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vendredi 18 octobre 2019

Le bonheur, c'est de garantir du temps pour cultiver ses amours


José "Pepe" Mujica a participé la semaine dernière à une rencontre organisée par le centre des étudiants du Collège National de Buenos Aires. "Etre militant c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité" a-t-il affirmé face à des centaines de jeunes. Voici la traduction du discours complet de l'ex-président uruguayen

Source : Nuestras Voces

Ici, la majorité d'entre vous pourraient être mes petits-enfants, mais à votre âge, c'est naturel que les être humains fassent germer des utopies, qu'ils aient des rêves de monde meilleur. Le défi que vous allez devoir affronter tout au long de votre vie, c'est d'arriver à maintenir le feu sacré alors que la peau se ride, que les jambes ralentissent, que la vie se remplit de responsabilités et de défis, quand il faut payer les factures en fin de mois, quand tu fais des œdèmes en travaillant pour une multinationale et que tu regardes comment s'effilochent tes rêves au long de ta vie. Parce que l'histoire humaine est un cimetière d'utopies, mais que grâce à ça, nous avançons. Parce que nous avons toujours une bien plus grande capacité de rêver que de capacité à concrétiser. Mais comment vivre sans rêves ? Comment ce serait que d'être une brique, une pierre et de ne pas avoir de sentiments, d'émotions et d'engagements ?

Eh oui, les enfants, l'unique miracle qu'il y a sur cette terre pour chacun d'entre vous, c'est d'être né, c'est quelque chose de si quotidien pour chacun qu'on ne s'en rend pas compte. Il y avait quarante millions de probabilités que ça tombe sur quelqu'un d'autre et c'est tombé sur toi. Mais la vie s'en va plus vite que ce qu'il n'y parait. Et cette particularité n'est pas simplement humaine, c'est commun au monde vivant. Le monde vivant a quelque chose de différent du monde inerte, il a des sentiments et des émotions. Parce qu'une tortue qui pond des oeufs a des émotions, comme la poule qui prend soin de ses poussins. Et l'herbe qui se reproduit, avant de mourir, se fait graine pour se semer. C'est sa manière de sentir. La différence humaine, c'est que nous sommes conscients. En plus de vivre, nous pouvons nous refléter dans une conscience. Et puisque naître t'est tombé dessus, la question est : Que fais-tu de ta vie ? Ta vie sera-t-elle celle d'un sujet débiteur de comptes, qui confond être et avoir et à qui le marché finit par organiser le coeur, les relations humaines et tout le reste ? Ou bien, ta vie, tu seras capable de lui donner un contenu et d'être en partie auteur de sa trajectoire ?

Nous sommes ici par la solidarité des générations qui ont fait possible une accumulation de connaissances, transmises de génération en génération. D'autres viendront et vous, vous allez avoir d'autres défis, des grands défis. Nous sommes en train d'organiser dans ce monde une gigantesque marmite pour frire les choses vivantes et vous, vous allez devoir vous battre contre cet égoïsme qui nous menace d'un holocauste écologique. Vous êtes d'abord argentins, mais vous êtes aussi latino-américains, et frères de tous les peuples pauvres qui sont en Amérique. Vous avez la vie devant vous, ne trahissez pas cette belle étape de votre vie. Appliquez ou transformez consciemment les moments, et prolongez ce bel âge qui vous est donné de vivre. Et ça, ça ne dépendra que d'une chose qui s'appelle la volonté.

La vie militante, ce n'est pas une récompense, c'est une aventure. C'est avoir une raison de vivre et pas seulement vivre parce qu'on est né. Etre militant, c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Ce qui est passionnant et très important, le fond de la question, c'est de poursuivre cette aventure tout au long de la vie.

Nous sommes plongés, nous vivons dans un système qui engendre une culture qui a besoin de faire de nous des acheteurs compulsifs. Parce que sinon, tout se bloque. Alors nous avons tendance à confondre le bonheur avec le fait d'avoir des objets neufs, et quelquefois, nous abandonnons les choses les plus sacrées, ce peu de choses qui sont toujours les mêmes et qui nous entourent. Ou bien tu apprends à être heureux avec les choses élémentaires de la vie, ou tu ne seras jamais heureux.

Qu'est ce que ça a à voir avec tout ça ? Je sais bien que mon discours est un peu celui d'un vieux rat. Mais enfin, les gamins, le défi que vous allez affronter est précisément la spirale de la culture engendrée par notre temps. Et il faut bien comprendre que ce qui peut s'appeler bonheur, c'est de se garantir du temps pour cultiver les amours, cette différence de la vie et des sentiments. Travailler, bien sur il faut travailler, parce que si tu ne travailles pas, tu vis au crochet de quelqu'un qui le fait. On ne doit pas être un parasite. Mais la vie, ce n'est pas seulement travailler : il faut se garantir du temps pour les relations humaines, les enfants, l'amour, pour celles et ceux qui viendront, parce que la vie s'en va. Ne vous laissez pas voler la liberté, parce que tu es libre seulement quand tu passes le temps de ta vie à ces choses qui te motivent sans emmerder l'autre. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité.

Les enfants, je ne sais pas la voie que va prendre l'Argentine, je sais qu'elle va sortir de son angoisse, elle en est sortie mille fois. C'est un pays richissime et c'est peut-être là qu'est son malheur, dans son excès de richesses. Vous êtes responsables de ce qui va venir, consacrez votre existence à la cause humaine, n'oubliez pas celles et ceux qui ne peuvent pas venir à l'université, celles et ceux qui sont toujours courbés dans la solitude des champs et des montagnes, dans les galeries des mines. Etre universitaire n'est pas un privilège, c'est une exigence, celle de servir son peuple et de ne pas l'opprimer. Voilà. Bonne chance et à bientôt.



mardi 6 juin 2017

Rêves en désordre. Sueños en desorden. Bachir Hadj Ali


Sueños en desorden

Sueño con islotes risueños y calas umbrías
Sueño con verdes ciudades de noche silenciosas
Sueño con caseríos blanquiazules sin tracoma
Sueño con rios profundos tranquilos y perezosos
Sueño con una protección de los bosques convalecientes
Sueño con fuentes anunciadoras de cerezos
Sueño con olas rubias que salpican las torres de alta tensión
Sueño con plataformas petrolíferas color primero de mayo
Sueño con encajes lánguidos sobre las sendas quemadas
Sueño con fábricas afiladas y manos hábiles
Sueño con bibliotecas cósmicas bajo el claro de luna
Sueño con comedores de murales mediterraneos
Sueño con tejados rojos en la cumbre del Chelia
Sueño con cortinas corrugadas en las ventanas de mis tribus
Sueño con un interruptor de marfil en cada cuarto
Sueño con un cuarto claro para cada niño
Sueño con una mesa transparente para cada familia
Sueño con un mantel florido para cada mesa
Sueño con poderes adquisitivos elegantes
Sueño con novias que no se preocupan por las negociaciones secretas
Sueño con parejas harmoniosamente acordadas
Sueño con hombres equilibrados en presencia de la mujer
Sueño con mujeres cómodas en presencia del hombre
Sueño con bailes rítmicos en los estadios
y campesinas espectadoras con zapatos de cuero
Sueño con campeonatos geométricos inter-liceos
Sueño con torneos oratorios entre los picos y los valles
Sueño con conciertos de verano en unos jardines colgantes
Sueño con mercados persas modernizados para cada cual segun sus necesidades
Sueño con mi pueblo valeroso cultivado bueno
Sueño con mi país sin torturas sin carceles
Miro con mis ojos miopes mis sueños desde mi celda

Bachir Hadj Ali in "Que la dicha perdure"

Bachir Hadj Ali (1920-1991), poeta argelino y activista político.
Nace en la Casbah de Argél el 10 de diciembre de 1920 en el seno de una familia modesta de Aït Hammad (Azeffoun) en Cabilia. Asiste a la escuela coránica y a la escuela francesa, pero en 1937 renuncia a entrar en la escuela normal de maestros para ayudar a su familia. Después de la desmovilización en 1945 entra en el Partido Comunista de Argelia (PCA). En 1948 se convierte en editor del periódico "Libertad", el órgano central del PCA, entra en su secretariado en 1951 y en 1953 los tribunales coloniales le condenan a dos años de prisión por delitos contra la seguridad del Estado. 

En clandestinidad durante la guerra de liberación nacional, Bachir Hadj Ali negocia con Sadek Hadjerès en 1956 la integración  individual al ELN (Ejercito de Liberación Nacional) de los "Combatientes de la liberación", organización militar de los comunistas argelinos creada en 1954, de la cual era responsable. Es nombrado dirigente del PCA.

Después de la independencia, el presidente Ben Bella prohibe el Partido Comunista Argelino en noviembre de 1962. Después de la toma del poder por Houari Boumediene el 18 de junio de 1965,  Bachir Hadj Ali crea con la izquierda del FLN, Hocine Zahouane y Mohammed Harbi, la "Organización de la Resistencia Popular" (ORP). Es detenido en septiembre y torturado en los calabozos de seguridad militar de Argél. Transferido en noviembre a la cárcel de Lambaesis, escribe "Lo  Arbitrario" en una hojas de papel higiénico que logra hacer llegar disimuladas en unos cigarrillos, a su mujer Lucette Laribere durante sus visitas. El texto describe las torturas que sufrió, y de las cuales guardará secuelas importantes. El texto es publicado en 1966 por las Ediciones de Minuit. Liberado en 1968, Bachir Hadj Ali se encuentra bajo arresto domiciliario en Saida y luego en Ain Sefra. Habiendole prohibido permanecer en las principales ciudades de Argelia, regresa a Argél tan solo en 1974.

Escribiendo poemas y ensayos, Bachir Hadj Ali funda en 1966 el Partido de la Vanguardia Socialista
(PAGS) y desarolla una actividad intensa, interrumpida en 1980 a causa de la pérdida progresiva de la memoria. Muere en Argél el 8 de mayo de 1991.




Rêves en désordre

Je rêve d’îlots rieurs et de criques ombragées
Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blancs bleus sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies
Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes
Je rêve de derricks couleur de premier mai
Je rêve de dentelles langoureuses sur les pistes brûlées
Je rêve d’usines fuselées et de mains adroites
Je rêve de bibliothèques cosmiques au clair de lune
Je rêve de réfectoires fresques méditerranéennes
Je rêve de tuiles rouge au sommet du Chélia
Je rêve de rideaux froncés aux vitres de mes tribus
Je rêve d’un commutateur ivoire par pièce
Je rêve d’une pièce claire par enfant
Je rêve d’une table transparente par famille
Je rêve d’une nappe fleurie par table
Je rêve de pouvoirs d’achat élégants
Je rêve de fiancées délivrées des transactions secrètes
Je rêve de couples harmonieusement accordés
Je rêve d’hommes équilibrés en présence de la femme
Je rêve de femmes à l’aise en présence de l’homme
Je rêve de danses rythmiques sur les stades
Et de paysannes chaussées de cuir spectatrices
Je rêve de tournois géométriques inter-lycées
Je rêve de joutes oratoires entre les crêtes et les vallées
Je rêve de concerts l’été dans des jardins suspendus
Je rêve de marchés persans modernisés
Pour chacun selon ses besoins
Je rêve de mon peuple valeureux cultivé bon
Je rêve de mon pays sans tortures sans prisons
Je scrute de mes yeux myopes mes rêves dans ma prison

Bachir Hadj Ali in "Que la joie demeure"
Lire L'élan de Bachir Hadj Ali in L'Humanité 


vidéo de l’artiste algérien Ammar Bouras sur un texte de Bachir Hadj Ali