vendredi 30 septembre 2016

A l'aube cessera l'horrible nuit

Photo : Gustavo Nieto

De Jorge TORRES MEDINA
Paris, 12 septembre 2016 

   Tout a commencé quand les vents de l’Orient ont fait échouer trois caravelles sur des terres où les «NATURELS» adoraient le soleil et toutes ses déités cosmiques. L’imaginaire raconte que ces hommes vivaient en harmonie avec la terre mère. Des embarcations bizarres, ils ont vu descendre des êtres étranges qui paraissaient des géants à quatre pattes avec deux têtes, revêtus de métal et portant dans leurs mains des instruments qui brillaient à la venue du dieu Soleil.
Depuis lors, tout fut un cauchemar. 

Peu à peu, les étranges sont entrés sur la terre ferme, ils ont assujettis tous les habitants qu’ils rencontraient dans leurs explorations et ils ont exterminés les plus aguerris d’entre eux, comme le muisca TUNDAMA, en s’appropriant leurs trésors et leurs terres. Mais pour se sauver de la barbarie, certains ont fui par les montagnes escarpées ou les forêts impénétrables et ils sont aujourd’hui les témoins des cultures qui existaient : Ainsi, ils ne se sont pas laissés effacer par l’écoulement des siècles.

Les hommes qui venaient d’un royaume lointain, ces barbus à casques, armures et épées à la croix inquisitrice chargée sur leurs épaules, apportaient dans leur être l’avarice, le pouvoir de la haine et de la guerre, la vengeance, l’homicide, l’envie, le mensonge. Et dans leurs yeux, dans leur langue, dans leurs mains, l’ambition du Tout Puissant. Voilà pourquoi, quand ils endurcirent la mita et exterminèrent les « naturels » dans les mines, ils firent venir les esclaves d’Afrique pour continuer à s’enrichir en se répartissant avec le roi et sa cour les bénéfices de la « grande découverte ».

C’est ainsi qu’ils ont fondé et qu’ils fondèrent des villes et des royaumes en se promenant de conquêtes en colonies pour finalement y demeurer, car ils n’en sont jamais partis.

Pendant ce temps-là, la population du royaume dit « de GRANADA » et d’autres fiefs, augmenta : des blancs, des indiens, des noirs, des métis et des mulâtres sous le pouvoir de l’Espagne. Vinrent alors les premières rébellions, comme celle de JOSÉ ANTONIO GALÁN et son entourage, aux prises avec les vice-rois. Mais Aïe ! Aïe ! Aïe ! Quelle douleur ! Le mensonge, artifice de la parole et du papier, recommence et se répète comme au temps d’ATAHUALPA, trompé par PIZARRO, là-bas dans les terres incas. Et voilà les têtes pendues du châtiment, et la peur, et la terreur transpirant dans la région de Santander.

Les années défilent et passent à l’autre siècle, nous sommes le 20 juillet au XIXème : Voilà le premier cri d’indépendance et ensuite la grande guerre contre l’absurde et contre la terreur de la mère patrie. Et Bolívar, Santander, Sucre et tous les héros nationaux que notre histoire rassemble pour couper le cordon ombilical, instaurer l’indépendance et créer la REPUBLIQUE, notre REPUBLIQUE, les Etats-Unis de Colombie, puis LA GRANDE COLOMBIE, rêve de Bolívar, mais qui finalement sera LA REPUBLIQUE DE COLOMBIE.

Cet ETAT NATIONAL né au XIXème siècle, a engendré une élite de notables qui avait la maladie de ses ancêtres espagnols et qui hérita du pouvoir jusqu’à faire la Constitution de Rionegro de 1863 (fédéraliste), puis la constitution de 1886 (centraliste), pour continuer de famille en famille et arriver à la Patria Boba et, évidemment, à une autre confrontation politique entre partis : La Guerre des Mille jours. Et de nouveau l’odeur de la mort rodant dans les champs (cent mille morts), la désolation, la douleur, l’impuissance et en plus, la perte de Panama.

Les partis que nous avons hérités de Bolívar et de Santander ont courbé l’échine du XXème siècle et sont restés accrochés au pouvoir jusqu’à épuisement, non sans passer par de permanents conflits entre les grands chefs de la politique qui, posément, ont semé la « Patrie » de cimetières sur tous les lieux de grandes batailles pour consolider leur soif de dominer le combat. Avec des armées nationales ou régionales formées par des métis et des mulâtres sous les ordres des lignées blanches, nos champs et nos villes se sont nourris de sang et ont alimenté l’oubli.

Il y eut quelques occasions où nos fils de pauvreté se soulevèrent, mais toujours ils furent châtiés avec dureté et sans aucun remords. Il en fut ainsi pour le "Massacre des Bananeraies" en 1928, quasiment effacée de la mémoire historique de notre peuple, qui eut lieu pour protéger les compagnies américaines qui exploitaient les terres productives de la "Nation".

Dans cette confrontation entre Libéraux et Conservateurs, enfin, surgit un "CAUDILLO", Jorge Eliécer Gaitán, libéral qui n'appartenait pas aux élites du parti : Il voulait changer le cours de l'Histoire mais il fut éliminé du chemin. Alors survint le soulèvement, le "BOGOTAZO" et depuis, la violence permanente s'est étendue dans les campagnes, d'un côté acte de rébellion contre les institutions et de l'autre, officialité de la "PATRIE", s'imposant avec les armes et le mensonge, sur tout cri de rébellion.

"LA VIOLENCIA" : Continuité in crescendo de la guerre archaïque engendrée depuis le XIXè siècle. Guérillas libérales résistant à l'offensive conservatrice. Evidemment, le langage a été éclaboussé de mots qui identifiaient ceux qui pratiquaient LES SEVICES : "Chusma", "Bandoleros", "Chulavitas", "Pájaros", qui pour de l'argent protégeaient leurs potentats régionaux et rackettaient la population en pratiquant en même temps coupe-gorges et massacres, dans une décomposition éthique sans limites et sans scrupules.

Et comme toujours, "LE SIEGE DU POUVOIR" arrangea les événéments de l'HISTOIRE BRISEE. Pacification des guérillas de la plaine, grâces, amnisties, promesses de terres et finalement, boucs émissaires. Car vint le Général Rojas qui calma les esprits par l'art de la démagogie et fit que tous sortirent sur les places publiques pour signer la fin de l'extermination. Or peu à peu, tous les leaders guérilléros furent assassinés, avec entre autres, GUADALUPE SALCEDO. Et d'un autre côté, tous ceux de la racaille, les "chusmeros" et "bandoleros" eux-aussi trahis et exécutés par l'armée nationale: Sang Noir, Le Vengeur, etc, etc...

Et "Le Général, le Dictateur" succomba. L'art de réglementer les normes pour "Gouverner" ne se fit pas attendre : Les génies de la Patrie malade ont engendré LE FRONT NATIONAL. Les trois cinquièmes du XXème siècle, rouillés, tournaient au ralenti quand les puissants de l'univers instaurèrent la guerre froide et, qu'au dos des Caraïbes, Cuba se libéra du détestable Batista. C'était les années de la Première Révolution qui changea le rythme de l'histoire.

Pendant ce temps-là, Guillermo León Valencia, président de l'honorable république de Colombie, préparait la première grande offensive contre les dites "Républiques indépendantes" de Guayabero et El Pato, bastions des guérillas libérales qui ne s'étaient jamais soumises et qui devinrent des guérillas révolutionnaires sous l'influence des idées communistes. C'est là que le légendaire "Tirofijo" et d'autres, des gars courageux, fondèrent les FARC et firent une percée. L'Etat et ses Forces Armées, avec leurs nouvelles technologies de guerre et soutenus par les Etats-Unis d'Amérique, appliquaient la doctrine de l'ALLIANCE POUR LE PROGRES, avec l'objectif de freiner les insurrections en Amérique Latine et d'étouffer par le blocus la REVOLUTION CUBAINE. Avec le mot DEMOCRATIE, muté comme un OGM avec le mot démagogie, dont la culture continue aujourd'hui.

La révolution cubaine a engendré l'ELN. C'est là que Camilo Torres Restrepo a souligné l'impossibilité de la pratique de la DEMOCRATIE en disant "Les voies légales pour la participation politique sont épuisées" et qu'il a rejoint la guerre de guérillas. Plus tard, apparut l'EPL, influencé par le Maoïsme, qui à travers les campagnes et avec le même objectif, s'engagea dans la Guerre Populaire Prolongée.

De lucides Pères de la patrie se sont alternés dans l'acte de gouverner, on modernisa l'armée et la guerre contre l'insurrection continua avec plus d'acharnement. De la guerre archaïque, on passa à la guerre des nouvelles technologies, on appliqua l'informatique, la torture, la disparition forcée. Le délire de gagner la bataille finale devint une obsession, les prisons se remplirent de prévenus, le narcotrafic et le paramilitarisme se mêlèrent de la bataille avec la complicité de l'état, la corruption s'institutionnalisa. La pourriture se multiplia comme une légion de rats, on assassina des candidats de tous les courants : Pizarro du M19, Galán du Nouveau Libéralisme, Pardo Leal de l'Union Patriotique, entre autres. La transhumance de millions et millions de déplacés se déchaîna, on extermina les militants politiques d'opposition, on multiplia les massacres de paysans. Les villes se peuplèrent de misère et en voyant passer la catastrophe en silence, la société ferma les yeux.

Pourtant, pendant la dernière décennie du XXème siècle, de nouveaux événements eurent lieu : Le M19 et l'EPL rejoignirent la vie civile et politique, en croyant à la PAIX. Le narcotrafic s'infiltrait comme force économique dans la politique et commençait à broder les sentiers du pouvoir, l'Etat accepta un changement constitutionnel, condition de la négociation entre l'insurrection et la classe politique, et la constitution de 1991 surgit.

La fatalité vint nous surprendre un jour incertain, avec l'apparition du Paramilitarisme et le renforcement de l'extrême droite. Il y avait là les éleveurs, les potentats locaux, les industriels et peu à peu, pour répondre à leurs besoins économiques: Le narcotrafic. Car une légion de mercenaires privés a besoin de beaucoup d'argent pour carburer. Vint la para-politique, machine parfaitement bien huilée pour justifier tous les actes qui blessent la justice et la dignité humaine.

Le siècle s'évapora dans un souffle et à la naissance d'un nouveau millénaire, la complexité de notre autodestruction se transforma en une nuit horriblement interminable. La Colombie tomba malade de paranoïa, de détresse, de peur, d'impuissance, la vie perdit son essence et les sicaires pullulèrent comme le moustique Anophèle, la dévastation du territoire devint une pustule, et à la campagne, des fleuves et des fleuves de fluide vital se diluèrent dans les labyrinthes de l'amnésie. Le mot "Terrorisme" devint le cancer à combattre dans tous les coins de LA PATRIE, et nous, habitants qui respirions l'impuissance, nous fûmes assiégés par l'avarice de quelques uns qui continuent encore à se sentir puissants.

Nous n'avons pas pu être un peuple souverain où la multiculturalité, la richesse de nos races, la joie de notre musique, l'ingéniosité pour résoudre la difficulté, l'humanisme et l'acte de travailler, la solidarité et la générosité, et avec eux le "Mot" et "l'Acte", priment sur la haine et la vengeance. Nous avons été soumis par la peur et la mort qui grandirent comme la peste et s'enracinèrent de génération en génération dans nos êtres. Qui pourrait dire le contraire pour être couronné roi du mensonge ?

Quand les ennemis fatigués se sont assis et ont donné leur parole d'arrêter la guerre
Ils sont venus nous demander à tous si nous voulions la paix "Tous ont dit OUI"
Accompagné d'un roulement de tambours... OUI... OUI... OUI...
Qui pourra alors se laisser tromper
alors que nous pouvons aujourd'hui changer l'histoire
Alors que nous avons réussi à arrêter la bataille
qui a toujours été un cauchemar
Qu'est arrivée l'heure de nous écouter
Que pardonner est l'acte de l'eau pour la soif
Que demander pardon est sentir la douleur de l'autre
A l'Aube cessera l'horrible nuit
Pour que l'enfance batifole et rêve toujours
Pour que nous apprenions tous à parler au vent
Qui porte toujours cinq siècles sans oubli

Je vote OUI pour extirper la guerre et le massacre
Renaître..., Catharsis, Catharsis!


 
 
 
 

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