samedi 7 juillet 2018

L'assassinat des leaders sociaux en Colombie a-t-il un caractère systématique ?


Source : Contagio Radio

La recrudescence des assassinats de leaders sociaux dans le pays a déclenché toutes les alarmes face au manque d'actions du gouvernement pour garantir leurs vies. Alberto Yepes, membre de la Coordination Colombia, Europa, Estados Unidos, qui regroupe plus de 300 organisations de défense des droits humains, souligne combien il est important que soit accepté le caractère systématique des homicides car cela oblige à changer le mode d'instruction juridique des faits. Ce qui pourrait permettre de faire la lumière sur leurs responsables.

Pourquoi les assassinats des leaders ont-ils un caractère systématique ?

La première caractéristique qui peut déterminer le caractère systématique dans l'assassinat des leaders sociaux tient au profil même des victimes : Elles dénonçaient la violation des droits humains, elles étaient victimes dans la restitution des terres, elles soutenaient la substitution des cultures d'usage illicite, entre autres.

La deuxième caractéristique se trouve dans le modus operandi des assassinats, c'est à dire la façon dont ils ont été commis. Selon Yepes, ils sont généralement perpétrés par des hommes qui font partie de groupes de tueurs à gages et qui ont réalisé un plan préalable de suivi du leader pour déterminer la meilleure manière de réaliser leur contrat.

Pour Yepes, si le gouvernement reconnait le caractère systématique des assassinats de leaders, cela permettrait d'abord d'enquêter transversalement sur les cas et non séparément comme on le fait actuellement. Par ailleurs, on pourrait avancer de manière beaucoup plus forte sur les responsables intellectuels.

"Le caractère systématique signifie qu'il y a un plan derrière les assassinats, c'est à dire que des structures décident de mettre en place un plan d'extermination des leaders sociaux dans le pays" affirme Yepes. A ce propos, il assure que si on connait ceux qui ont donné l'ordre "d'appuyer sur la gachette", on pourra établir les relations entre les structures paramilitaires, principales responsables des assassinats de leaders, et les bandes criminelles ou de tueurs à gages.

Dans ce sens, il a lancé un appel au Parquet pour que soit analysé le lien qui pourrait exister entre l'augmentation des assassinats des leaders sociaux et l'élection de Ivan Duque comme président, et pour que l'unité de démantèlement du paramilitarisme fasse son devoir au sujet des crimes effectués par ce groupe armé.

L'Etat doit reconnaître le caractère systématique de l'assassinat des leaders sociaux

Suite aux affirmations du ministre de l'intérieur Guillermo Rivera qui a insisté sur le fait que les assassinats des leaders sociaux n'avaient pas un caractère systématique, Diana Sánchez, membre de l'organisation "Somos Defensores", a réaffirmé l'importance de la reconnaissance du caractère systématique des faits violents qui se présentent dans le pays et de la responsabilité des institutions gouvernementales par omission et manque d'investigation.

Pour Diana Sánchez, les assassinats sont bien systématiques. Leur première caractéristique tient au profil des victimes : des dirigeant.e.s sociaux, qui travaillent sur le terrain, dans des processus de mobilisation sur le territoire, qui ont dénoncé des violations des droits humains et qui ont une visibilité dans la sphère publique.

Le deuxième élément est lié à l'augmentation du nombre d'assassinats de leaders sociaux qui, selon Diana Sanchez, ne cesse de croître. Et le troisième facteur concerne la typification qui a pu être établie sur la manière dont sont assassinées les personnes : Elles sont généralement assassinées par des sicaires (tueurs à gages), avec des armes à feu, dans des lieux qu'elles sont habituées à fréquenter comme leurs logements ou leurs lieux de travail.

A ce propos, elle rappelle que pour le génocide de l'Union Patriotique, on avait aussi demandé à l'Etat de reconnaître le caractère systématique des assassinats contre les membres de ce parti politique pour activer des mesures de protection. Et qu'il ne l'avait pas fait. C'est seulement plusieurs années après les faits que la reconnaissance de la modélisation des assassinats qui provoquèrent l'extermination a été obtenue.

Le manque d'actions de la part des institutions

Si Diana Sánchez reconnait qu'il y a une avancée dans les enquêtes du Parquet dans 170 cas, ce n'est que trop peu par rapport au nombre des assassinats de leaders sociaux qui, selon Somos Defensores, s'élève à un total de 580 cas d'homicides sur les deux périodes présidentielles de Santos.

Elle explique que, même si on a trouvé les auteurs matériels dans 50% des 170 enquêtes menées par le parquet, on ne connait pas les auteurs intellectuels ou les intérêts politiques ou économiques qui sont derrière l'assassinat des leaders.

Elle explique également que la promulgation des décrets qui cherchent à protéger les leaders à travers différentes stratégies comme les changements dans l'Unité Nationale de Protection, ou la mise en forme de mesures collectives, ne sont que des gesticulations s'il n'y a pas d'articulation avec la réalité des leaders, femmes et hommes qui vivent dans des zones où l'Etat est absent.

Finalement, sur le décret 660 de 2018 présenté par le Ministre de l'Intérieur, Diana Sánchez affirme : Cette disposition tend à la protection des leaders et inclut des recommandations faites par les organisations de défense des droits humains, mais elle peut être modifiée par d'autres décrets et elle n'entrera en vigueur qui si le prochain gouvernement le décide.





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