dimanche 8 octobre 2017

Colombie : Morts annoncés


Par Alfredo Molano
Source El Espectador

Ils avaient été annoncés les sept morts et les 20 blessés du 5 octobre dernier à Pueblo Negro, Alto Mira et Frontera, aux alentours de Tumaco. Et ils ont finalement été dénoncés par le Conseil Communautaire du Peuple Autonome de la région et l'Association des Conseils d'Action Communale des fleuves Nulpe et Mataje comme un résultat de l'affrontement violent entre les forces de l'ordre et les cultivateurs de coca. Depuis plusieurs mois, différentes organisations sociales ont attiré l'attention du Gouvernement, de la ONU et de l'opinion publique sur la violence que la force publique exerce contre les paysans, les noirs et les indigènes qui protestent contre le Gouvernement qui ne met pas en oeuvre les accords d'éradication volontaire évoqués dans le Point IV de l'Accord de La Habane. En septembre dernier, la Coordination Nationale des Cultivateurs de Coca, de Pavot et de Marijuana (Coccam) a dénoncé l'intensification des opérations violentes d'éradication forcée de l'Armée et de l'Esmad (Escadron Mobile Anti-Emeutes) à El Retorno (dans le Guaviare), Puerto Rico (Meta), San José del Fragua (Caquetá), Piamonte (Cauca) et Tibú (Nord du Santander). Le Défenseur du Peuple avait activé l'alerte rouge sur les menaces et les homicides perpétrés contre les leaders et les communautés engagées dans la mise en oeuvre des programmes d'éradication.

Le 21 septembre, des paysans du hameau de San Juan, à Corinto (dans le Cauca) protestaient contre l'inconséquence du Gouvernement quand ils ont été agressés par l'Armée Nationale. Résultat : Trois paysans blessés et la mort du garde paysan José Alberto Turijano. A San Isidro de Morales (Cauca), un fait semblable a eu lieu : quatre blessés, un mort. A Piamonte, Bota Caucana, Maydany Salcedo, la dirigeante du Coccam. a été attaquée. A Tibú, après avoir signé un accord entre les paysans et le Programme National de Substitution Intégrale des cultures d'usage illicite, les troupes de l'Armée ont débarqué pour éradiquer les plants de coca manu militari.

Il ne s'agit pas d'un accident, ni de deux ou trois "interventions malencontreuses". Il s'agit d'une politique de répression contre la protestation sociale sur le non-respect des accords d'éradication volontaire. L'histoire est simple : Le Gouvernement a signé le pacte mais n'a pas commencé les programmes de substitution des cultures. Les gens sortent sur la route, la force publique arrive, il y a un choc avec les paysans et au milieu de l'agitation et des cris "on tire et il y a des morts et des blessés". C'est ce qui était arrivé jeudi à Llorente (dans le Nariño) : Après des signalements, des dénonciations, des requêtes respectueuses, les troupes du gouvernement sont arrivées et elles ont maltraité le premier qui a crié, la protestation s'est généralisée, quelqu'un a tiré une pierre, les forces de l'ordre ont attaqué... Puis : "l'Armée et la Police se permettent d'informer que la dissidence des Farc a utilisé des bombes artisanales contre la force publique et a tiré sans discernement". Les paysans dénoncent le contraire : Ils ont été les victimes, il n'y a pas un seul militaire blessé, ni par balle, ni par éclat d'obus. Et ils demandent : Où sont les trous des bombes ? L'enquête prendra des années avant d'établir les responsabilités, et dans le meilleur des cas, un petit soldat et un caporal finiront par être jugés - et pas nécessairement condamnés.

Il saute aux yeux que la répression brutale augmente avec les peurs du Gouvernement colombien face à l'annulation d'accréditation annoncée par Trump et orchestrée par le Centre Démocratique et le Ministère Public. Il est évident que les paysans sortent aujourd'hui pour défendre l'Accord de La Havane en ce qui concerne les cultures illicites. Dans le futur, ils pourront également exiger le respect de tout le Point I sur les terres.

Ces morts sont les premiers coups pour réduire en miettes l'Accord de La Havane, comme le cherche le Centre Démocratique ; ou mettre au trou les Farc, comme le prétend Cambio Radical.

Source El Espectador
Trad° : CM



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