dimanche 14 février 2016

Marianne apeurée ou "la del ojo distraido"


J'ai voulu dessiner le David de Michel-Ange à partir d'une photo et j'en suis arrivée à intituler mon dessin "Marianne apeurée ou la del ojo distraido".
Pourquoi ? 

Il y a d'abord le manque de précision et de technicité de l'apprentie amateure que je suis et qui n'est évidemment pas en capacité de reproduire la finesse et la superbe de l'oeuvre en pierre. Mon objet ne peut pas être de copier ou de reproduire : Il ne m'est possible que d'apprendre à regarder, chercher à comprendre comment l'image se construit et essayer d'attraper son souffle, l'idée qui la porte.

Il y a ensuite ce qui se passe entre l'idée et la matière du trait : Les jeux subtils entre l'impulsion de l'idée, la texture du papier, la résistance du crayon, la mollesse constructive de la gomme et l'autonomie des doigts de la main. Entre l'idée et la matière, je ne sais pas qui des deux inspire l'autre.

Il y a aussi le regard des autres. J'ai montré mon dessin par skype à Bogotá : Manuel m'a dit "Oh, c'est la République effrayée" et Alejandro "Tiene el ojo distraido... para no decir bizco" (Elle a l'oeil distrait... pour ne pas dire qu'elle louche). 

Le dessin et l'idée réappropriée me parlent maintenant des préoccupations d'aujourd'hui : J'aime que Marianne, la République apeurée empêtrée dans l'Etat d'urgence et son identité nationale décomposée, puisse avoir vaincu et vaincre un jour le Goliath de la peur et du soupçon. J'aime qu'elle se garde le droit à un oeil distrait, impertinent, vaguement déviant pour regarder le monde environnant.


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