Trois femmes ont eu une importance décisive à leur époque : Policarpa Salavarrieta, Manuela Sáenz et Juana Azurduy. Trois histoires qui révèlent le rôle des femmes dans le passé latino-américain.
"Voyez ! Bien que jeune et femme, j'ai tout le courage d'affronter la mort, et mille morts encore. N'oubliez pas cet exemple" C'est ainsi que s'insurgea quelques minutes avant d'être fusillée, l'espionne, la guerrière, la créole, la femme qui avait défié non seulement l'ordre espagnol en Amérique, mais aussi le machisme de ses compatriotes qui à plusieurs reprises affirmèrent que les affaires révolutionnaires indépendantistes n'étaient pas du ressort des femmes. A 21 ans, Policarpa Salavarrieta "La Pola" s'était mobilisée activement pour transmettre des informations ou pour acheter du matériel de guerre, jusqu'à devenir la plus futée des espionnes.
Elle utilisa son métier de couturière des femmes de la grande bourgeoisie pour se camouffler et faire passer des noms, des lieux et toute information utile aux guérillas. Son origine provinciale lui donnait l'avantage d'être inconnue par bon nombre d'habitants aisés de la Bogotá d'alors, cela favorisait sa mission risquée et la convertit en pièce maitresse pour ses compagnons. De nombreux écrivains et chercheurs ont voulu rendre compte de la vie de cette héroïne sur qui subsistent peu de ressources historiographiques. Il n'en demeure pas moins que, depuis sa mort au peloton d'exécution, elle a inspiré de nombreuses femmes qui ont rejoint la cause révolutionnaire.
Ce furent de rudes années de lutte politique. Arracher d'Amérique la couronne d'Espagne avait uni plus de gens que ce que l'histoire officielle veut bien raconter sur l'indépendance : Des peuples originaires enragés qui continuaient à vouloir se libérer du joug, des femmes parmi les troupes qui ont perdu la vie en luttant pour la liberté, ces armées de paysans à qui l'histoire n'a pas rendu justice. "La Pola" est donc un symbole de révolte qui s'est gagné le respect des troupes indépendantistes. Elle est, peut-être, la représentation la plus visible des femmes qui ont bataillé pour le pays.
Au beau milieu du silence du Palais de San Carlos, une femme s'interpose entre Bolívar et ceux qui voudraient l'assassiner. La belle de Quito à la noire chevelure, qui participa activement aux campagnes de la geste libératrice, a affronté les commérages de la bonne société de l'époque en abandonnant son mari et en aimant librement Simón Bolívar. Occupant le rôle de l'amante, dénigrée par une histoire machiste et oubliée pendant de nombreuses années, elle a agi contre ce qu'elle même définira, dans les très belles lettres qu'elle échangea avec le Libertador, comme des conventions et de l'hipocrisie. Manuela Saénz, la colonnelle, malgré cette histoire romantique où elle a été injustement confinée, a vaincu tous les détracteurs de son époque à cause de la combatitivité de sa stratégie guerrière, sa conviction dans l'idéal de la liberté et ses qualités de conseillère pour organiser l'Etat.
La "libératrice du libérateur", voilà le titre que lui a conféré Simón Bolívar après qu'elle l'ait aidé à s'échapper au cours de la tentative d'assassinat due à la trahison de ses compagnons. Ceux-ci furent découverts et retenus par Manuela, qui lui donna le temps de sortir par la fenêtre. Les anecdotes autour de la figure de l'héroïne la plus controversée de l'Indépendance sont innombrables, il conviendrait de batailler contre l'infamie machiste qui nie à Manuela Sáenz ce que ses compagnons ont reconnu mille fois : Un violent ouragan qui, habillé en homme, jaillissait sur le champ de bataille avec un fusil en main pour ensuite se transformer en infirmière auprès des soldats tombés au combat. Une femme courageuse qui a lutté avec force pour les droits de ses congénères.
"Le sentiment recueilli auprès du Libertador et la promotion au grade de Colonnel qu'il vous a conféré, le premier que signe la patrie en son nom, ont été accompagnés de commentaires sur le courage et l'abnégation qui ont caractérisé votre personne pendant les années les plus difficiles de la lutte pour l'indépendance" écrivait Manuela Sáenz dans une lettre à l'attention de Madame Juana Azurduy, quelque temps après que Bolívar l'ait visitée pour la promouvoir colonnel en raison de sa longue lutte avec les troupes idéalistes. Née dans le Vice-Royaume du Haut-Pérou (la Bolivie actuelle), connue jusqu'au nord de l'Argentine comme une des plus féroces guérrières des luttes indépendantistes, d'origine indigène et espagnole, Azurduy a appris toute petite le quechua et l'espagnol. Expulsée du couvent où elle résidait à 17 ans, elle rejoignit la Révolution de Chuquisaca et à partir de ce moment-là, ne faillit jamais au devoir de militante. Elle est présente dans les légendes de différentes batailles, comme celle de Ayohuma, où l'armée de Buenos Aires était vaincue, jusqu'à ce que survienne le bataillon féroce qu'elle commandait, composé d'hommes et de femmes.
"C'est alors qu'entre en scène, à la surprise générale, une femme belle et indomptable, avec une légion d'indépendantistes : C'était Juana Azurduy de Padilla! Les passions civiques, l'enthousiasme épique, l'idée de la rédemption l'animaient à se sacrifier dans la lutte" écrit Macedonio Urquidi en 1919. Elle a perdu quatre enfants et son époux au cours de la lutte indépendantiste. On raconte que pour son cinquième accouchement, elle se trouvait au milieu d'une bataille et qu'elle accoucha alors que quelques hommes assuraient sa garde au bord du fleuve pendant que son époux, Manuel Ascencion Padilla, luttait contre les royalistes. Après avoir donné naissance à sa fille, elle se rendit compte de la trahison de ses gardiens qui voulaient les tuer et les voler, couteau à la main et au galop, elle se lança dans le fleuve et sortit sur l'autre rive en sauvant sa petite.
La nouvelle Amérique est née avec un nom de femme, les nouvelles patries ont surgi et d'autres luttes. Le désir inquiet de pays non colonisés est resté, le défi de donner aussi à l'histoire une image de femme courageuse et l'engagement clair de républiques véritablement libres et indépendantes.
Traduction : C.Marchais
Traduction : C.Marchais
Me siento muy honrada con tu traducción, gracias por la solidaridad y la construcción colectiva. Abrazos!
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