Par Jaime Caycedo Turriago
Source : Pacocol
En Colombie, la crise nationale dont la guerre prolongée a été l'expression notoire, s'est encore endurcie suite au résultat du 2 octobre et au triomphe mortifère du Non. C'est avec l'énergie du non, interprété comme un vote-punition face au discrédit du gouvernement qui s'évertue à défendre son projet néolibéral, que la haute sphère des va-t-en guerre civils veut mener le bal. Elle était passée à l'offensive avec des propositions régressives improvisées qui pour l'essentiel ne correspondent en rien aux contenus structurels de l'Accord souscrit le 26 septembre entre le chef de l'Etat et le Commandant des Farc-EP, en présence du Secrétaire général de l'ONU et de gouvernants de plusieurs pays.
Les chefs de l'ultra-droite croient avoir gagné la guerre pour quelques 53 mil voix, sur 13 millions de votant-e-s et 20 millions de citoyen-ne-s qui n'ont pas voté. Alors que le gouvernement s'était entêté témérairement à organiser un plébiscite non obligatoire, c'est à lui qu'il revient maintenant de chercher des solutions adéquates, en s'associant avec son ancien ennemi rebelle, afin de dépasser la crise du processus provoquée par la contre-offensive de l'ultra-droite et pouvoir mener à bien l'exécution de l'Accord.
Les chefs de l'ultra-droite croient avoir gagné la guerre pour quelques 53 mil voix, sur 13 millions de votant-e-s et 20 millions de citoyen-ne-s qui n'ont pas voté. Alors que le gouvernement s'était entêté témérairement à organiser un plébiscite non obligatoire, c'est à lui qu'il revient maintenant de chercher des solutions adéquates, en s'associant avec son ancien ennemi rebelle, afin de dépasser la crise du processus provoquée par la contre-offensive de l'ultra-droite et pouvoir mener à bien l'exécution de l'Accord.
L'ultra droite à l'offensive contre l'Accord
Ce n'est pas une tâche facile. Le lobby de l'extrême droite qui s'est approprié le triomphe du non, est représenté par des personnages de la vieille oligarchie gouvernementale qui ont de graves responsabilités dans la conduite et dans la dégradation de la guerre contre-insurrectionnelle, avec des violations scandaleuses des pactes internationaux souscrits par l'Etat colombien en matière de droits humains, droit international humanitaire et crimes de guerres. Ce lobby est connecté avec ce que l'on a appelé le nouveau "plan condor" dont le programme est la chute ou la défaite des gouvernements de gauche en Amérique Latine, avec l'aide des nouvelles méthodologies des "coups d'état soft" et des campagnes diffamatoires, qui s'appuient sur le contrôle extrémiste de droite du pouvoir législatif, judiciaire et médiatique. L'ex-président Pastrana, un des champions du non, est le porte-parole de cette politique qui est, par ailleurs, l'essence doctrinaire du "Centre Démocratique", l'appareil du parti de l'ex-président Alvaro Uribe.
En bref, la tentative de faire échouer la solution politique pour la paix en Colombie n'est pas déconnectée de la contre-offensive qui veut changer le signe démocratique dans le continent, avec l'objectif de faire reculer les conquêtes sociales et les changements progressistes obtenus pendant ces deux dernières décennies en Amérique Latine. Pourtant, dans le cas de la paix en Colombie, les confrontations les plus aigües qui tiennent en haleine le cours de la politique globale à l'intérieur du système impérial dominant, semblent se contrebalancer. Apparemment, l'expression d'Obama d'il y a deux ans qui parlait de "mettre fin aux guerres inutiles" dans la région, et le soutien au dialogue de la Havane, ne s'opposent pas de manière exclusive aux efforts de déstabilisation dans la région, promus par les courants les plus conservateurs du capital transnational. Les effets d'un éventuel changement d'orientation de la politique étasunienne peuvent influer dans les mois à venir sur le destin et le contenu du processus de paix, même si Clinton arrive à gagner l'élection présidentielle. Dans de telles conditions, la permanence, la continuité et la possibilité que la solution politique concrétise le slogan de la paix "stable et durable" et réunisse les qualités basiques d'une paix "juste et démocratique" va dépendre fondamentalement de la capacité d'unité, de convergence, d'initiative dynamique et de persévérance du mouvement populaire.
Les nouveaux défis de l'unité des forces favorables à la solution politique
Le thème de l'unité est décisif, mais il présente des complexités sans solution immédiate. L'annonce de l'ouverture d'une phase publique de dialogue avec l'ELN à Quito (Equateur) à partir du 27 octobre, élargit objectivement l'horizon du processus de paix comme axe principal de la politique nationale et met en mouvement l'engagement des autres composantes de la lutte populaire. Cela fragilise l'argument selon lequel la question de la paix n'était qu'un fardeau pour la lutte sociale, opinion qui a été avancée par certains courants de gauche afin de minimiser le sens profond du dialogue et des processus qui tendent à une solution politique de la longue étape de guerre contre-insurrectionnelle. De plus, le résultat négatif du plébiscite a éveillé des dynamismes de participation qui n'étaient pas présents pendant la campagne en faveur du OUI et qui se manifestent à un moment de frustration et d'incertitude totale face à l'avenir immédiat, avec une menace de remise en cause de ce qui a été atteint pour aller vers la fin de la guerre, notamment, le thème du cessez-le-feu bilatéral et définitif. Le rôle des églises, loin d'être spontané, a été conduit à des postures fondamentalistes à travers un piège publicitaire et la gestion maladroite de l'ex-ministre Gina Parody en matière de politiques d'éducation sexuelle dans les collèges.
Les mobilisations du 5 octobre et surtout celle du 12 octobre ont commencé à dissoudre la dichotomie du plébiscite entre un oui vaincu et un non triomphant, elles l'ont remplacé par des sentiments partagés de soutien à un Accord existant, souhait de contribuer au déblocage pour permettre une mise en oeuvre rapide inhabilitée par le non, désarroi de nombreux électeurs du non qui avaient voté pour punir les mesures anti-populaires du gouvernement mais qui sont en faveur de la paix, et aussi rejet de la manipulation grossière des électeurs par la propagande hypocrite de la campagne du Centre démocratique, ou de l'appropriation opportuniste de la crise par Uribe, Pastrana et l'ex-procureur, comme s'ils avaient gagné la guerre le 2 octobre.
Une politisation citoyenne accélérée autour de la dynamique de la paix et une découverte du sens réel de l'Accord sont en train de donner une qualité différente au moment politique présent. Les déclarations prudentes de l'équipe négociatrice des Farc-EP, le nouveau protocole sur le Cessez-le-Feu bilatéral et définitif ainsi que sa prolongation jusqu'au 31 décembre, chassent pour le moment les craintes fondées sur les risques effectivement existants autour de fractures éventuelles et/ou de provocations. Santos également agit avec prudence, dans un climat où la pression de l'ultra-droite est aux aguets pour imposer la renégociation totale de l'Accord ou au moins sa modification pour annuler ses contenus substantiels sur le thèmes des terres, de la justice et de la participation politique.
Le type de convergence qui a surgi peu à peu est celui d'un front de coïncidences très large autour de points essentiels :
Une réflexion nécessaire sur les événements et leur perspective
A la question de savoir quelle est la caractéristique à retenir du moment politique que vit la Colombie, disons que nous sommes face à une transition qui a comme point de départ un engagement politique. L'Accord de paix nous a mis face à la réalité vivante d'un engagement politique pour faire la transition de l'état de guerre contre-insurrectionnelle à un état de non-guerre, de garanties, de libertés et de réformes. C'est l'engagement de mettre fin à une modalité de guerre civile, à un chapitre douloureux et prolongé de confrontation dans la lutte sociale et dans la lutte de classes, qui peut passer de l'état de confrontation armée à celui d'une scène civique, normée, avec des garanties relatives pour la vie et l'intervention en politique de ceux qui durent prendre les armes pour rompre la dure carapace de l'anti-démocratie, dans un régime excluant et violent, dont les privilèges de quelques-uns contrastent avec l'inégalité sociale croissante des majorités et où l'inégalité politique s'est renforcée grâce à différentes modalités de terrorisme d'Etat. Malgré les fossoyeurs arrogants du marxisme, voilà le fond de la réalité avec laquelle nous devons compter. Lénine disait, avec sagesse, en évaluant l'importance stratégique de circonstances comme celles-ci, qu'"il y a engagements et engagements. Il faut savoir analyser la situation et les circonstances concrètes de chaque engagement ou de chaque variété d'engagement".
Les empreintes de la crise montrent l'équilibre instable que l'ultra-droite essaie d'altérer pour récupérer les rênes du gouvernement en 2018. En ne reconnaissant pas l'Accord et en formulant des propositions impossibles car elles se situent aux antipodes de ce qui a été accordé au cours de terribles journées de travail, la posture anti-Accord cherche à retarder sa mise en oeuvre. Avec la croissance de la mobilisation populaire, est en train de surgir une nouvelle configuration des forces qui peuvent consolider le pas historique que le peuple est en train de faire.
Les mobilisations du 5 octobre et surtout celle du 12 octobre ont commencé à dissoudre la dichotomie du plébiscite entre un oui vaincu et un non triomphant, elles l'ont remplacé par des sentiments partagés de soutien à un Accord existant, souhait de contribuer au déblocage pour permettre une mise en oeuvre rapide inhabilitée par le non, désarroi de nombreux électeurs du non qui avaient voté pour punir les mesures anti-populaires du gouvernement mais qui sont en faveur de la paix, et aussi rejet de la manipulation grossière des électeurs par la propagande hypocrite de la campagne du Centre démocratique, ou de l'appropriation opportuniste de la crise par Uribe, Pastrana et l'ex-procureur, comme s'ils avaient gagné la guerre le 2 octobre.
Une politisation citoyenne accélérée autour de la dynamique de la paix et une découverte du sens réel de l'Accord sont en train de donner une qualité différente au moment politique présent. Les déclarations prudentes de l'équipe négociatrice des Farc-EP, le nouveau protocole sur le Cessez-le-Feu bilatéral et définitif ainsi que sa prolongation jusqu'au 31 décembre, chassent pour le moment les craintes fondées sur les risques effectivement existants autour de fractures éventuelles et/ou de provocations. Santos également agit avec prudence, dans un climat où la pression de l'ultra-droite est aux aguets pour imposer la renégociation totale de l'Accord ou au moins sa modification pour annuler ses contenus substantiels sur le thèmes des terres, de la justice et de la participation politique.
Le type de convergence qui a surgi peu à peu est celui d'un front de coïncidences très large autour de points essentiels :
- la défense de l'intégralité de l'Accord et la cohérence de son contenu ;
- l'assurance du cessez-le-feu et de son mécanisme de Vérification tripartite (FARC EP, Gouvernement, ONU) ;
- une nouvelle convention à la Table des Dialogues sur la mise en oeuvre et les processus législatifs ;
- le rejet populaire du pacte des élites et la mise en route du Pacte Politique National, tel que défini dans le point 3.4 de l'Accord, c'est à dire le pacte de rejet des armes dans la vie politique,
- l'arrêt du paramilitarisme et de "l'ennemi interne", l'arrêt de la doctrine de sécurité nationale, l'arrêt du "nettoyage social";
- Des garanties pour la vie et l'exercice de la politique
- L'engagement de non-répétition.
Une réflexion nécessaire sur les événements et leur perspective
A la question de savoir quelle est la caractéristique à retenir du moment politique que vit la Colombie, disons que nous sommes face à une transition qui a comme point de départ un engagement politique. L'Accord de paix nous a mis face à la réalité vivante d'un engagement politique pour faire la transition de l'état de guerre contre-insurrectionnelle à un état de non-guerre, de garanties, de libertés et de réformes. C'est l'engagement de mettre fin à une modalité de guerre civile, à un chapitre douloureux et prolongé de confrontation dans la lutte sociale et dans la lutte de classes, qui peut passer de l'état de confrontation armée à celui d'une scène civique, normée, avec des garanties relatives pour la vie et l'intervention en politique de ceux qui durent prendre les armes pour rompre la dure carapace de l'anti-démocratie, dans un régime excluant et violent, dont les privilèges de quelques-uns contrastent avec l'inégalité sociale croissante des majorités et où l'inégalité politique s'est renforcée grâce à différentes modalités de terrorisme d'Etat. Malgré les fossoyeurs arrogants du marxisme, voilà le fond de la réalité avec laquelle nous devons compter. Lénine disait, avec sagesse, en évaluant l'importance stratégique de circonstances comme celles-ci, qu'"il y a engagements et engagements. Il faut savoir analyser la situation et les circonstances concrètes de chaque engagement ou de chaque variété d'engagement".
Les empreintes de la crise montrent l'équilibre instable que l'ultra-droite essaie d'altérer pour récupérer les rênes du gouvernement en 2018. En ne reconnaissant pas l'Accord et en formulant des propositions impossibles car elles se situent aux antipodes de ce qui a été accordé au cours de terribles journées de travail, la posture anti-Accord cherche à retarder sa mise en oeuvre. Avec la croissance de la mobilisation populaire, est en train de surgir une nouvelle configuration des forces qui peuvent consolider le pas historique que le peuple est en train de faire.
Secrétaire Général du Parti Communiste Colombien
Bogotá DC. Colombia, lundi 17 octobre 2016
Trad: CM
Bogotá DC. Colombia, lundi 17 octobre 2016
Trad: CM