jeudi 8 août 2024
Demain est annulé
dimanche 4 août 2024
Transmettre la force émancipatrice

Parce que j'ai besoin de cultiver le jardin du nouveau front populaire, je suis allée à la bibliothèque prendre des livres sur 1936 en France.
J'ai été frappée par la force émancipatrice des images.
Multitudes de poings levés,
casquettes et femmes à chapeau,
bicyclettes et tandems,
blouses et bleus de travail,
le bord de l'eau,
le bord de mer,
les tentes de fortune,
les usines occupées,
la joie multipliée,
des enfants partout,
le grand Blum à lunettes rondes et ses ministres femmes,
le premier billet populaire de congé annuel,
les trains et les plages pris d'assaut,
les bals musettes improvisés dans les cours.
Et encore le bord de mer,
et encore le bord de l'eau
Voir l'album ici
Bien sur, avant, il y a les images des émeutes de février 34. Et après, il y a la dislocation de 37, le triste manque de solidarité avec la République espagnole et la maudite "pause" dans les réformes.
Il n'empêche que, dans nos mémoires longues, la gloire lumineuse de 1936 brille avec une telle intensité qu'elle réveille nos tendresses et nos désirs de justice... La victoire de l'unité des gauches, la force des grèves qui poussent à changer la vie, la revanche du travail sur le capital et le temps retrouvé nous attendent !
Aujourd'hui, nous sommes le 4 août, trêve olympique ou pas, nous sommes un certain nombre à saluer ce jour. Le souffle de l'abolition des privilèges mérite toutes les médailles du monde !
lundi 25 décembre 2023
Le chant des partisans / El canto de los partesanos
Résistencias
Spéciale dédicace à Patricia Ariza ¡Feliz Navidad!
Version d'origine, chantée par Anna Marly aqui
Con subtitulos en español aqui
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
(Amigo, ¿escuchas el vuelo negro de los cuervos sobre nuestras llanuras?)
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
(Amigo, ¿escuchas estos gritos sordos de un país que encadenan?)
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
(¡Eh! partisanos, obreros y campesinos, es la alarma)
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.
(Esta noche el enemigo conocerá el precio de la sangre y de las lágrimas.)
Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
(Suban de la mina, desciendan las colinas, camaradas,)
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
(Saquen del pajar los fusiles, la metralla, las granadas,)
Ohé les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tuez vite.
(¡Eh! los que maten, a vuestras armas y a vuestros cuchillos, maten rápido.)
Ohé saboteur, attention à ton fardeau dynamite...
(¡Eh! saboteador, cuidado con tu carga de dinamita...)
C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
(Somos nosotros quienes rompemos los barrotes de las prisiones para nuestros hermanos)
La haine à nos trousses et le faim qui nous pousse, la misère.
(El odio nos persigue y el hambre nos impulsa, la miseria.)
Il y a des pays où les gens aux creux des lits font des rêves.
(Existen países donde las personas en lo hondo de sus camas sueñan)
Ici, nous vois-tu, nous on marche et nous on tue... nous on crève...
(Aquí, tú nos ves, nosotros marchamos y matamos... reventamos...)
Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe.
(Aquí cada uno sabe lo que quiere, lo que hace, cuando pasa.)
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.
(Amigo, si tú caes, un amigo sale de la sombra en tu lugar.)
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
(Mañana la sangre negra se secará con el gran sol sobre las rutas)
Chantez compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute...
(Canten, compañeros, en la noche la libertad nos escucha...)
samedi 19 septembre 2020
Art ou vandalisme ? Quand tombe la statue de Sebastian Belalcázar...

"La vidéo des indigènes Misak peut être regardée comme une "performance". C'est un signe de protestation et la chute d'une image de l'abus et de la soumission. Cette discussion dure depuis des années. A Barcelone, ils ont pensé enlever la statue de Christophe Colomb; au Pérou, celle de Pizarro. La statue de Belalcázar est sur un site sacré et ils ne devraient pas la remettre encore une fois dans le même lieu : c'est un défi pour les indiens et ils n'auront de cesse de la faire chuter. Elle devrait aller dans un musée fermé, historique, à Popayán" explique Beatriz González.
"C'est une action symbolique très importante en Amérique Latine. Mais vraiment très importante. Parce que c'est le premier symbole d'un malaise qui a cinq siècles ou plus. Une action très courageuse qui peut être le début d'une étape de dignification pas seulement pour les cultures arborigènes andines, mais pour toutes celles d'Amérique. De plus, qu'ils aient auparavant fait un jugement, me parait très intelligent. Qu'ils l'aient traité de génocidaire, esclavagiste et voleur de terres, n'est que justice".
Pour l'artiste Nohemi Pérez, ce qu'ont fait les indigènes est loin d'être du vandalisme. Elle le voit comme une performance réalisée par la communauté qui cherche à réécrire son histoire. "Et ce qui est intéressant, c'est qu'ils l'ont fait eux-mêmes, pas les artistes" affirme-t-elle. "L'histoire nous a toujours vendu que les conquistadors étaient venus nous "civiliser", mais en fait ils ont exterminé des cultures. La statue représente cette histoire, ce héros qui est arrivé pour nous apporter une nouvelle langue, qui nous a conquis". Pérez ne considère pas que l'on doive maintenant tout déboulonner, mais elle définit l'action des Mizak comme un acte de droit : Les indigènes réclament la position qui leur correspond dans la société.
lundi 16 mars 2020
Espagne. Pour un Plan de choc social face à la pandémie
Source : Publico.es
En Espagne, syndicats et militants exigent du Gouvernement un plan de choc social face au Coronavirus. La campagne #PlanDeChocSocial alerte sur les conséquences pour l'économie si les "mesures austéricides" d'il y a 10 ans se reproduisent. Elle souligne qu'il va falloir "décider qui paiera la crise économique brutale qui arrive".
En lien avec les mouvements sociaux, une campagne dans les réseaux sociaux a été lancée pour exiger du Gouvernement un plan de choc qui concerne le logement, les revenus et la santé, pour faire face à la pandémie de coronavirus. "Ce mardi, le Gouvernement espagnol prendra des décisions qui affecteront profondément nos vies" expliquent les collectifs qui promeuvent l'initiative. "Ce qui est en jeu, c'est de voir si on prend les mêmes mesures austéricides qu'il y a dix ans ou si, cette fois, on sauve les gens. C'est à dire, qu'on décide qui paiera la crise économique brutale qui arrive".
vendredi 18 octobre 2019
Le bonheur, c'est de garantir du temps pour cultiver ses amours
Source : Nuestras Voces
Eh oui, les enfants, l'unique miracle qu'il y a sur cette terre pour chacun d'entre vous, c'est d'être né, c'est quelque chose de si quotidien pour chacun qu'on ne s'en rend pas compte. Il y avait quarante millions de probabilités que ça tombe sur quelqu'un d'autre et c'est tombé sur toi. Mais la vie s'en va plus vite que ce qu'il n'y parait. Et cette particularité n'est pas simplement humaine, c'est commun au monde vivant. Le monde vivant a quelque chose de différent du monde inerte, il a des sentiments et des émotions. Parce qu'une tortue qui pond des oeufs a des émotions, comme la poule qui prend soin de ses poussins. Et l'herbe qui se reproduit, avant de mourir, se fait graine pour se semer. C'est sa manière de sentir. La différence humaine, c'est que nous sommes conscients. En plus de vivre, nous pouvons nous refléter dans une conscience. Et puisque naître t'est tombé dessus, la question est : Que fais-tu de ta vie ? Ta vie sera-t-elle celle d'un sujet débiteur de comptes, qui confond être et avoir et à qui le marché finit par organiser le coeur, les relations humaines et tout le reste ? Ou bien, ta vie, tu seras capable de lui donner un contenu et d'être en partie auteur de sa trajectoire ?
La vie militante, ce n'est pas une récompense, c'est une aventure. C'est avoir une raison de vivre et pas seulement vivre parce qu'on est né. Etre militant, c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Ce qui est passionnant et très important, le fond de la question, c'est de poursuivre cette aventure tout au long de la vie.
Nous sommes plongés, nous vivons dans un système qui engendre une culture qui a besoin de faire de nous des acheteurs compulsifs. Parce que sinon, tout se bloque. Alors nous avons tendance à confondre le bonheur avec le fait d'avoir des objets neufs, et quelquefois, nous abandonnons les choses les plus sacrées, ce peu de choses qui sont toujours les mêmes et qui nous entourent. Ou bien tu apprends à être heureux avec les choses élémentaires de la vie, ou tu ne seras jamais heureux.
Qu'est ce que ça a à voir avec tout ça ? Je sais bien que mon discours est un peu celui d'un vieux rat. Mais enfin, les gamins, le défi que vous allez affronter est précisément la spirale de la culture engendrée par notre temps. Et il faut bien comprendre que ce qui peut s'appeler bonheur, c'est de se garantir du temps pour cultiver les amours, cette différence de la vie et des sentiments. Travailler, bien sur il faut travailler, parce que si tu ne travailles pas, tu vis au crochet de quelqu'un qui le fait. On ne doit pas être un parasite. Mais la vie, ce n'est pas seulement travailler : il faut se garantir du temps pour les relations humaines, les enfants, l'amour, pour celles et ceux qui viendront, parce que la vie s'en va. Ne vous laissez pas voler la liberté, parce que tu es libre seulement quand tu passes le temps de ta vie à ces choses qui te motivent sans emmerder l'autre. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité.
Les enfants, je ne sais pas la voie que va prendre l'Argentine, je sais qu'elle va sortir de son angoisse, elle en est sortie mille fois. C'est un pays richissime et c'est peut-être là qu'est son malheur, dans son excès de richesses. Vous êtes responsables de ce qui va venir, consacrez votre existence à la cause humaine, n'oubliez pas celles et ceux qui ne peuvent pas venir à l'université, celles et ceux qui sont toujours courbés dans la solitude des champs et des montagnes, dans les galeries des mines. Etre universitaire n'est pas un privilège, c'est une exigence, celle de servir son peuple et de ne pas l'opprimer. Voilà. Bonne chance et à bientôt.
mercredi 27 décembre 2017
Evo Morales Ayma : Le temps s'achève pour nous
Source : http://www.cancilleria.gob.bo/webmre/node/2361
Frères et soeurs de la presse,
La privatisation est synonyme de capitalisme. On ne peut pas résoudre, avec plus de capitalisme, la crise provoquée par le capitalisme. Prétendre que ce système résolve la crise du changement climatique, c'est comme prétendre donner la responsabilité au renard de veiller sur le poulailler.
Certaines données nous montrent que, uniquement pour atténuer les effets du changement climatique, on doit investir environ 3% du PIB mondial, ce sont des données des Nations Unies. Le financement pour l'adaptation, l'atténuation, la technologie, les forêts, devrait être de 6% du produit national brut des pays développés.
Lamentablement, on dépense plus pour la guerre que pour combattre le changement climatique et ses conséquences. Un exemple clair de tout cela est ce qui arrive avec le principal pollueur de l'histoire de la planète : Les Etats-Unis. Il abandonne l'accord de Paris, méprise la communauté internationale et sa priorité, c'est la guerre, les interventions. Sa dépense militaire pour 2018 arrivera presque à 700 000 millions de dollars.
En tournant le dos à l'accord de Paris et en utilisant tant de ressources pour la guerre, les Etats-Unis ne sont pas seulement en train de construire des murs physiques entre frères, ils construisent le pire des murs dans le monde entier : le mur entre la vie et la mort, le mur qui peut priver nos générations futures de leur droit à la vie. Les Etats-Unis sont la principale menace contre la famille humaine et contre la Mère Terre.
Frères et Soeurs,
C'est pour toutes ces raisons et beaucoup d'autres que nous suggérons les tâches urgentes suivantes, ce sont nos 10 propositions pour cette conférence :
- Reconnaître et respecter les droits de la Mère Terre, son droit à exister et à être respectée intégralement, à maintenir ses cycles vitaux et ses processus évolutifs, à la génération, à la restauration et à la protection de ses structures génétiques.
- La création du Tribunal de Justice Climatique, contraignant, pour qu'il juge et sanctionne les responsables du dommage climatique.
- Reconnaître et solder la dette climatique historique des pays industrialisés envers la planète à cause de la sur-exploitation des ressources naturelles.
- Reconnaître les services basiques comme des droits humains : l'eau et l'énergie ne doivent pas être un commerce privé, mais un service public.
- Les ressources de la guerre doivent être re-dirigées et utilisées pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, elles doivent servir à faire face aux graves conséquences des catastrophes climatiques.
- Construire un nouvel ordre économique financier mondial, où les relations soient basées sur la complémentarité et la solidarité, et non sur le profit, l'individualisme et l'exploitation.
- La reconnaissance des droits des peuples du monde à accéder à égalité de conditions aux avancées de la science et de la technologie.
- Nous devons récupérer les savoirs ancestraux des Peuples indigènes pour vivre en harmonie avec la nature.
- Nous devons construire une nouveau paradigme de production, de consommation, de développement et de lien avec la Mère Terre : C'est le "Bien Vivre".
- Au niveau politique international, notre devoir est de défendre le multilatéralisme, l'égalité, la souveraineté des Peuples, et notre droit à la Paix, la Paix avec justice sociale, avec la dignité et la souveraineté des peuples.
vendredi 23 juin 2017
"Cent ans de solitude", un manuel d'histoire de Colombie
Par Antonio Caballero
On fête les 50 ans des "Cent ans..." et le grand roman est toujours intact comme s'il avait été enterré vivant. Il continue à être le manuel d'histoire de la patrie qui n'existait pas dans mon enfance, quand sévissait le manuel d'histoire chauviniste des frères siamois Henao et Arrubla depuis de nombreuses décennies. Tant est si bien que c'est en lisant les "Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Márquez, que de nombreux colombiens ont découvert avec étonnement que ce pays avait toujours été ensanglanté par les guerres civiles, ravagé par les horreurs commises réciproquement entre libéraux et conservateurs, dévasté par les trahisons des uns et des autres, paralysé par les imbroglios d'avocats vêtus de noir.
Et aveuglé par les mensonges.
En somme, ou pour résumer : Ils ont découvert l'histoire vraie.
Il y a aussi perversion quand on inverse le sens de la fameuse phrase finale et désolée de l'épopée tragique, le "il n'y a pas de deuxième opportunité sur la Terre", en consigne dynamique consolatrice, en pensée positive digne d'un livre de développement personnel : Ah ! Maintenant, oui, la Colombie va avoir une deuxième opportunité ! On la transforme, on la transmute en phrase aussi vide et aussi faussement joyeuse que celle de l'hymne national composé par le politicard Rafael Núñez, président perpétuel de la Colombie : "Dans les sillons de la douleur, le bien germine déjà" (En surcos de dolores el bien germina ya). La lecture optimiste de la phrase désolée est aussi fausse que celle de l'hymne. Il n'y a toujours pas de deuxième opportunité. Le bien ne germine pas encore et les douleurs continuent à être semées dans les sillons.
dimanche 11 décembre 2016
A cheval avec Fidel
Ils disent que sur la place, ces jours-ci
On a vu chevaucher Camilo et Martí
Et devant cet équipage,
lent et sans cavalier,
il y avait un cheval pour toi.
Reviennent les blessures incurables
des hommes et des femmes
qui ne te laisseront pas partir.
Aujourd'hui, nous avons le coeur qui bat, là-bas,
et ton peuple, même s'il a mal,
ne veut pas te dire adieu.
Hombre, nous sommes reconnaissants et t'accompagnons
nous avons tant rêvé de tes exploits
la mort elle-même ne peut croire qu'elle s'est emparée de toi.
Hombre, nous avons appris à te savoir éternel
comme Olofi et Jésus-Christ
Il n'y a pas un autel sans une lumière pour toi.
Aujourd'hui, je ne veux pas t'appeler "Commandant",
"Barbudo" ou "Géant", tous ces noms que je sais de toi.
Aujourd'hui je veux t'appeler "Père"
Ne lâche pas ma main
Je ne sais pas bien marcher sans toi
Hombre, nous sommes reconnaissants et t'accompagnons
nous avons tant désiré tes exploits
la mort elle-même ne peut croire qu'elle s'est emparée de toi.
Hombre, nous avons appris à te savoir éternel
comme Olofi et Jésus-Christ
Il n'y a pas un autel sans une lumière pour toi.
(bis)
Ils disent que sur la place ce matin
il n'y a plus d'espace pour les chevaux venus d'autres confins
et qu'une foule désespérée de héros aux dos ailés s'y est rassemblée.
Et devant cet équipage,
lent et sans cavalier,
il y a un cheval pour toi.
mercredi 7 décembre 2016
L'histoire du tissu qui a enveloppé le Palais de Justice
Source : El Espectador
En comptant leurs pas et à l'œil nu, deux femmes de l'atelier de Couture "Kilomètres de Vie et de Mémoire" de Bogotá ont mesuré la taille de la zone qui entoure le Palais de Justice puis se sont embarquées dans le rêve "un peu fou" de l'entourer avec des grandes toiles tissées ou brodées. "Il n'y a jamais assez de tissus" ont dit les couturières qui voulaient construire la paix à travers un acte symbolique où la mémoire pourrait entourer la justice. Car selon elles, la justice continue à manquer dans les centaines de maisons de femmes colombiennes qui, à travers leurs broderies, font mémoire des souvenirs tragiques de la guerre et traduisent leurs espérances et leur soif de paix.
Au cours de cette initiative, à laquelle ont participé d'autres collectifs de victimes et où des présentations théâtrales et musicales ont eu lieu, s'est exprimée la nécessité que justice soit faite. A deux heures de l'après-midi, l'assemblage de tous les tissus a commencé, après que les victimes du conflit et les brodeuses aient discuté avec les personnes présentes. Sonia Cifuentes, de l'Association Minga et de l'Atelier Couture Kilomètres de Vie et de Mémoire, souligne que l'objectif était de montrer "les histoires de douleur, les résistances et les rêves que nous avons. Reconnaitre que, tout en étant des victimes, nous construisons des récits depuis l'espérance, la joie et la diversité. C'est un processus de guérison des autres violences qui ont été vécues dans le pays".
Les brodeuses de Mampuján, à María la Baja (Bolívar), dont les familles, la communauté et le territoire ont été dévastés par le conflit, sont une des grandes références dans le pays en matière de réconciliation et de pardon. Avec leurs broderies qui se caractérisent par de multiples couleurs et des dessins de fleuves et de montagnes, elles font mémoire des années où les balles des paramilitaires de Diego Vecino, les menaces, les disparitions et les tortures ont détruit leur environnement. Mais tout n'est pas que tragédie, leurs travaux reflètent aussi les désirs de paix et l'espoir de reconstruire ces liens qui auparavant les tissaient ensemble en société.
"L'idée, c'est que avec toutes ces expériences face au conflit, les espérances de paix que nous avons puissent protéger, recouvrir le Palais de Justice. En plus, c'est une façon de montrer comment nous avons pu nous réconcilier, pardonner et aimer. C'est difficile de parler de paix à partir d'un cœur plein de haine. Nous devons nous réconcilier avec nous-mêmes et avec la nature, parce que nous lui avons fait beaucoup de mal" souligne Juana Alicia Ruiz, leader de l'organisation "Femmes qui tissent des rêves et des saveurs de paix".
A la Fondation Tierra Patria, une organisation de femmes afro-colombiennes victimes du conflit sur la Côte Caraïbe qui fait de la pédagogie pour la paix et les droits humains depuis plus de 15 ans, elle brodent leurs récits depuis 2014. Elles ont commencé avec un petit atelier à Cartagena et aujourd'hui, elles sont 200 femmes à broder. "Nous nous sommes rendues compte qu'il était nécessaire de trouver des espaces pour dialoguer et faire des accompagnements sociaux de manière collective. La couture a été la meilleure manière parce que c'est quelque chose du quotidien. Nous avons toutes appris à coudre l'ourlet d'un uniforme. C'est un espace pour dialoguer et soigner, où nous faisons aussi des ateliers de design, graphisme, peinture, gravure et autres techniques".
"Les femmes ne comprenaient pas le concept de mémoire historique, et chercher à représenter leurs sentiments était difficile. Nous leur avons dit qu'il ne s'agissait pas seulement de broder les faits traumatiques vécus par la communauté, mais aussi d'arriver à penser un futur différent, comme par exemple, qu'un déplacement leur avait permis de créer de nouveaux projets de vie. Broder est un processus qui n'en finit jamais, car une année après, elles modifient tout ce qu'elles avaient fait avant. Dans les ateliers de Montes de María et de Carmen de María, elles n'ont pas voulu recommencer à raconter leurs tragédies. Ce n'était pas une manière de fuir leurs sentiments de tristesse, c'est seulement qu'elles ont voulu se penser au futur et fermer les cycles de guérison" explique Ofelia Castillo.
A Sonsón, une de ces nombreuses communes de l'Est du département d'Antioquia qui était dans la zone d'influence *(des paramilitaires ACCU et) du Bloc José María de Córdoba de las Farc, les ateliers se sont mis en place lentement. Luz Dary Osorio, membre de l'Atelier des Couturières de la Mémoire de Sonsón, explique qu'elles n'aimaient pas coudre au début mais qu'en voyant la puissance de guérison et de reconstruction du tissu social de ces réunions, elles ont compris que c'était un espace pour se redéfinir en tant que personnes.
"Nous avons compris que la propre douleur pouvait être moindre que celle du voisin, que nous ne connaissions pas et dont nous ne savions pas qu'il était aussi victime du conflit. Avec l'atelier, nous avons vu que, entre nous toutes, nous étions capables d'affronter ce qui nous est arrivé, de guérir, de vivre sans nous enfermer et d'arrêter que l'on continue à nous écraser. Aujourd'hui, on n'aime pas être traitée de victimes, parce que ce n'est plus ce que nous ressentons. Ils nous ont amené des psychologues, et moi je n'aimais pas ça. C'est pour ça que les ateliers de couture, ont été pour moi la meilleure des thérapies, parce qu'avec la couture, je façonne ce que je ressens et je n'ai pas à le raconter : Je le brode" explique Luz Dary Osorio.
A six heures du soir, le grand ruban de toile a commencé à être replié. L'objectif était atteint : Reconstruire la mémoire et le tissu social à partir de la vision des différentes victimes du conflit en Colombie. Il manquait bien des points, des fils et des motifs pour rappeler des milliers de colombiens. Mais l'espoir que ces toiles soient des symboles contre l'impunité et l'injustice était apparu clairement. Les couturières sont l'exemple fidèle du pays qui n'oublie pas.
*(note de la traductrice CM)
jeudi 7 janvier 2016
Le radeau de la Méduse
Un très bon reportage
La Véritable histoire de la Méduse
Si dans l'article, vous trouvez des erreurs de syntaxe ou des fautes d'orthographe, merci de les signaler en commentaire !
mardi 5 janvier 2016
La visite au Louvre
Dimanche dernier, je suis allée au Musée du Louvre. Je l'ai fait parce qu'il pleuvait et parce que l'entrée est gratuite les premiers dimanche du mois. Je me suis souvenue de ma première visite, en famille...
La qualité reliante (ou religieuse) des images étant bien démontrée et n'ayant aucun doute sur son pouvoir de création/récréation sociale, se considérant une digne représentation citoyenne en capacité de comprendre et de sentir le monde, et absolument certaine de la légitimité de son regard universaliste, notre famille entreprit son pélerinage au Louvre.
Dehors, le soleil d'août tapait fort, les arbres du jardin des Tuileries cherchaient à se rafraichir avec le murmure de leurs feuilles et le bassin de la cour carrée regardait le ciel silencieux. Les vapeurs de la coulée d'acier liquide de la Seine submergeaient ses rives dans une torpeur collante. Le contraste avec la pénombre estivale du musée s'avéra accueillante.
Nous sommes passés très rapidement dans les départements des antiquités grecques, étrusques et romaines. Nous nous sommes attardés un peu dans le département des sculptures. Et nous avons ignoré les couloirs du département des antiquités orientales et des antiquités égyptiennes. La priorité était à la peinture, et plus concrètement, UNE peinture : Qui vient pour la première fois au Louvre veut voir la Joconde. C'est un rite, un salut cérémoniel, un passage initiatique pour accéder au monde de "ceux qui croient parce qu'ils ont vu". Avec mon frère, nous voulions la voir parce qu'on nous avait parlé de Léonard de Vinci et de sa Mona Lisa à l'école.
Nous l'avons vue.
Nous avons vu ses yeux voyageurs qui fixent celui qui la regarde, où que soit le voyeur.
Nous avons vu son sourire mi-narquois mi-satisfait.
Nous avons vu le paysage bleu et vert, transparent, déphasé entre le côté gauche et droit du portrait.
Nous avons vu ses mains reposées l'une sur l'autre, tranquilles, sereines, simples.
Nous avons vu sa présence énigmatique protégée par une vitrine de verre.
Et nous n'avons pas compris.
Nous n'avons pas compris pourquoi tout le monde la regardait elle, se prenait en photo face à elle, se bousculait, se marchait sur les pieds pour l'atteindre : elle, petit portrait de femme de 77 x 53 cm... Alors que sur le mur d'à côté, se trouve la peinture colossale des Noces de Cana, avec ses 994 cm de large et 677 cm de hauteur, avec ses 132 personnages parmi lesquels se trouvent Jésus, Marie, la troupe apostolique, Véronèse lui-même qui peignit le tableau, avec d'autres amis peintres, Le Titien et Le Tintoret, et aussi François 1er, Marie d'Angleterre et Soliman le Magnifique : soixante sept mètres carrés de couleurs vives et l'eau changée en vin.
Ce que nous avons découvert et compris, c'est la qualité de "mouton" diffusée par l'industrie culturelle... Quand nous sortîmes du musée mon frère et moi, nous avions l'épine de l'altérité bien piquée dans la conscience.