mardi 18 juillet 2017

Déclaration politique du 22ème Congrès du Parti Communiste Colombien


Construisons le nouveau pays dans l'unité et la paix

Source : Pacocol

Le XXIIème Congrès du Parti s'est déroulé à un moment unique pour les différentes générations d'hommes et de femmes qui forment notre militance aujourd'hui. Car notre aspiration historique à une solution politique négociée au conflit social et armé est devenue réalité avec les Accords de La Havane et les FARC-EP. Grâce à eux, s'ouvre la possibilité réelle d'ouvrir un cycle de transformations permettant d'avancer vers la véritable démocratisation de la société colombienne. Nous, communistes, observons avec admiration la persistance et le grand effort réalisé par la guérilla des FARC-EP pour arriver à l'accord final, à travers un chemin plein d'obstacles.

Conformément à ce qu'a été notre politique au cours des dernières décennies, nous nous sommes pour notre part efforcés de contribuer à la cause de la paix avec justice sociale au côté de franges importantes des secteurs démocratiques et du mouvement social et populaire.

En ce moment, la consolidation des avancées liées à l'accord de paix est le défi le plus important auquel doivent répondre les secteurs démocratiques et révolutionnaires de notre pays, tout en sachant que ce qui a été accordé ne résume pas tout le programme des aspirations à la transformation démocratique de la société colombienne. Les accords de La Havane posent les bases d'importants changements de la ruralité colombienne, la démocratisation de la vie politique, la reconnaissance de la centralité des droits des victimes du conflit, particulièrement du droit à la vérité, la mise en route d'un système judiciaire propre à une solution politique. Ils génèrent les conditions pour que ce qui a été effectivement convenu, soit mis en oeuvre concrètement et matériellement, avec l'obligation d'y assigner des ressources budgétaires.

Les accords requalifient le débat politique dans la mesure où les conditions d'une séparation définitive entre les armes et la politique sont données. Avec le dépôt définitif des armes de la part des FARC, l'Etat doit renoncer à la violence et à l'usage des armes contre le peuple pour préserver son régime de domination de classe. Et il doit combattre et en finir avec le para-militarisme – ce que nous exigeons depuis des décennies.

Le fait que les FARC-EP deviennent un parti politique légal est une excellente nouvelle pour le pays et pour le camp populaire et démocratique. Ils siégeront ainsi au congrès avec leur propre groupe parlementaire et ils continueront leurs luttes en défense des intérêts des classes populaires. Nous partageons avec les FARC-EP une histoire de résistance populaire, le présent pour consolider la paix et la volonté de construire le futur en faisant partie d'un large processus d'unité et d'une grande convergence démocratique.

La perspective de construction de la paix démocratique avec justice sociale dans notre pays se développe dans un contexte particulièrement complexe au niveau international et global mais aussi dans la situation de Notre Amérique et en ce qui concerne la corrélation politique et sociale des forces dans notre propre pays.

Nous, communistes, nous ne sommes pas indifférents au destin des peuples du monde. Nous sommes attachés à la solidarité et à l'internationalisme. C'est la raison pour laquelle nous suivons avec attention et préoccupation la configuration instable de l'ordre mondial, en accompagnant toutes les luttes sociales et populaires qui se développent à l'échelle planétaire contre les diverses expressions de l'ordre social capitaliste, pour affronter les impacts politiques et sociaux de sa crise permanente et de son caractère prédateur au niveau environnemental, allant jusqu'à mettre en danger la vie elle-même. Après la soi-disant guerre contre le terrorisme basée en réalité sur de vieilles pratiques impérialistes pour le contrôle territorial et la spoliation des ressources stratégiques pour l'accumulation capitaliste (particulièrement les ressources énergétiques), on a assisté à la restriction des droits civils et politiques, et à une croissante militarisation de la vie sociale en imposant "l'agenda sécuritaire" comme une priorité de la majeure importance.

Avec l'arrivée de Trump à la présidence des Etats-Unis, tout en étant dans la continuité par rapport à des politiques déjà existantes, les quelques avancées vers des régulations stabilisatrices de l'ordre mondial se sont vues manifestement affectées. S'est ajouté à cela un renforcement des positions qui encouragent le chauvinisme et renforcent particulièrement les projets politiques de droite qui, à l'échelle planétaire, revendiquent de faux nationalismes et la défense démagogique de secteurs sociaux affectés par la crise. Nous assistons à une résurgence de politiques et de pratiques fascistes qui mettent en danger la paix mondiale. Dans ce contexte, la présence de la Chine, de la Russie et de l'Iran, bien que ces pays ne représentent pas un bloc politique international compact et qu'ils n'aient pas la possibilité immédiate d'un ordre partagé comme celui qui existait jusqu'à la fin de l'Union Soviétique, constitue malgré tout une contention de pratiques impérialistes encore plus étendues et ouvre la possibilité de consolider un type d'organisation multipolaire, de toutes les manières, plus favorable aux peuples du monde.

L'actuelle politique des Etats-Unis pour Notre Amérique ne s'est pas encore pleinement déployée. Pour l'instant, les lignes de continuité et d'approfondissement des politiques impérialistes sont préoccupantes. Le militarisme et l'interventionnisme, la recherche d'accès aux ressources stratégiques, le contrôle politique sur les gouvernements de la Région, le retour en arrière des projets démocratiques populaires et progressistes en position de gouverner, continuent à être des objectifs de la politique étatsunienne, qui avec le gouvernement de Trump acquiert de nouvelles impulsions, comme on l'a vu dans le cas de Cuba et du Venezuela.

Selon les caractéristiques de Trump et de son entourage ultraconservateur, même une intervention militaire directe n'est pas à écarter. Il est indiscutable qu'avec Trump, l'ultradroite et les secteurs de la droite ont repris du souffle. Le 22ème Congrès appelle à prendre conscience de la menace que signifie Trump, à dénoncer et à mobiliser la réponse face aux nouveaux vents d'agressivité.

Toute notre solidarité va vers Cuba, contre le blocus infâme. Nous rejetons le démantèlement des avancées timides de la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Nous soutenons la révolution bolivarienne et le peuple du Venezuela, ils souffrent aujourd'hui une terrible offensive de la droite qui cherche à favoriser les conditions pour l'interventionnisme militaire direct des Etats-Unis, en reproduisant des modèles de déstabilisation et de production de crises déjà utilisés avec un relatif succès dans d'autres lieux de la planète. Au Venezuela, un gouvernement et un peuple défendent la révolution et ont appelé à une assemblée Constituante souveraine pour rechercher des solutions à la crise.

Le destin de Cuba et du Venezuela est le destin de Notre Amérique. Notre solidarité et notre soutien vont aussi aux processus de changement en Bolivie, Equateur, Nicaragua, El Salvador et Uruguay, et en général à toutes les luttes des peuples pour la démocratie et le bien vivre. Nous avons besoin de mieux comprendre le moment politique de Notre Amérique, au delà des difficultés évidentes et des tensions qui existent au sein même du camp populaire. Nous sommes en train de vivre un moment intense de dispute pour l'avenir de la Région. Nous devons contribuer à ce que soit consolidée la perspective d'une inflexion historique en faveur de la véritable démocratie et de la perspective socialiste. Notre meilleur apport en ce sens consistera à favoriser la réalisation de la perspective de la construction d'une paix stable et durable dans notre pays.

Il est impératif de faire échouer définitivement l'ultra-droite et le militarisme. Ceux qui prétendent faire reculer le pays dans le passé, bien qu'ils aient moins de possibilités, représentent un fait que l'on ne peut méconnaître. Atteindre cet objectif est possible si on arrive à déclencher et concrétiser le plus large processus d'unité et de convergence démocratique.

Ce processus de convergence unitaire exige un gouvernement démocratique qui consolide les progrès de la paix. C'est un gouvernement de transition vers la démocratie large et progressiste, qui émerge d'un mouvement de convergence engagé pour la cause de la consolidation de la paix, le respect des accords avec les insurgés et la prise en compte des besoins les plus ressentis dans les régions, les classes moyennes et l'ensemble du pays.

Il est fondamental d'avancer vers une nouvelle corrélation des forces en coordonnant les efforts pour affronter les menaces des ennemis de la paix et les inconséquences du gouvernement qui pose des obstacles pour ne pas respecter strictement la mise en oeuvre de l'Accord de La Havane. La nouvelle corrélation est également indispensable pour qu'avance résolument le dialogue de l'ELN (Armée de Libération Nationale) à Quito, avec ses approches sur le cessez-le-feu bilatéral, les mesures humanitaires et la participation citoyenne. L'Etat doit également donner des garanties et ouvrir le dialogue avec l'EPL (Armée Populaire de Libération).

L'unité du camp révolutionnaire est fondamentale et doit aller vers la création de mécanismes de coordination et d'unité d'action avec l'Union Patriotique, la Marche Patriotique, le Congrès des Peuples, les courants socialistes, les secteurs de gauche du Polo et des verts, et le nouveau parti des FARC-EP. Actuellement, les conditions pour former un Bloc Historique et Populaire se réunissent en tant qu'unité politique et sociale de transformations démocratiques et révolutionnaires. Dans ce contexte, nous soutenons les initiatives du mouvement de protestation sociale et la préparation d'une action de grève nationale.

Face au défi électoral de 2018, nous proposons de mener cette politique de manière cohérente, en regroupant et en renforçant nos forces dans un groupe parlementaire de gauche conséquent, avec l'objectif d'un programme basique et un processus d'accords pour une candidature présidentielle convergente en capacité de triompher dès le premier tour.

L'unité des communistes est une tâche centrale. Elle ne se décrète pas, c'est un processus qui doit se construire à tous les niveaux, à travers les contacts et les conversations entre les directions nationales, et aussi dans les régions et les territoires, à travers des actions communes dans le champ politique et social. Il y a des expériences de séminaires nationaux, les contacts des comités régionaux et locaux du parti avec les ex-combattants dans les zones de transition. C'est un travail patient qui doit dépasser les différends, les préjugés et les vieux ressentiments liés aux contradictions du passé. Il est nécessaire d'établir une feuille de route commune, fixer chaque pas de manière ferme pour gagner en confiance, avec la conviction que l'unité de toute la famille communiste trace l'objectif.

Le Parti Communiste Colombien est déjà un parti historique né des luttes ouvrières, paysannes et populaires, et lié à elles par la recherche d'un futur digne et de justice sociale. Il a constamment impacté la vie nationale, malgré la persécution violente, les interdictions, et le fait d'être systématiquement traité par l'establishment comme un ennemi interne, conformément à la théorie qui alimente le terrorisme d'Etat. L'idée centrale de la politique d'organisation que nous présentons à ce congrès est la rénovation du parti, de sa politique, de ses méthodes de travail avec les masses, de son style d'organisation, de son travail théorique et communicationnel, tout en impulsant la rénovation de sa composition de classe, ethnique, de genre et générationnelle.

Les nouveaux phénomènes de la mobilisation populaire, depuis la grève générale paysanne de 2013, les mingas indigènes et les grèves afro-descendantes, les mouvements civiques de Buenaventura et du Chocó, la grève des enseignants, les mobilisations des jeunes et des femmes en soutien à la paix, des écologistes, des LGTBI, les mouvements culturels de masse comme le Festival International de Poésie de Medellín et le Festival Populaire de Théâtre à Bogotá, montrent les dynamiques qui doivent alimenter les lignes d'orientation communicationnelles et de croissance du Parti, liées à un nouveau travail de fond en matière d'éducation politique et de formation de l'encadrement, intensif et large, dans les espaces unitaires en construction. L'approche du genre exige un effort collectif pour les droits des femmes et des diversités, avec l'objectif d'avancer vers la parité.

Nous saluons la libération des prisonnières et prisonniers politiques, et notamment parmi eux, les camarades David Ravelo Crespo et Huber Ballesteros. Nous nous unissons aux manifestations et nous exigeons la libération immédiate des prisonnières et prisonniers insurgé-e-s à travers la loi d'Amnistie. Nous exigeons le rapatriement et la liberté immédiate de Simón Trinidad.

Pour le 87ème anniversaire de notre Parti et les cent ans de la révolution d'octobre, fidèles à l'identité internationaliste et à l'héritage bolivarien, nous communistes, voulons être à la hauteur de l'engagement avec le peuple colombien et ses espoirs de paix, d'égalité et de joie !

Vive le 22ème Congrès du Parti Communiste !
Vive l'unité du peuple colombien !

Bogotá, 16 juillet 2017
Source : Pacocol


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