne est faussée par des pouvoirs externes qui ont mesuré l'importance des ressources naturelles que contient le territoire vénézuélien, ressources qui ont servi dans le passé à enrichir certains margoulins qui vivent comme des magnats dans le quartier de La Florida, alors qu'à Caracas, les miséreux se multiplient sur les coteaux. Le président Hugo Chávez avait inversé les rôles quand il a réparti la rente pétrolière entre les millions de pauvres du Venezuela et fait en sorte que l'Amérique Latine récupère sa souveraineté et son identité. Mais le modèle rentier dérivé de la richesse pétrolière n'a changé sous aucun gouvernement, avec ceux de Chávez et Maduro non plus. C'est donc un modèle dépendant dont profitent un certain nombre de corrompus qui sont aujourd'hui aussi bien au gouvernement que dans l'opposition.
Et la violence au Venezuela tue des gens du gouvernement et de l'opposition. Et l'immense majorité des vénézuéliens fuit la violence. Il n'y a donc pas d'autre chemin que le dialogue à moins que le Venezuela ne devienne une société comme la colombienne : divisée et violente. Entre le gouvernement et l'opposition, on commence à entendre des voix sensées - comme celle du député opposant Henry Ramos Allup - qui appellent à ce que toutes les violences cessent. Le dialogue, l'accord, les urnes et l'autodétermination sont les uniques options raisonnables pour que le pays des Libertadores dépasse cette croisée des chemins.
5. A faire
Plus que des devoirs, voici deux suggestions sur la question vénézuélienne.
La première : Qu'une étudiante en journalisme écrive une thèse sur la couverture médiatique de la crise vénézuélienne par les médias espagnols et colombiens.
La deuxième : Lire "Le Sacre du Printemps", le roman cultissime du précurseur du réel merveilleux, Alejo Carpentier, pour comprendre les vénézuéliens.
@Yezid Ar D
@Yezid Ar D
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