dimanche 16 juillet 2017

Et la mort n'aura pas d'empire


Des poètes et des artistes du monde entier soutiennent le processus de paix et appellent à sa mise en oeuvre rapide en Colombie.

Medellín, 15 juillet 2017

"Nommer l'extermination salit la langue, c'est la raison pour laquelle on lui cherche de fausses métaphores salvatrices. Mais la guerre ne peut être déguisée, elle est trop inacceptable. Et c'est presque toujours l'argument final pour qui manque d'arguments". 

Nous, poètes et artistes invités au 27ème Festival International de Poésie de Medellín, avons posé nos yeux sur le passé récent de la Colombie. Ce que nous avons vu dépasse notre capacité d'entendement et défie, sans réussir à le vaincre, notre amour pour la vie.

Les chiffres qui se doivent à la froideur ne le font pas ici : Ils sont le douloureux témoignage de décennies d'injustice et de spoliation, les fruits d'une haine qui doit être extirpée du corps de la Colombie. Ne serait-ce que par le nombre de vies fauchées : on nous a parlé de 220.000. Et le nombre de victimes : 8.245.398. Les disparitions forcées : 85.000. On nous a dit que ces chiffres étaient les chiffres officiels. Nous avons pensé que ce ne pouvait être vrai. Alors on nous l'a répété de nouveau : "Ce sont les chiffres officiels". Ainsi donc, toute cette horreur a bien eu lieu. Il ne s'agissait pas d'hyperboles : Un peuple installé, pendant plus d'un demi siècle, sous l'empire de la mort.

Notre capacité à comprendre et à accepter la réalité avait déjà été mise à rude épreuve quand, au cours d'un référendum précédé de mensonges et d'une manipulation perverse des sentiments légitimes du peuple colombien, c'est le Non qui avait gagné et qui résonne encore dans nos consciences. Après avoir résolu cette impasse insoluble, nous pensions que le pire était déjà passé. Nous confions qu'il en sera ainsi. Mais nous devons rester en alerte pour que les discours de haine et de vengeance n'étendent plus leur venin insidieux. Et nous voyons avec joie que les parties qui se sont affrontées pendant des décennies d'horreur ne sont pas seulement en alerte, mais donnent des preuves irréfutables de leur volonté sincère d'honorer leur parole écrite et signée.

Bien que cela puisse paraître un lieu commun, nous voulons répéter ici que la paix est un droit inaliénable des peuples et une obligation sans réserves des gouvernements. Comme avec la signature de l'Accord Final, l'espoir du peuple colombien ne peut pas être à nouveau trahi, nous demandons au Président Juan Manuel Santos, au Pouvoir Judiciaire et au Congrès de la République, d'accélérer l'application de ce qui a été pacté et, tout particulièrement, de ne pas attendre un jour de plus pour, à travers l'amnistie, libérer les insurgés qui demeurent encore dans les prisons, y compris une gestion rapide pour libérer Simon Trinidad. Nous les invitons à lutter de manière décidée et claire pour le démantèlement des structures paramilitaires qui risquent aujourd'hui d'installer à nouveau le peuple colombien sous la domination de la mort et de la haine. Par ailleurs, malgré les difficultés, les dangers et les menaces qui hantent le long chemin de la construction de la paix, nous invitons les FARC-EP à ne pas permettre que faiblisse la volonté de paix dont ils ont déjà montré des preuves évidentes.

Jusqu'à aujourd'hui, nous voyons que le peuple colombien n'a pas été le protagoniste essentiel de l'histoire mais qu'il l'a subie. Il suffit de regarder les chiffres officiels : les 177.000 civils assassinés sélectivement et la quantité abominable des victimes, près de 9 millions de personnes, sont des preuves irréfutables. Nous, poètes et artistes qui avons participé à ce 27ème Festival International de Poésie de Medellín, sommes convaincus que pour la mise en oeuvre de l'Accord Final, la présence vigilante de la société civile sera essentielle. Nous invitons le peuple de Colombie à blinder ce qui a été signé par son accompagnement. Le non-respect des pactes serait, à nouveau, la porte ouverte à l'enfer de la guerre.

Il y a deux ans exactement, dans le cadre du II Sommet Mondial de Poésie pour la Paix en Colombie, les poètes invités au Festival International de Poésie de Medellín avaient rédigé et signé un document qui disait entre autres : 

"La poésie et l'art peuvent transformer la douleur et la tragédie, vécues comme mémoire et force pour affirmer la vie et vaincre les arguties de la mort. Nous disposer à transformer les blessures profondes produites en Colombie par l'injustice et son déploiement guerrier, nous engage tous à une réflexion sur ce mal-être. Mais aussi à reconnaître ce que nous étions avant la contagion, et ce que, une fois dépassée, nous pouvons arriver à être. Si nous affirmons sans tituber que la poésie est un impossible réalisé, la paix devrait être un impossible réalisable. Cet impossible réalisable remettra dans nos yeux le pays tel qu'on ne l'a pas laissé être".

Aujourd'hui, nous faisons nôtres ces paroles et nous redisons les mots laissés par Dylan Thomas : 
"Et la mort n'aura pas d'empire" 
"Y la muerte no tendrá señorio"
"And death shall have no dominion"

Signataires :

Timo Berger, Tom Schulz, Odile Kennel (Allemagne)
Graciela Maturo, Samuel Bossini, Hugo Francisco Rivella, Tina Elorriaga (Argentine)
Maria Takolander (Australie)
Diana Araujo (Brésil)
Stefan Hertmans (Belgique)
Marcia Mogro (Bolivie)
Jorge Torres, José Luis Díaz-Granados, Alejandra Lerma, Maria Tabares, Marco Fidel Cardona, Camila Charry, Lucía Parias, Gustavo Valdes, Carlos Ciro, Sore Snid Berrío, Maria Isabel Garcia Mayorca, Pedro Arturo Estrada, Orietta Lozano, Felipe Posada,  Felipe López,  Camilo Restrepo, Carlos Andrés Jaramillo,  Kelly Jiménez,  Daniel Acevedo,  Lina Trujillo,  Andrés Alvarez ,  Ronald Cano,  Lorena Zapata,  Gunnara Jamioy Izquierdo (Nations Iku-Kamëntsá, Colombie),  Pedro Ortiz (Nation Inga, Colombie),  Martín Cruz (Colombie)
Eduard Encina, Polito Ibañez (Cuba)
Elvira Hernández, Jesus Sepulveda, Mauricio Castillo –Chinoy-(Chili)
Gary Geddes (Canada)
Peter Laugesen (Danemark)
Luis Carlos Mussó, Luis Carlos Mussó (Equateur)
Gerry Loose (Ecosse)
Inger Mari Aikio (Nation Sami, Finlande)
Marc Perrin, Anne Kawala, Stepháne Chaumet (France)
Peter Waugh, Zingonia Zingone (Grande Bretagne)
Nikolaos Vlahakis, Savina Yannatou, Spyros Manesis (Grèce)
Sabino Esteban (Guatemala)
Fabricio Estrada (Honduras)
Abhay K. (Inde)
Caterina Davinio (Italie)
Ann-Margaret Lim (Jamaique)
Hanane Aad (Líban)
Khalid Raissouni (Maroc)
Margarito Cuéllar, Balam Rodrigo (Mexique)
Natalio Hernández (Nation Náhuatl, Méxique)
Baatarkhuu Tumendembere (Mongolie)
Fakhri Ratrout (Palestine-Jordanie) Najwan Darwish (Palestine)
Shirley Villalba (Paraguay)
Denisse Vega (Pérou)
Mina Gligoric (Serbie)
Firas Sulaiman (Syrie)
Svenja Herrmann (Suisse)
Haydar Ergülen (Turquie)  
Saidash Begzy Oglu Mongush (Tuva-Russie)





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