vendredi 24 mars 2017

C'est en parlant que les gens se comprennent, voilà ce que nous croyons

Et maintenant, après un demi-siècle à détruire,
il est juste qu'ils aident enfin à construire quelque chose. 
C'est ce que nous voulons.

Par Timoleón Jiménez
in www.FARC-EP.co

Nous tenons pour acquis que nous respecterons ce qui a été établi pour le dépôt des armes. Mais nous espérons aussi de la compréhension afin de trouver la solution la plus viable pour demeurer dans les zones et les points de regroupement au delà de ce qui avait été accordé initialement.

Jean Arnault, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l'ONU pour la Colombie et Chef de la Mission des Nations Unies en Colombie, exprimait les jours derniers son opinion à propos de la fin des délais pour le dépôt des armes de la part des FARC, en expliquant que si la date limite était déplacée pour une ou deux semaines de plus, cela ne représenterait aucun problème, au vu du déroulement normal du processus et des difficultés rencontrées dans les Zones Vicinales Transitoires de Normalisation.

C'est l'opinion respectable et sereine d'une autorité très proche des conversations et des accords célébrés à La Havane, consciente du fait que les réalisations humaines ne peuvent pas toujours s'ajuster exactement aux prévisions de ceux qui rédigent des textes qu'il faut ensuite matérialiser à travers des actes. Ces derniers ont un rythme qui n'est pas celui des normes, et quand les choses se font avec de la bonne volonté, il faut le comprendre sans scandales inutiles.

Entre les deux parties engagées dans les dialogues, plus de cinq ans ont passé à discuter les termes d'un Accord Définitif, et nous avons finalement démontré qu'il n'y a rien de mieux que l'esprit de concertation pour atteindre le résultat rêvé. La sagesse populaire l'exprime à travers le dicton "C'est en parlant que les gens se comprennent" ou sous une autre forme usuelle, "la décence ne se bat avec personne". C'est ce que nous croyons.

Si nous, Etat colombien et FARC, qui nous sommes affrontés à mort pendant un demi siècle, avons ensuite réussi à mettre fin au conflit de manière civilisée, cela permet de constater que les positions extrêmes du tout ou rien, n'arriveront jamais à atteindre ce qui se conquiert au contraire par la voie de la raison et du débat pacifique. Combien avons-nous payé pour ne pas l'avoir compris avant!

En considérant toute la valeur et le sens de l'Accord Final, il est naturel que nous choisissions de ne pas nous polariser sur les problèmes qui affleurent, pour en faire le motif de nouvelles discordes. C'est ce que, les deux parties signataires, avons décidé d'assumer. C'est pourquoi nous nous efforçons de traiter les différends qui surgissent au sein des instances et des circuits accordés. Personnellement, je me suis appliqué à ce que nous, les FARC, évitions à tout prix les réactions mues par la colère. Elles sont inutiles.

Mieux vaut parler et rechercher des solutions concrètes. Nous croyons sincèrement que c'est ce qui nous est demandé, à tous les colombiens et toutes les colombiennes. Le caractère irrationnel qui soutient à outrance ses propres opinions, sans reconnaitre qu'il est normal que les autres pensent différemment, doit céder la place à la compréhension respectueuse et productive. Réussir cela consolidera la paix.

C'est pourquoi nous regardons avec surprise le ton agressif des promoteurs de la marche du premier avril, qui lèvent des banderoles et des slogans tirés par les cheveux. Pour ne citer qu'un exemple : Traiter le Tribunal de Paix de "narco" et "terroriste" pour ensuite appeler à le rejeter, manque du bon sens le plus élémentaire. La respectabilité internationale des entités et des personnes qui désigneront les magistrats du Tribunal est au dessus de tout soupçon.

Il est plus qu'évident que ce genre d'anathèmes ne sont ni raisonnables ni argumentés, ce ne sont que des haines et des passions qui se livrent sans aucune gêne aux plus énormes mensonges. Ce furent ces attitudes et ces comportements qui amenèrent le pays à se vider de son sang. On ne comprend ni comment certains insistent à se baser sur de tels moyens ni quelles sont véritablement leurs intentions obscures. Qui veut d'un pays en guerre, saturé quotidiennement de violences et de privations ?

On comprend alors pourquoi, tant que ces intérêts ont été dominants en Colombie, il a été impossible d'arriver au dialogue et aux solutions politiques. Fort heureusement, la majorité des colombiens et des colombiennes, main sur le coeur, a décidé d'en finir une fois pour toutes avec la logique de l'intolérance et de la violence. Avec une grande bonne volonté, nous espérons que cette majorité ne permettra pas un retour à l'empire des armes, de la mort et des persécutions.

Ce serait le pire des malheurs pour notre patrie. Pour nous, difficile de chercher à régler les différends qui séparent les partisans du sénateur Uribe des politiques et des actions du gouvernement de Juan Manuel Santos. Et encore plus, d'adopter une attitude de défense de l'administration actuelle, que certains nous attribuent d'une manière écervelée. Autre chose bien différente est de méconnaitre le caractère historique qu'a pour notre pays et le continent, le fait d'avoir réussi la signature de la paix.

Il faut reconnaitre chez Santos le mérite que ses principaux détracteurs d'aujourd'hui n'ont jamais eu la grandeur d'assumer, bien qu'ils en aient eu l'opportunité et toutes les possibilités de réussir. Il est chaque jour plus clair qu'ils ne l'ont jamais souhaité, qu'ils agissaient en étant possédés par la logique de l'imposition, par le poing fermé de l'assujettissement, par leur aveuglement face aux conséquences tragiques. Ces jours derniers, a été transmise également une lettre dans laquelle certains officiers de réserve exprimaient leurs préoccupations à propos de l'approbation de la Juridiction Spéciale pour la Paix. Ils étaient inquiets sur la responsabilité de la chaine de commandement, point largement traité autour de la Table de négociation avec l'expertise des meilleurs spécialistes en la matière, mais agité de manière récurrente par les ennemis de la paix pour faire des histoires.

Je ne vais pas me référer au thème en lui-même, mais à un des arguments mis en exergue dans le courrier qui n'hésite pas à qualifier de "républiques indépendantes" les zones et les points vicinaux transitoires de normalisation. Ils se réfèrent ici à l'un des points signés les plus compliqués et satisfaisants, directement lié à la fin du conflit et particulièrement au cessez-le-feu bilatéral et définitif, et au dépôt des armes par les FARC-EP. Cet accord a été travaillé de main de maitre par des cadres expérimentés de la guérilla et un groupe de hauts cadres stratèges des forces armées et de la police, choisis pour leur loyauté dans le commandement des forces armées de la République. Et il a établi le lien avec le Conseil de Sécurité des Nations Unies, entité à qui nous les FARC, remettrons toutes nos armes dans le cadre des protocoles signés, comme cela est déjà en train de se faire par étapes.

Nous considérons, très respectueusement, que l'obsession pour une position, quelle qu'elle soit, ne peut pas en arriver là. Personne dans notre pays n'ignore les conséquences fatales de l'emploi irresponsable d'un épithète de ce genre au début des années 60 du siècle passé, et on ne peut imaginer à quoi pensent ceux qui font de la provocation en employant de si dangereux anachronismes. Des centaines de milliers de morts et plus de huit millions de victimes devraient suffire à répudier cette intention. Surtout quand ce dont le pays a besoin, c'est de la plus grande mesure. Nous savons tous qu'il avait été accordé que le 1er décembre de l'année dernière était le jour J et donc que le 31 mai prochain est le J+180. Le lendemain, l'opération de cessez-le-feu bilatéral doit terminer parce que l'on considère que la veille, nous les FARC, nous aurons déposé notre dernière arme. Et l'on suppose également que l'on doit en finir avec les zones et les points vicinaux transitoires de normalisation.

Le 1er juin, on devrait remettre à chaque combattant deux millions de pesos de la part du gouvernement et, comme qui dirait, le renvoyer pour qu'il trouve son chemin. C'est ce qui est signé, on pourrait penser que ce fut à la légère. Mais on doit aussi considérer que pendant la période en vigueur des zones, toute une série de points accordés pour arriver à une fin heureuse aurait dus être respectée. Et qu'en raison du retard, une bonne partie est toujours en attente de mise en oeuvre par le gouvernement national.

Au cours des 60 jours qui ont suivi le début des ZVTN, un recensement socio-économique devait être réalisé afin de recueillir l'information nécessaire au processus de réincorporation intégrale des FARC-EP à la vie civile, en tant que communauté et en tant qu'individus. Tout ceci pour que, sur la base de ses résultats, soient identifiés les possibles programmes et projets permettant de faire le lien avec le plus grand nombre possible d'hommes et de femmes membres des FARC.

Sous les auspices de l'ambassade de la Norvège, la proposition et la gestion de soutien d'un plan immédiat d'éducation dans le cadre de la réincorporation des guérilléros, élargi aux communautés des ZVTN, devait être construite. Nous ne mentionnons ici que la mise en oeuvre de l'Accord sur les Garanties de Sécurité. On ne peut penser que nous, les guérilléros, sommes obligés de devenir les cibles des sicaires. Reste à développer aussi ce qui est accordé sur le processus de réincorporation économique collective, l'organisation d'économie sociale et solidaire ou Economies Sociales du Commun, ECOMUN.

Il faut parler du processus accéléré d'accréditation et de transfert vers la légalité des membres des FARC et sa feuille de route. Ou de quelque chose de beaucoup plus grande envergure : l'approbation du Plan Cadre pour la Mise en oeuvre des Accords, sur la base d'un avant-projet présenté par le gouvernement national, qui doit être approuvé par le CONPES comme Plan Cadre de Mise en Oeuvre de l'Accord Final, qui devra contenir les ressources indicatives nécessaires pour son financement, ainsi que le détail de ses sources.

La liste des engagements en attente est longue, et nous voulons que soit établie une fois pour toutes notre bonne volonté à faire en sorte qu'ils soient tous respectés. Nous l'avons démontré en élevant des campements de fortune à côté des lieux où se construisent l'infrastructure des zones et des points de regroupement. Au sens strict, nous pourrions argumenter que nous ne sommes pas encore dans les zones, puisqu'elles ne sont pas encore construites. Mais cela ne nous intéresse pas d'agir ainsi. Cela ne serait pas sérieux.

Nous avons parlé avec le gouvernement, et d'une manière ou d'une autre, nous cherchons à nous mettre d'accord pour trouver une solution à chacune des difficultés qui se présentent, de manière dialoguée et constructive. C'est ce qui nous apparaît le plus correct et le plus juste. Nous tenons pour acquis que nous respecterons ce qui a été établi pour le dépôt des armes. Mais nous espérons de la compréhension afin de trouver la solution la plus viable pour demeurer dans les zones et les points de regroupement au delà de ce qui avait été accordé initialement, parce que la réalité de l'application des points contemplés dans l'Accord Définitif l'impose.

Avec les meilleures intentions et dans un esprit de consensus, nous le disons dès maintenant, bien que la sortie de l'impasse ne soit pas encore si imminente, en sachant qu'elle se présentera sans doute. Nous imaginons déjà tous les tralalas sur les républiques indépendantes et autres, avec ceux dont nous savons qu'ils prétendront toujours mettre des obstacles. Rien de tel. C'est en parlant que les gens se comprennent, nous l'avons dit. Et maintenant, c'est juste qu'après un demi-siècle à détruire, ils aident enfin à construire quelque chose. C'est ce que nous voulons.

La Havane. 18 mars 2017
Source :  www.FARC-EP.co



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