José "Pepe" Mujica a participé la semaine dernière à une rencontre organisée par le centre des étudiants du Collège National de Buenos Aires. "Etre militant c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité" a-t-il affirmé face à des centaines de jeunes. Voici la traduction du discours complet de l'ex-président uruguayen
Source : Nuestras Voces
Ici, la majorité d'entre vous pourraient être mes petits-enfants, mais à votre âge, c'est naturel que les être humains fassent germer des utopies, qu'ils aient des rêves de monde meilleur. Le défi que vous allez devoir affronter tout au long de votre vie, c'est d'arriver à maintenir le feu sacré alors que la peau se ride, que les jambes ralentissent, que la vie se remplit de responsabilités et de défis, quand il faut payer les factures en fin de mois, quand tu fais des œdèmes en travaillant pour une multinationale et que tu regardes comment s'effilochent tes rêves au long de ta vie. Parce que l'histoire humaine est un cimetière d'utopies, mais que grâce à ça, nous avançons. Parce que nous avons toujours une bien plus grande capacité de rêver que de capacité à concrétiser. Mais comment vivre sans rêves ? Comment ce serait que d'être une brique, une pierre et de ne pas avoir de sentiments, d'émotions et d'engagements ?
Eh oui, les enfants, l'unique miracle qu'il y a sur cette terre pour chacun d'entre vous, c'est d'être né, c'est quelque chose de si quotidien pour chacun qu'on ne s'en rend pas compte. Il y avait quarante millions de probabilités que ça tombe sur quelqu'un d'autre et c'est tombé sur toi. Mais la vie s'en va plus vite que ce qu'il n'y parait. Et cette particularité n'est pas simplement humaine, c'est commun au monde vivant. Le monde vivant a quelque chose de différent du monde inerte, il a des sentiments et des émotions. Parce qu'une tortue qui pond des oeufs a des émotions, comme la poule qui prend soin de ses poussins. Et l'herbe qui se reproduit, avant de mourir, se fait graine pour se semer. C'est sa manière de sentir. La différence humaine, c'est que nous sommes conscients. En plus de vivre, nous pouvons nous refléter dans une conscience. Et puisque naître t'est tombé dessus, la question est : Que fais-tu de ta vie ? Ta vie sera-t-elle celle d'un sujet débiteur de comptes, qui confond être et avoir et à qui le marché finit par organiser le coeur, les relations humaines et tout le reste ? Ou bien, ta vie, tu seras capable de lui donner un contenu et d'être en partie auteur de sa trajectoire ?
Nous sommes ici par la solidarité des générations qui ont fait possible une accumulation de connaissances, transmises de génération en génération. D'autres viendront et vous, vous allez avoir d'autres défis, des grands défis. Nous sommes en train d'organiser dans ce monde une gigantesque marmite pour frire les choses vivantes et vous, vous allez devoir vous battre contre cet égoïsme qui nous menace d'un holocauste écologique. Vous êtes d'abord argentins, mais vous êtes aussi latino-américains, et frères de tous les peuples pauvres qui sont en Amérique. Vous avez la vie devant vous, ne trahissez pas cette belle étape de votre vie. Appliquez ou transformez consciemment les moments, et prolongez ce bel âge qui vous est donné de vivre. Et ça, ça ne dépendra que d'une chose qui s'appelle la volonté.
La vie militante, ce n'est pas une récompense, c'est une aventure. C'est avoir une raison de vivre et pas seulement vivre parce qu'on est né. Etre militant, c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Ce qui est passionnant et très important, le fond de la question, c'est de poursuivre cette aventure tout au long de la vie.
Nous sommes plongés, nous vivons dans un système qui engendre une culture qui a besoin de faire de nous des acheteurs compulsifs. Parce que sinon, tout se bloque. Alors nous avons tendance à confondre le bonheur avec le fait d'avoir des objets neufs, et quelquefois, nous abandonnons les choses les plus sacrées, ce peu de choses qui sont toujours les mêmes et qui nous entourent. Ou bien tu apprends à être heureux avec les choses élémentaires de la vie, ou tu ne seras jamais heureux.
Qu'est ce que ça a à voir avec tout ça ? Je sais bien que mon discours est un peu celui d'un vieux rat. Mais enfin, les gamins, le défi que vous allez affronter est précisément la spirale de la culture engendrée par notre temps. Et il faut bien comprendre que ce qui peut s'appeler bonheur, c'est de se garantir du temps pour cultiver les amours, cette différence de la vie et des sentiments. Travailler, bien sur il faut travailler, parce que si tu ne travailles pas, tu vis au crochet de quelqu'un qui le fait. On ne doit pas être un parasite. Mais la vie, ce n'est pas seulement travailler : il faut se garantir du temps pour les relations humaines, les enfants, l'amour, pour celles et ceux qui viendront, parce que la vie s'en va. Ne vous laissez pas voler la liberté, parce que tu es libre seulement quand tu passes le temps de ta vie à ces choses qui te motivent sans emmerder l'autre. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité.
Les enfants, je ne sais pas la voie que va prendre l'Argentine, je sais qu'elle va sortir de son angoisse, elle en est sortie mille fois. C'est un pays richissime et c'est peut-être là qu'est son malheur, dans son excès de richesses. Vous êtes responsables de ce qui va venir, consacrez votre existence à la cause humaine, n'oubliez pas celles et ceux qui ne peuvent pas venir à l'université, celles et ceux qui sont toujours courbés dans la solitude des champs et des montagnes, dans les galeries des mines. Etre universitaire n'est pas un privilège, c'est une exigence, celle de servir son peuple et de ne pas l'opprimer. Voilà. Bonne chance et à bientôt.
Eh oui, les enfants, l'unique miracle qu'il y a sur cette terre pour chacun d'entre vous, c'est d'être né, c'est quelque chose de si quotidien pour chacun qu'on ne s'en rend pas compte. Il y avait quarante millions de probabilités que ça tombe sur quelqu'un d'autre et c'est tombé sur toi. Mais la vie s'en va plus vite que ce qu'il n'y parait. Et cette particularité n'est pas simplement humaine, c'est commun au monde vivant. Le monde vivant a quelque chose de différent du monde inerte, il a des sentiments et des émotions. Parce qu'une tortue qui pond des oeufs a des émotions, comme la poule qui prend soin de ses poussins. Et l'herbe qui se reproduit, avant de mourir, se fait graine pour se semer. C'est sa manière de sentir. La différence humaine, c'est que nous sommes conscients. En plus de vivre, nous pouvons nous refléter dans une conscience. Et puisque naître t'est tombé dessus, la question est : Que fais-tu de ta vie ? Ta vie sera-t-elle celle d'un sujet débiteur de comptes, qui confond être et avoir et à qui le marché finit par organiser le coeur, les relations humaines et tout le reste ? Ou bien, ta vie, tu seras capable de lui donner un contenu et d'être en partie auteur de sa trajectoire ?
La vie militante, ce n'est pas une récompense, c'est une aventure. C'est avoir une raison de vivre et pas seulement vivre parce qu'on est né. Etre militant, c'est dédier une partie importante de notre vie au sort des autres, avec l'utopie et le rêve que l'on peut construire un monde un peu meilleur que celui où il nous a été donné de naître. Ce qui est passionnant et très important, le fond de la question, c'est de poursuivre cette aventure tout au long de la vie.
Nous sommes plongés, nous vivons dans un système qui engendre une culture qui a besoin de faire de nous des acheteurs compulsifs. Parce que sinon, tout se bloque. Alors nous avons tendance à confondre le bonheur avec le fait d'avoir des objets neufs, et quelquefois, nous abandonnons les choses les plus sacrées, ce peu de choses qui sont toujours les mêmes et qui nous entourent. Ou bien tu apprends à être heureux avec les choses élémentaires de la vie, ou tu ne seras jamais heureux.
Qu'est ce que ça a à voir avec tout ça ? Je sais bien que mon discours est un peu celui d'un vieux rat. Mais enfin, les gamins, le défi que vous allez affronter est précisément la spirale de la culture engendrée par notre temps. Et il faut bien comprendre que ce qui peut s'appeler bonheur, c'est de se garantir du temps pour cultiver les amours, cette différence de la vie et des sentiments. Travailler, bien sur il faut travailler, parce que si tu ne travailles pas, tu vis au crochet de quelqu'un qui le fait. On ne doit pas être un parasite. Mais la vie, ce n'est pas seulement travailler : il faut se garantir du temps pour les relations humaines, les enfants, l'amour, pour celles et ceux qui viendront, parce que la vie s'en va. Ne vous laissez pas voler la liberté, parce que tu es libre seulement quand tu passes le temps de ta vie à ces choses qui te motivent sans emmerder l'autre. Le bonheur, c'est aussi un peu de solidarité.
Les enfants, je ne sais pas la voie que va prendre l'Argentine, je sais qu'elle va sortir de son angoisse, elle en est sortie mille fois. C'est un pays richissime et c'est peut-être là qu'est son malheur, dans son excès de richesses. Vous êtes responsables de ce qui va venir, consacrez votre existence à la cause humaine, n'oubliez pas celles et ceux qui ne peuvent pas venir à l'université, celles et ceux qui sont toujours courbés dans la solitude des champs et des montagnes, dans les galeries des mines. Etre universitaire n'est pas un privilège, c'est une exigence, celle de servir son peuple et de ne pas l'opprimer. Voilà. Bonne chance et à bientôt.
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