Par Carlos Mario Perea [*]
Source : CLACSO - Megafón Septembre 2016
Il y a très peu d'occasions où un peuple a l'opportunité de changer le cours de son destin. Pour que cela arrive, ce peuple aura dû traverser des eaux tumultueuses et, au milieu de dures batailles, endurer des souffrances innommables.
C'est le cas de la Colombie, qui n'a pas seulement porté le poids de la guerre la plus longue et la plus dégradée du continent, mais aussi la tristesse d'être le coin de la planète où le narcotrafic a déchargé ses effets les plus amers et les plus délétères. Combien de fois, au cours des trois dernières décennies, nous sommes-nous trouvés à fermer les yeux quand nous envahissait la terrible sensation d'être les enfants d'un pays qui se condamnait sans rémission à l'échec. Peu importe la rive où chacun a été déposé par la vie, que ce soit à tel ou tel moment, tous sans exception, nous sommes passés par la révélation assourdissante d'appartenir à une nation dont des données de base étaient bouleversées. De trop lourds tributs à la mort et au sang ont été payés : combien de vies malheureuses, combien de corps mutilés, combien d'âmes égarées, combien de haine amassée...
Pourtant, au milieu de cette longue agonie, il semble enfin que l'on commence à s'élever au dessus des grandes eaux de la guerre. C'est ce qui est, ni plus ni moins, l'enjeu du plébiscite du 2 octobre prochain.
Bien sur, la victoire du "OUI" ne taillera pas à la racine les maux nationaux les plus sensibles. On ne mettra pas fin au conflit armé, car pour son infortune, la Colombie affronte le drame d'un nouveau cycle de violences encouragé par d'anciens et de nouveaux acteurs armés. On n'éradiquera pas non plus le narcotrafic, les drogues illicites sont un de ces phénomènes globalisés dont la transformation dépend de la volonté commune du continent latino-américain.
Bien sur, la victoire du "OUI" ne taillera pas à la racine les maux nationaux les plus sensibles. On ne mettra pas fin au conflit armé, car pour son infortune, la Colombie affronte le drame d'un nouveau cycle de violences encouragé par d'anciens et de nouveaux acteurs armés. On n'éradiquera pas non plus le narcotrafic, les drogues illicites sont un de ces phénomènes globalisés dont la transformation dépend de la volonté commune du continent latino-américain.
Mais, malgré son étendue limitée, la signification de la fin de la confrontation avec les FARC est aussi importante que celle de s'élever au dessus des grandes eaux de la guerre. Car, cela suppose de démobiliser l'armée qui a largement réussi à se déployer dans le territoire, soit actuellement, dans la moitié de la géographie du pays. Au fond, ce qui compte le plus en réalité, c'est de mettre fin à la trame historique façonnée par un corps armé dont les premiers soubresauts remontent aux années 40 du XXème siècle. C'est ce qu'incarnait Manuel Marulanda Vélez, le guérilléro qui avait commencé sa carrière comme un libéral bon teint, et qui est devenu avec les années, le chef de la cause insurgée.
Avec la démobilisation des FARC, les eaux se calment, elles endorment leurs grandes turbulences. Face à l'agonie de la nation qui paraissait condamnée à la tristesse, la victoire du "OUI" permet d'imaginer la possibilité d'un pays qui puisse être modelé par des mains disposées à se mêler. La Paix, avec sa voix posée au coeur de la scène publique, a déja redonné du sens à certaines choses. D'abord, elle a remis en état la fibre citoyenne moisie en arrachant des centaines de personnes au marasme paralysant de la guerre. Entre une guérilla qui a abandonné ses slogans non-négociables et une élite qui a déposé ses intransigeances et ses privilèges, la paix a mobilisé une société disposée, comme elle ne l'avait jamais été auparavant, à miser sur de nouvelles cartes dans le jeu imprévisible de l'histoire.
Le 2 octobre sera une journée dédiée à réclamer le droit sacré à vivre en paix, ce droit si longtemps violé par les venins toxiques de la guerre.
Il y a très peu d'occasions où un peuple a l'opportunité de changer le cours de son destin. Voilà ce que représente le "OUI" du plébiscite : une volonté qui se reconnait elle-même après la divagation des grandes eaux et de la souffrance, une volonté de nation prenant conscience que, enfin, après un temps si long, l'heure est arrivée d'intervenir sur le destin qui est devant nous.
[*] Professeur de l'Université Nationale de Colombie et de l'Université Distritale Francisco José de Caldas de Bogotá. Membre du Conseil National de la Paix et du Réseau des Universités pour la Paix
Source : Porque el "SI" este 2 de octubre
Trad° : CM
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