jeudi 17 avril 2025

Abel Rodriguez, celui qui donne des noms aux plantes

Ses dessins sur la puissance de la forêt amazonienne ont attiré l’attention d’innombrables publics en Colombie et dans le monde entier. Abel Rodríguez, artiste et érudit de la communauté Nonuya, a consacré sa vie à immortaliser les espèces végétales et animales préservées dans sa mémoire. Il est décédé ce jeudi 10 avril 2025 à l'âge de 84 ans. « Ses œuvres témoignent avec force de la relation étroite entre l'homme et la jungle, et constituent une forme de résistance à l'oubli et à la disparition de la culture. Dans chaque trait, dans chaque récit, il a su capturer la richesse spirituelle, écologique et symbolique des peuples autochtones du bassin du fleuve Cahuinarí » a déclaré le Musée national de Colombie dans un communiqué de deuil.

Rodríguez est né en 1941 dans un territoire appelé "La Chorrera", niché entre la rivière Cahuinarí et le cours supérieur de la rivière Igara-Paraná, près de la frontière avec le Brésil. Son nom ancestral était Mogaje Guihu, ce qui signifie en espagnol « plumes de faucon brillantes ». Dans les années 1990, un déplacement forcé l’a contraint à quitter les profondeurs de la jungle. Les connaissances transmises par sa famille dès son enfance ont résisté à la cruauté de la violence contre les peuples autochtones et ont été préservées à travers des dessins et des mots. Ses œuvres montrent la finesse détaillée des feuilles, des branches, des arbres, des animaux et des rivières qui l’entouraient depuis son enfance. L'artiste a illustré plus de 400 arbres amazoniens avec une capacité fascinante qui lui a valu le surnom de « celui qui nomme les plantes».

« Enfant, j'étais curieux. J'ai appris des choses sur les plantes, les animaux et les mots grâce au mamo (chef spirituel), et c'est ainsi qu'au fil du temps, on m'a appelé "celui qui donne des noms aux plantes". Ce savoir n'est pas biologique, mais plutôt lié matériellement, spirituellement et émotionnellement à la jungle, à son énergie », a-t-il raconté dans un recueil de conversations de 2024 cité par le Museum of Modern Art (MoMA) de New York. 

À son arrivée à Bogotá après son déplacement, il a pris contact avec l'ONG néerlandaise Tropenbos, qui promeut la conservation des forêts. Il avait travaillé avec cette organisation auparavant, en tant que guide pour identifier les plantes de son territoire. Depuis lors, ses dessins, en plus de devenir une source de revenus, ont permis la classification des espèces d'arbres et de plantes et ont contribué au développement de la recherche scientifique botanique dans le bassin amazonien.

Ses pensées voyageaient vers la jungle pour renouer avec les odeurs, les couleurs et les textures. « Recréer les plantes dans mes dessins évoque le changement de génération, la naissance d'un enfant. Nous appelons nos pensées des enfants. Ce sont des enfants spirituels, toujours présents. On essaie de faire ressortir cette figure ou récolter ce qui existait avant, mais ce ne sera plus jamais pareil. Tout change chaque jour. Les feuilles et les racines se multiplient, transformant ainsi de plus en plus leur forme de vie», a-t-il déclaré. 

A sa mort, cet artiste considéré comme l'un des plus importants gardiens du savoir ancestral de l'Amazonie, a été salué par de nombreuses voix de condoléances. « Nous rendons hommage au maître Abel Rodríguez, qui, par ses mots et ses dessins, a préservé la mémoire écologique, spirituelle et culturelle des peuples autochtones du fleuve Cahuinarí. Son œuvre capture le lien entre l'humanité et la jungle. C'est un savoir qui perdure, s'épanouit et transcende », a souligné le Musée national sur son compte X, avec une image de l'arbre de l'abondance et un court texte de Rodríguez : « Je parle en devinant, et je peins en devinant. Alors que le palmier est dans mon esprit, j'en dessine les racines, le tronc, l'écorce, le bourgeon, les branches, je les dessine dans l'air et sur le papier. C'est un processus pour se souvenir, mais aussi pour deviner les mots, car c'est de là que naissent les choses ». L'ancien ministre de la Culture, des Arts et du Savoir, Juan David Correa, a déclaré : « Vos arbres offriront de l'ombre à beaucoup d'entre nous pendant de nombreuses années. Merci, maître »

Le Musée d'Art Latino-Américain de Buenos Aires (Malba) a également déploré ce décès en soulignant que Rodríguez a inventorié de mémoire les espèces de la jungle avec une grande fraîcheur artistique et précision botanique. « Son intention était de préserver la sagesse orale de ses ancêtres, qui coulait autant dans ses veines que dans les branches et les racines des diverses espèces végétales glorifiées par les Nonuya comme source de nourriture et de vie. Ses dessins sont comme des cartes qui captent les principales caractéristiques de ces arbres, plantes et fleurs », a-t-il souligné sur le réseau social.

Son nom est devenu célèbre en Colombie, mais aussi sur la scène artistique internationale, où il s’est imposé comme l’un des artistes autochtones les plus reconnus aujourd’hui. En 2014, il a reçu le Prix Art et Nature de la Fondation Prince Claus aux Pays-Bas pour son travail et son lien ancestral avec la nature, en tant que connaissance fondamentale de la culture mondiale. Son travail a été exposé dans des lieux d’art contemporain internationaux, tels que la Biennale de Sao Paulo (2021), la Biennale d’art de Toronto (2022), la 23e Biennale de Sydney (2022), la Biennale de Kwangju en Corée (2023) et la Biennale de Venise (2024).

« L’œuvre d’Abel Rodríguez est un trésor ancestral, un cadeau de la jungle à ce monde globalisé, totalisant et homogénéisé, dont la notion de progrès menace gravement la nature et la survie des êtres humains et des autres espèces », a écrit la Commission de la Vérité. « Son œuvre nous laisse une leçon profonde : regarder et écouter la jungle comme une bibliothèque vivante de connaissances et de souvenirs, et comprendre que l'art peut aussi être une forme de révérence, de résistance et de transmission culturelle » a conclu le Musée national dans son communiqué au nom du Système des musées nationaux.

Source :  El País
Trad° CM

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dimanche 19 janvier 2025

Arte Povera chez Pinault

 

Mario Mertz. Che Fare ? Que Faire ? Turin, 1968


Nous sommes allés chez Pinault à la Bourse du Commerce pour voir l'expo sur l'Arte Povera. Reconnaissons que payer 15€ pour contribuer aux montages de défiscalisation de l'une des plus grandes richesses de France ne nous a pas réjouis. 

Ni voir comment des utopistes contestataires emblématiques des années 60 et leurs critiques révolutionnaires sont récupérées par le marché de l'art.

Ni savoir qu'une bonne partie des œuvres n'appartiennent pas à Pinault mais aux collections publiques modernes et contemporaines du Centre Pompidou qui se retrouvent exposées à la Bourse du Commerce, sous la fresque rénovée de la rotonde illustrant le capitalisme et le colonialisme en majesté. 

Bref, il s'agissait d'affronter un concentré de cynisme qui, à force de coups de poings symboliques, assène concrètement que dans la bataille des idées, le capital gagnerait toujours sur le travail en se l'appropriant. 

Sur ce Que Faire ? Che Fare ? Eh bien, prenons un chemin de traverse et intéressons nous aux processus créateurs, sans nous arrêter aux produits finis. La joyeuse guerrilla libertaire de l'arte povera a de beaux jours devant elle et ne saurait rester enfermée dans des cénacles luxueux. Saluons donc ici, d'une manière toute particulière, la mémoire de Marisa MERZ et ses fils de cuivre patients et discrets qui disent : « Je ne suis intéressée ni par le pouvoir ni par la carrière. Seuls le monde et moi m’intéressent. Je peux faire peu, très peu. » (Marisa Merz, 1968)


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jeudi 8 août 2024

Demain est annulé



Nous sommes allés voir l'exposition "Demain est annulé... De l'art et des regards sur la sobriété" à la fondation EDF. J'ai été particulièrement impactée par le travail de RERO.

https://rero-studio.squarespace.com/



dimanche 4 août 2024

Transmettre la force émancipatrice

Parce que j'ai besoin de cultiver le jardin du nouveau front populaire, je suis allée à la bibliothèque prendre des livres sur 1936 en France. 

J'ai été frappée par la force émancipatrice des images. 

Multitudes de poings levés,
casquettes et femmes à chapeau,
bicyclettes et tandems,
blouses et bleus de travail,
le bord de l'eau,
le bord de mer,
les tentes de fortune,
les usines occupées,
la joie multipliée,
des enfants partout,
le grand Blum à lunettes rondes et ses ministres femmes,
le premier billet populaire de congé annuel,
les trains et les plages pris d'assaut,
les bals musettes improvisés dans les cours.
Et encore le bord de mer,
et encore le bord de l'eau

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Bien sur, avant, il y a les images des émeutes de février 34. Et après, il y a la dislocation de 37, le triste manque de solidarité avec la République espagnole et la maudite "pause" dans les réformes. 

Il n'empêche que, dans nos mémoires longues, la gloire lumineuse de 1936 brille avec une telle intensité qu'elle réveille nos tendresses et nos désirs de justice... La victoire de l'unité des gauches, la force des grèves qui poussent à changer la vie, la revanche du travail sur le capital et le temps retrouvé nous attendent !

Aujourd'hui, nous sommes le 4 août, trêve olympique ou pas, nous sommes un certain nombre à saluer ce jour. Le souffle de l'abolition des privilèges mérite toutes les médailles du monde !






Transmitir la fuerza emancipadora


Como necesito cultivar el jardín del Nuevo frente popular, estuve en la biblioteca buscando libros sobre 1936 en Francia. Y me llamó la atención la fuerza emancipadora de las imágenes.

Multitudes de puños en alto, 
gorras y mujeres con sombreros,
bicicletas y tándems,
blusas y monos,
la orilla del rio,
la playa,
tiendas de campaña improvisadas,
fábricas ocupadas,
alegrías multiplicadas,
niños en todas partes,
el gran Blum de gafas redondas y sus ministras,
el primer billete anual de vacaciones pagas,
trenes y playas tomadas por asalto,
bailes de musette improvisados en los patios.
Y de nuevo la playa,
y otra vez la orilla del agua

Ver el álbum aquí

Por supuesto, antes  se ven las imágenes de las revueltas del febrero del 1934. Y después en 1937, la division, la falta de solidaridad con la República española y la maldita "pausa" de las reformas.

Sin embargo, en nuestra larga memoria, la gloria luminosa del 1936 brilla con tal fuerza que despierta la ternura y el deseo de justicia: nos esperan la victoria de la unidad de la izquierda, la fuerza de las huelgas que empujan a cambiar la vida, la revancha del trabajo sobre el capital, el tiempo recuperado.

Hoy es el 4 de agosto, tregua olímpica o no, somos varios los que saludamos este día. ¡El aliento de la abolición de los privilegios merece todas las medallas del mundo!






samedi 22 juin 2024

L'école ou la banque ?


L'autre jour à Nanterre, pour le #NouveauFrontPopulaire, je suis restée quelques temps à attendre devant l'école Maxime Gorki. Et j'ai été scotchée par cette image de la petite école au pied des tours mastodontes de la Société Générale. Comme un emblème de la période de "clarification" imposée par la dissolution : Quel avenir voulons-nous... L'école ou la banque ?

L'école en travaux, tournée vers les habitants du quartier qui ce jour-là avaient préparé un petit déjeuner à partager. L'école habitée par la diversité du monde et des peuples. L'école entourée d'arbres. L'école de nos enfants. L'école du jeu, de l'apprentissage d'humanité. L'école de la reconnaissance de la "Chose Publique". L'école de la construction d'avenir.

Ou bien la banque glacée, métallique, lisse, déshumanisée, tournée vers le pôle de développement économique de la Défense. La banque froidement imposante, la puissance du calcul et de l'accumulation. La banque dont les tours ont une hauteur de 167m avec des façades conçues pour résister à des vents de 350 kmh.

Evidemment, je choisis l'école. Et je me dis que le 8 juillet, quelque soit le résultat des élections législatives, on sera comme l'école au pied des tours, à faire face aux partis de la banque. Alors je m'associe à la pression populaire pour que le #NouveauFrontPopulaire ait le plus de force.  

=> POUR la gratuité de l'école publique : cantine, transports, périscolaire.

=> POUR l'augmentation des recettes fiscales et la distribution des richesses.

Merci pour la photo, Laureen !





lundi 25 décembre 2023

Le chant des partisans / El canto de los partesanos


 Résistencias

 

Spéciale dédicace à Patricia Ariza ¡Feliz Navidad!

Version d'origine, chantée par Anna Marly aqui
Con subtitulos en español aqui

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
(Amigo, ¿escuchas el vuelo negro de los cuervos sobre nuestras llanuras?)
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
(Amigo, ¿escuchas estos gritos sordos de un país que encadenan?)
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
(¡Eh! partisanos, obreros y campesinos, es la alarma)
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.
(Esta noche el enemigo conocerá el precio de la sangre y de las lágrimas.)

Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
(Suban de la mina, desciendan las colinas, camaradas,)
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
(Saquen del pajar los fusiles, la metralla, las granadas,)
Ohé les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tuez vite.
(¡Eh! los que maten, a vuestras armas y a vuestros cuchillos, maten rápido.)
Ohé saboteur, attention à ton fardeau dynamite...
(¡Eh! saboteador, cuidado con tu carga de dinamita...)

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
(Somos nosotros quienes rompemos los barrotes de las prisiones para nuestros hermanos)
La haine à nos trousses et le faim qui nous pousse, la misère.
(El odio nos persigue y el hambre nos impulsa, la miseria.)
Il y a des pays où les gens aux creux des lits font des rêves.
(Existen países donde las personas en lo hondo de sus camas sueñan)
Ici, nous vois-tu, nous on marche et nous on tue... nous on crève...
(Aquí, tú nos ves, nosotros marchamos y matamos... reventamos...)

Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe.
(Aquí cada uno sabe lo que quiere, lo que hace, cuando pasa.)
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.
(Amigo, si tú caes, un amigo sale de la sombra en tu lugar.)
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
(Mañana la sangre negra se secará con el gran sol sobre las rutas)
Chantez compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute...
(Canten, compañeros, en la noche la libertad nos escucha...)